Examen d’aptitude ou visite médicale ? Alors que le Parlement européen s’apprête à voter la systématisation d’un examen médical tous les quinze ans pour conserver son permis de conduire, certains estiment cette réforme insuffisante et préconisent plutôt des stages de conduite préventifs.
Lancé dans une voiture à 80 km/h sur un parking du parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis), Patrick Verdier, retraité de 65 ans, écrase les freins au signal lumineux du formateur, assis sur le siège passager. Le bruit rugueux des pneus sur l’asphalte s’ajoute au vrombissement du balai des avions dans le ciel, aux abords de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle tout proche. Le véhicule s’arrête, évitant de peu un plot. Temps de réaction du conducteur : 0,6 seconde. Distance de freinage : 3 m. « Avoir le pied déjà prépositionné au-dessus du frein, ça fait gagner jusqu’à trois secondes de temps de réaction. C’est peut-être ça qui va limiter les dégâts », explique à l’AFP ce stagiaire en conduite préventive.
Visite médicale versus test de conduite
Avec la réforme du permis de conduire qui sera débattue au Parlement européen le 27 février, une visite médicale pourrait être imposée à tous les citoyens européens tous les quinze ans afin de pouvoir conserver leur permis. Les personnes déclarées médicalement inaptes pourraient ainsi perdre le droit de conduire.
Pour Patrick Verdier, le renouvellement administratif du permis, couplé à une visite médicale obligatoire, est « salutaire » mais pas suffisant. Il s’interroge sur les modalités de ce contrôle. Plutôt qu’une visite médicale, « est-ce qu’il ne vaut mieux pas un test de conduite ? »
Lui aussi stagiaire, François Bedoura, 57 ans, apprend à maîtriser son véhicule en cas de perte d’adhérence. Sa famille vivant en Allemagne, l’ingénieur est souvent confronté à « des conditions météorologiques compliquées » avec « du verglas ou de la neige ». « On a appris à conduire il y a longtemps. Ce qui est intéressant, c’est de remettre à jour ses connaissances », abonde-t-il, estimant qu’il est essentiel de « voir la personne en situation » pour attester de ses capacités.
Selon l’eurodéputée et rapporteure du texte Karima Delli (Europe Ecologie), il faut « faire en sorte qu’au renouvellement du permis, on ajoute un petit test d’aptitude » en vérifiant « l’ouïe, la vue et les réflexes » du conducteur. Au Parlement européen, l’élue sera accompagnée de Pauline Déroulède, membre de l’équipe de France de tennis en fauteuil. Percutée par la voiture d’un nonagénaire qui a « appuyé sur l’accélérateur au lieu du frein », elle a perdu sa jambe gauche en 2018.
Une mesure jugée « lourde » et « inefficace »
Par son histoire personnelle, l’athlète paralympique souhaite interpeller les eurodéputés sur la nécessité d’une réforme du permis et plaide pour la systématisation d’une visite médicale. Mais pour le Dr Philippe Lauwick, président de l’association Automobile club médical de France, qui regroupe des médecins agréés pour le contrôle de l’aptitude médicale à la conduite, la systématisation de cette visite est une mesure « extrêmement lourde » qui n’aura « aucun effet bénéfique » en termes de sécurité routière.
« Chaque année, il y a à peu près un million de candidats qui passent le permis. Puisque la mesure envisage de faire une visite médicale obligatoire tous les quinze ans, on aurait plus de 300.000 visites médicales à réaliser chaque année », estime le médecin, soulignant son coût financier important.
Karima Delli souhaite toutefois mettre en place « quelque chose de simple » et de « gratuit ».
Une pétition lancée par des associations d’usagers de la route
L’association des usagers de la route 40 millions d’automobilistes a lancé lundi une pétition et appelé à se « mobiliser contre ce texte de loi inadmissible ».
La mesure suscite aussi des interrogations sur la mobilité des personnes qui seront déclarées « inaptes » après une visite médicale. « Il y a des gens qui habitent dans les campagnes, où il y a moins de transports en commun… Il faut appliquer la mesure intelligemment », soulève François Bedoura. « À un certain âge, abandonner sa voiture c’est perçu comme une atteinte » à la mobilité, estime Patrick Verdier.
Pour Pauline Déroulède comme pour Karima Delli, la mesure doit « aller de pair avec la mise en place de solutions alternatives de mobilité ». Et d’évoquer le « transport à la demande, des navettes adaptées pour cette population qui ne pourra plus prendre la voiture », défend l’athlète.
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