Le 4 février, le Front national (FN) a dévoilé le programme de Marine Le Pen, à travers 144 engagements. Toujours coordonnés et efficaces sur les réseaux sociaux et le web, les différents comptes actifs du parti ont relayé les propositions :
Engagement numéro 105 de @MLP_officiel : se battre pour l’égalité des chances par la méritocratie ! Les 144 engagements sur marine2017.fr pic.twitter.com/bpgGbqkJoM
— Florian Philippot (@f_philippot) 10 février 2017
ou :
Contre la pénurie de médecins et les déserts médicaux, Marine mettra fin à l’absurdité du faible numerus clausus ! #Marine2017 pic.twitter.com/zRlm3B6eCF
— Sophie Montel (@Sophie_Montel) 10 février 2017
ou encore :
Pour un sport populaire et français, face à la financiarisation à outrance, l’engagement présidentiel n°117 @MLP_officiel. pic.twitter.com/fr78O9q1MC
— Philippe Vardon (@P_Vardon) 10 février 2017
Ce programme décline la France en un certain nombre d’adjectifs : « libre », « sûre », « prospère », « juste », « fière », « puissante » et « durable ».
Et depuis, ce week-end et lundi notamment, le FN a été bien présent dans les émissions politiques. J’ai choisi de m’intéresser aux passages de Marine, Marion Le Pen et Florian Philippot. Lesquels ont été repris sur les comptes Twitter :
- Compte de @MLP_officiel avec #LeGrandRDV : 19 tweets
- Compte de @Marion_M_Le_Pen avec #LeGrandJury : 94 tweets
- Compte @FN_officiel avec #PolMat qui a relayé le passage de Florian Philippot : 16 tweets
En effet, la communication numérique orchestrée sur ces comptes montre bien que Twitter est un relais quasi exhaustif de la prise de parole médiatique lors de campagnes : les interviews, réactions, etc. sont « live-tweetées » par les community managers des candidats, sur le compte officiel de la personnalité, ou celui du parti.
On est bien loin de la caricature de la réduction de la pensée en 140 signes, que l’on peut entendre de manière récurrente, et ce dimanche même par exemple par Lucas Belvaux dans #cpolitique :
#cpolitique et encore la fameuse « réduction de la pensée en 140 caractères » pic.twitter.com/rfvFHgSXRa
— Julien Longhi (@jlonghi1) 12 février 2017
À partir de ce petit corpus (129 tweets), j’ai procédé à une analyse textométrique qui permet de faire émerger les grands thèmes abordés. La figure suivante présente les résultats
Si la classe 1 regroupe des éléments techniques (# et @), la classe 2 reprend les éléments véhiculés par Marine Le Pen, la classe 3 ceux par Florian Philippot, et les classes 4 et 5 par Marion Maréchal Le Pen.
À partir de ce repérage, nous pouvons détailler la manière dont ces thèmes sont abordés.
Marine Le Pen et la monnaie : la France « libre », « prospère » et « juste »
Le discours de Marine Le Pen reprend les thèmes principaux et habituels du FN, mais elle thématise particulièrement la question de la monnaie :
« Il n’y a pas de pays libre sans monnaie nationale ! » #LeGrandRDV
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 12 février 2017
En plus d’être un argument économique, cette question devient un élément patriotique : une monnaie nationale est pour elle nécessaire pour être un « pays libre ». En outre, elle permettrait à la France de ne plus être une victime :
« L’euro monnaie unique est un frein à notre activité économique, mais également une arme politique pour nous faire du chantage. » #LeGrandRDV
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 12 février 2017
Avec le terme « chantage », qui place la France en position de victime, le coupable étant implicitement l’Union européenne…
Ce programme monétaire est, en outre, le socle de la justice revendiquée dans le programme :
« Je suis attachée à notre système de protection sociale ! C’est ma vision de la solidarité nationale. » #LeGrandRDV
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 12 février 2017
Pour Florian Philippot, la France « juste » et « sûre »
Florian Philippot a un discours assez large, qui balaye des sujets de politique (comme François Fillon) :
.@f_philippot : « Sous François #Fillon, 12 500 postes de policiers et de gendarmes ont été supprimés. Nous le payons aujourd’hui. » #PolMat
— Front National (@FN_officiel) 13 février 2017
Ce discours lui permet d’aborder aussi d’autres questions, comme la sécurité, ou encore les questions démocratiques plus globales :
.@f_philippot : « Ce n’est pas à la grande finance de choisir les candidats à la présidentielle. Ce n’est pas ça la démocratie ! » #PolMat
— Front National (@FN_officiel) 13 février 2017
Marion Maréchal Le Pen : la France « sûre » et « fière »
De son côté, Marion Maréchal Le Pen a un discours très tranché, qui s’inscrit notamment dans la thématique du peuple contre les élites :
« Donald #Trump a été élu par le peuple contre les élites. » #LeGrandJury
— Marion Le Pen (@Marion_M_Le_Pen) 12 février 2017
L’exemple de Trump permet de mettre à distance les « élites », et de tirer profit de la fierté du peuple. Ceci justifie également le discours face à l’immigration sous couvert de « sûreté », en associant dans un même temps et sans précautions « ressortissants » et « terrorisme » :
« Nous ne nous interdisons pas de suspendre l’arrivée sur notre territoire de ressortissants, en cas de risque terroriste. » #LeGrandJury
— Marion Le Pen (@Marion_M_Le_Pen) 12 février 2017
Elle adopte un discours également très incisif envers les « jeunes » :
#LeGrandJury @Marion_M_Le_Pen : Les jeunes de la #Nuitdebout « pensent à leurs allocations chômage avant même d’avoir travaillé »
— Le Grand Jury (@LeGrandJury) 17 avril 2016
Et « défend » une certaine image de la jeunesse :
#LeGrandJury @Marion_M_Le_Pen : La #NuitDebout, « ce ne sont pas ‘les’ jeunes mais ‘des’ jeunes ».
— Le Grand Jury (@LeGrandJury) 17 avril 2016
À partir de ce petit corpus, nous pouvons donc examiner la mise en œuvre de la communication du FN autour des propositions de sa candidate : à travers des émissions médiatiques de forte audience, et le relais des séquences les plus fortes sur les réseaux sociaux, les figures emblématiques mettent en musique la partition gérable proposée dans les propositions : « sûreté », « fierté », « liberté », « prospérité », etc., sont mis en discours de manière plus ou moins spécifique (à travers la monnaie par exemple), contextuelle (en lien avec les événements de Bobigny), personnalisée (la question de la jeunesse par Marion Maréchal Le Pen), mais toujours avec une forte cohérence.
Loin de réduire la pensée, la communication sur les médias sociaux, sur Twitter en particulier, est d’une grande force et efficacité. Ne pas en tenir compte, c’est s’exposer à des effets de « bulles » médiatiques et ne pas mesurer l’impact de ces « données » sociales sur les processus électoraux.
L’application #Idéo2017 proposera prochainement des manières de mieux percevoir et appréhender ces stratégies, et ce chez l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle.
Julien Longhi, Professeur des universités en sciences du langage, Université de Cergy-Pontoise
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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