Fonds marins : la transition énergétique confrontée à la préservation de la biodiversité

Par Germain de Lupiac
3 avril 2025 07:20 Mis à jour: 7 avril 2025 14:05

Le 31 mars, la compagnie pétrolière chinoise CNOOC a découvert un important champ pétrolifère dans l’est de la mer de Chine méridionale, doté de réserves de plus de 100 millions de tonnes.

Le sous-sol de la mer de Chine méridionale est en grande partie sous-exploré en raison de différends territoriaux, mais la plupart des gisements de pétrole et de gaz connus se situent dans des zones non contestées, selon l’Agence d’information sur l’énergie (EIA) des États-Unis.

Au même moment, l’entreprise canadienne The Metals Company (TMC) se dit prête pour commencer à exploiter les fonds marins en haute mer, pour y extraire des minerais convoités, et se retrouve confrontée à une levée de bouclier de la communauté internationale.

Les fonds marins, entre 4000 et 6000 mètres de profondeur, suscitent une convoitise de plus en plus grande, car certains contiennent des métaux sous plusieurs formes, dont des nodules polymétalliques.

« Toute action unilatérale constituerait une violation du droit international, et saperait les principes fondamentaux du multilatéralisme », a plaidé la secrétaire générale de l’AIFM, chargée de protéger les fonds marins dans les eaux internationales et d’organiser l’exploitation des ressources qu’ils recèlent.

Mais l’AIFM (Autorité internationale des fonds marins) est écartelée entre partisans de l’extraction et défenseurs d’un moratoire, et n’a pas encore adopté le « code minier » devant réguler cette nouvelle industrie, et les négociations risquent de ne pas être terminées en 2025 comme attendu.

Dénonçant les « échecs répétés » pour finaliser ce code, TMC a annoncé son intention de soumettre au deuxième trimestre 2025 une demande de contrat commercial aux États-Unis, qui ne sont membres ni de l’Unclos (United Nations convention on the law of the sea, Convention des Nations Unies sur le droit de la mer), ni de l’AIFM.

Ce nouveau « chemin » offre « la meilleure probabilité d’obtenir un permis commercial pour commencer les opérations dans les meilleurs délais », a justifié son PDG Gérard Barron, disant avoir rencontré des responsables de la Maison-Blanche et du Congrès concernant « leur soutien envers cette industrie ».

L’objectif de l’entreprise est d’exploiter dans une zone du Pacifique des nodules polymétalliques, sorte de « galets » riches en cobalt, manganèse, nickel et cuivre, que l’entreprise décrit comme cruciaux pour la transition énergétique.

En l’absence d’un code minier sur les fonds marins, plusieurs pays, dont la France et le Royaume-Uni, se sont prononcés pour un moratoire sur l’extraction minière sous-marine. Ces extractions font redouter de potentielles conséquences environnementales qui pourraient bouleverser des écosystèmes déjà fragiles.

La Norvège ouvre ses fonds marins à la prospection minière

Le Parlement norvégien a donné son feu vert en janvier 2025 à l’ouverture d’une partie des fonds marins du pays à la prospection minière, en dépit des avertissements des experts autour de son impact incertain sur les écosystèmes.

En mettant à disposition 280.000 km2 de ses fonds marins – l’équivalent de la moitié de la superficie de la France -, la Norvège devient l’un des premiers pays au monde à se lancer dans cette pratique dans une région inexplorée.

La Norvège espère ainsi devenir un grand producteur mondial de minerais, nécessaire, selon le gouvernement, pour réussir sa transition énergétique. « Nous avons besoin de minéraux [car] nous devons mener une transition verte sous la forme de cellules et de panneaux solaires, de voitures électriques, de téléphones mobiles », avait expliqué en décembre la députée travailliste, Marianne Sivertsen Naess.

Le pays veut, en parallèle, réduire sa dépendance envers d’autres pays, comme la Russie ou la Chine – premier producteur au monde de terres rares – pour ses matières premières.

Les îles Cook vont explorer leurs fonds marins avec la Chine

Les îles Cook et la Chine vont travailler ensemble pendant cinq ans à l’ « exploration » et à la « recherche de ressources minérales des fonds marins » dans les eaux du micro-Etat de 17.000 habitants, ont déclaré les deux pays dans un communiqué commun en février 2025.

La coopération portera sur des formations liées aux minéraux des grands fonds, des transferts de technologies, une aide logistique et de la recherche sur les écosystèmes.

Les entreprises du secteur espèrent un jour gagner des milliards de dollars en extirpant des fonds marins des nodules polymétalliques – de la taille d’une pomme de terre – chargés de manganèse, cobalt, cuivre et nickel, très demandés car utilisés dans les batteries de véhicules électriques.

La Chine cherche également à étendre son influence militaire, économique et diplomatique dans le Pacifique en se rapprochant des micro-États de la région, au détriment notamment des États-Unis, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, puissances historiques de la zone.

Le Portugal interdit l’exploitation minière de ses fonds marins jusqu’en 2050

Le Parlement portugais a voté le 31 janvier un moratoire interdisant l’exploitation minière des grands fonds sous-marins de ses eaux territoriales jusqu’en 2050.

Le Portugal est ainsi en passe de devenir « le premier pays européen à inscrire dans la loi une interdiction de cette activité tant qu’il n’y a pas davantage de données scientifiques » sur son impact sur l’environnement, a commenté la militante écologiste Catarina Abril, de l’ONG environnementale portugaise Sciaena.

Avec l’archipel des Açores, situé en plein milieu de l’Atlantique nord, le Portugal pourrait disposer d’importantes ressources minières dans les profondeurs de sa zone économique exclusive.

La communauté internationale aborde une année 2025 cruciale qui pourrait dessiner l’avenir de l’extraction minière en haute mer. Malgré la décision prise par le Parlement portugais, les inquiétudes à Lisbonne se portent sur des projets d’exploration financés par la France, la Pologne et la Russie, de gisements situés à la limite des eaux territoriales des Açores.

Mieux gouverner les océans pour préserver une « économie durable »

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) appelle à « renforcer la gouvernance des océans » pour aider à bâtir « une économie de la mer conciliant productivité et durabilité environnementale » à l’horizon 2050, dans un rapport publié le 31 mars à l’occasion du sommet « SOS Océan » organisé à Paris.

L’OCDE rappelle le rôle crucial que jouent les océans dans l’économie mondiale : ils procurent à plus de 3 milliards de personnes de quoi manger à leur faim, font transiter plus de 80 % des biens produits dans le monde et sont sillonnés de câbles transportant 98 % du trafic internet.

Le tourisme et l’extraction de pétrole et de gaz représentent « près des deux tiers de la valeur ajoutée brute mondiale » des activités maritimes, passée de 1300 à 2600 milliards de dollars entre 1995 et 2020, selon le rapport.

La transition énergétique « aura une influence décisive sur la trajectoire future des activités tournées vers la mer », souligne l’OCDE.

Entre préservation d’écosystème et rentabilité de zones économiques

À l’occasion du sommet « SOS Océan » organisé à Paris le 31 mars, la France a plaidé pour un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins, faute des « connaissances scientifiques nécessaires ». « Il ne doit pas y avoir d’action concernant l’océan qui ne soit éclairée par la science », a déclaré le président français.

« Nous avons une responsabilité […] de véritablement maintenir le financement d’une recherche académique libre », qui « permette d’établir scientifiquement des résultats » et « sur la base de ces faits établis, de changer les pratiques », a insisté Emmanuel Macron.

Emmanuel Macron entend aussi « remobiliser sur [l’objectif des] 30 % de protection de nos océans » à l’horizon 2030, ce dont « nous sommes bien loin aujourd’hui avec 8,5 % », avec un engagement à atteindre « 12 % de protection de nos zones économiques exclusives (ZEE) » d’ici la prochaine Conférence des Nations unies pour l’Océan qui se tiendra en juin à Nice. En filigrane, une protection des ZEE devant l’appétit croissant des grandes puissances telles que la Chine.

La France possède le 2e espace maritime mondial. Selon le gouvernement, les bassins sédimentaires connus et propices aux recherches d’hydrocarbures couvrent actuellement une superficie de plus de 200.000 km2 en mer (soit 2 % de la ZEE de la France) et plus de 70.000 km2 à terre (soit 11 % du territoire total de la France).

La France pourrait être pionnière sur le secteur pour créer des standards d’exploitation permettant d’assurer la préservation de la biodiversité et garantir une rentabilité économique, force d’équilibre mondial.

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