Le dollar canadien semble être une devise sans grand éclat, mais sa récente force est un peu surprenante et inquiétante pour la croissance économique, estiment certains analystes.
Depuis l’élection américaine, le dollar canadien performe mieux que l’euro, le yen, la livre sterling, le dollar australien et le peso mexicain. Cela s’explique difficilement étant donné ce qui affecte normalement la valeur du dollar.
« Si vous regardez du côté des prix du pétrole cette année et du côté des écarts des taux d’intérêt aux États-Unis alors oui, il faut être surpris de ce qui se passe parce que le dollar canadien va essentiellement dans la direction opposée », explique en entrevue téléphonique Krishen Rangasamy, économiste principal à la Banque Nationale.
Tout est relatif dans le domaine des devises. Leurs valeurs sont liées aux différences des taux d’intérêt à court terme entre les deux pays observés. Récemment, comme le taux de rendement de l’obligation de deux ans aux États-Unis a grimpé plus rapidement que celui de son homologue canadienne, on pourrait s’attendre à ce que le taux d’intérêt plus élevé attire plus d’argent vers les États-Unis aux dépens du Canada, affaiblissant ainsi le dollar canadien par rapport au dollar américain.
Mais il y a plusieurs facteurs qui influencent la valeur d’une devise, et le prix du pétrole – qui est normalement un facteur crucial pour le dollar canadien – a eu moins d’influence dernièrement.
La corrélation – une mesure de la similarité de mouvement entre deux variables – entre le dollar canadien et le prix du pétrole West Texas Intermediate (WTI) a chuté considérablement en 2017. Le dollar canadien ne réagit pas comme un « pétro-dollar ».
Shaun Osborne, stratège des marchés des changes à la Banque Scotia, n’aime pas le terme pétro-dollar et il affirme, lors d’une entrevue téléphonique, que les corrélations vont et viennent. La force relative du dollar canadien est un peu surprenante étant donné le facteur décisif pour le Canada : une politique monétaire divergente des États-Unis et une croissance relative plus faible que celle des voisins du Sud.
La divergence en matière de politique monétaire pourrait s’accroître puisqu’on s’attend à ce que la Réserve américaine augmente ses taux d’intérêt jusqu’à trois fois en 2017, alors que la Banque du Canada prévoit maintenir le cap actuel jusqu’en 2018.
« Je pense que le message de la Banque [du Canada] est assez clair : ils ne considèrent pas nécessairement que la plus grande force du dollar canadien est justifiée en ce moment et ils continuent de soulever la divergence de politique monétaire comme étant quelque chose qui va dorénavant affaiblir le dollar canadien », affirme M. Osborne.
Dans un récent discours, le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a qualifié la force de la devise « prématurée », puisque l’économie canadienne est loin d’avoir atteint son potentiel.
Le Canada est un endroit très attirant du point de vue de l’investisseur international.
– Shaun Osborne, stratège des marchés des changes à la Banque Scotia
Toutefois, la force des données économiques du Canada récemment, particulièrement dans le domaine de la création d’emplois, est l’une des raisons de la force du dollar, selon M. Osborne. En moyenne, 30 000 emplois par mois ont été créés durant le quatrième trimestre et le taux de chômage est tombé à 6,8 % en janvier.
Les étrangers aiment le Canada
Un autre facteur qui fait augmenter la valeur du dollar est la tendance grandissante d’appartenance étrangère des actifs canadiens, qu’ils soient tangibles ou financiers comme les actions et les obligations. Cette tendance est difficile à évaluer, puisque les données ne sont pas disponibles de manière ponctuelle, affirme M. Rangasamy.
« Le Canada est un endroit très attirant du point de vue de l’investisseur international », estime M. Osborne. Le Canada est stable politiquement, la règle de droit est observée et sa notation AAA est de plus en plus rare.
Selon M. Rangasamy, l’année 2016 a vu un record d’entrées en portefeuille dans les actions et les obligations, mais cela pourrait ralentir. « Selon notre point de vue, cela va diminuer parce qu’il est difficile de conserver ce rythme d’achat venant des étrangers. Mais peut-être que cette force s’est étendue au début 2017 », remarque-t-il.
M. Rangasamy souligne que les investisseurs à court terme, les spéculateurs, conservent maintenant une position plus longue avec le dollar canadien pour la première fois depuis septembre.
Le dollar canadien n’est quand même pas en feu comme le marché boursier, mais sa récente force ne sera pas bien accueillie par les exportateurs et la Banque du Canada.
L’économie canadienne s’appuie sur la demande intérieure depuis plusieurs années, particulièrement les dépenses des ménages sur le logement. Cependant, les propriétaires sont hautement endettés, ce qui peut limiter leur capacité à consommer.
« Ce qui semble être le chemin à prendre pour le Canada est que les exportations prennent le flambeau et que les consommateurs remboursent leurs dettes », croit M. Rangasamy. « C’est pourquoi tout le monde compte sur les exportations et c’est pourquoi nous avons besoin d’un dollar canadien plus compétitif. »
« Si le dollar canadien demeure où il est, ce n’est pas bon pour nous », mentionne M. Rangasamy.
M. Osborne estime que le dollar canadien est légèrement surévalué actuellement. Concernant une perspective à long terme, il affirme : « Compte tenu de la situation de l’économie, de la situation de la politique monétaire et de la situation des marchandises, je ne crois pas que le dollar canadien soit nécessairement trop décalé. »
Beaucoup d’analystes s’attendent à ce que le dollar s’affaiblisse pour atteindre 0,73 dollar US d’ici six mois.
Version originale : Canadian Dollar’s Quiet Strength Surprising but Problematic, Say Analysts
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