Dans un monde qui récompense le fait d’avoir raison, il est très difficile de ne pas rechercher et de ne pas répéter les réponses. Nous sommes même fiers d’avoir raison, d’avoir la « bonne » réponse. Certains d’entre nous utilisent même ce qu’ils croient être juste pour intimider et battre ceux qu’ils pensent avoir tort : Après tout, pourquoi adopterions-nous des idées et des croyances si elles n’étaient pas justes ? Et puisque nous avons raison, comment quelqu’un pourrait-il être assez stupide pour penser différemment de nous ? Nous aimons jeter la pierre.
Croire que nous avons la réponse absolue se transforme souvent en la pire forme de fanatisme, le genre de fanatisme qui mène à la condamnation, aux inquisitions et même au génocide. Au contraire, si nous cherchions à formuler de bonnes questions aussi souvent que nous souhaitons assommer les gens avec nos « bonnes » croyances, notre monde serait bien différent.
Dans cette série, nous poursuivons la recherche de cette valeur et voyons si elle peut nous aider à formuler des questions qui seront déterminantes dans notre vie.
Ève rêve de Satan
Après que Gabriel a affronté Satan dans le jardin d’Éden, tous deux ont pris des chemins différents. La nuit précédente, Satan, déguisé en crapaud, fait faire à Ève un rêve troublant. Elle rêve de quelqu’un « semblable par la forme et les ailes à l’un de ceux-là du ciel que nous avons vus souvent » (Livre V, lignes 100-).
Satan, maintenant déguisé en ange, emmène Ève vers l’arbre de la connaissance du bien et du mal et lui dit d’en manger pour ressembler aux êtres du ciel. Satan s’approche d’elle, la saisit et s’envole dans le ciel d’où elle peut voir la terre de haut. Il disparaît ensuite, et elle retombe sur terre. Elle se réveille effrayée et est heureuse que ce ne soit qu’un rêve.
Adam calme la peur d’Ève à propos de son rêve. Il lui dit que nos âmes sont complexes, et que ce n’est pas parce qu’elle a rêvé de quelque chose de sombre ou de mauvais qu’elle est sombre ou mauvaise. Ève verse une larme, mais est satisfaite. Ils regardent tous deux le soleil se lever et chantent des louanges à leur Créateur en lui demandant de dissoudre le mal et d’apporter le bien :
« Salut, universel Seigneur !
Sois toujours libéral pour ne nous donner que le bien.
Et si la nuit a recueilli ou caché quelque chose de mal,
Disperse-le, comme la lumière chasse maintenant les ténèbres.
Innocents ils prièrent, et leurs pensées
Recouvrèrent promptement une paix ferme et le calme accoutumé. »
(Livre V, lignes 104-)
L’éclat de l’ange Raphaël
Entretemps, Dieu regarde toute la scène se dérouler et appelle son archange Raphaël pour aider Adam et Ève avec des conseils divins.
Raphaël s’envole vers l’Éden. Dans un passage magnifiquement écrit, Milton décrit le voyage de Raphaël. Raphaël s’envole à travers les louanges chantées dans le ciel et, de chaque côté de lui, le chœur céleste chante les louanges de la volonté de Dieu. Il arrive aux portes du Ciel, qui s’ouvrent d’elles-mêmes pour ne pas entraver son vol.
Raphaël vole dans le ciel sans que rien ne l’entrave, et les couleurs de ses ailes et la lumière qu’il émet le font ressembler à un phénix en vol. Enfin, il atterrit dans l’Éden, ressemblant à un séraphin à six ailes – un ange de l’ordre le plus élevé dans les neuf niveaux du ciel. Il secoue ses ailes et dégage un parfum qui fait connaître à tous son rang et son arrivée.
Adam voit Raphaël au loin et demande à Ève de venir voir :
« Accours ici, Ève ; contemple chose digne de ta vue :
À l’orient, entre ces arbres, quelle forme glorieuse
S’avance par ce chemin ! elle semble une autre aurore
Levée à midi. Ce messager nous apporte
Peut-être quelque grand commandement du ciel et daignera
Ce jour être notre hôte. Mais va vite,
Et ce que contiennent tes réserves, apporte-le ; prodigue
L’abondance convenable pour honorer et recevoir
Notre divin étranger. »
(Livre V, lignes 107-)
Adam compare l’éclat de Raphaël à une seconde aurore au milieu de la journée. Dans l’illustration de Doré intitulée À l’orient, entre ces arbres, quelle forme glorieuse s’avance par ce chemin ! Adam est représenté penché vers Ève, dans la partie inférieure gauche de la composition. Il montre du doigt Raphaël qui est représenté presque comme une silhouette blanche. Gardez à l’esprit le fait qu’Adam montre du doigt ici, car cela sera pertinent lorsque nous examinerons l’image suivante.
Le reste du paysage est représenté de manière sombre. Cette obscurité ne suggère pas que le jardin d’Éden est sombre, mais que la lumière du soleil est sombre comparée à l’éclat d’un être céleste. La seule façon pour Doré d’y parvenir est d’assombrir le paysage pour faire ressortir l’éclat de Raphaël.
Il est également intéressant qu’Adam et Ève apportent ce qu’ils ont de meilleur en l’honneur de l’archange. Ils veulent montrer leur hospitalité à leur messager, et vont donc préparer l’abondance du jardin pour la partager avec Raphaël.
Raphaël converse avec Adam et Ève
Adam et Ève, en compagnie de Raphaël, s’engagent dans un dialogue fructueux. Adam, en tant que patriarche de l’humanité, encore pur dans son esprit, ne présume pas avoir des réponses, mais pose des questions :
« Il vint à la pensée d’Adam de ne pas laisser passer
l’occasion que lui donnait ce grand entretien, de s’instruire
des choses au-dessus de sa sphère, de s’enquérir des êtres
qui habitent dans le ciel. »
(Livre V, lignes 110 – )
Adam demande ce qu’il en est des choses du Ciel par rapport à celles de la Terre. Raphaël répond :
« Ô Adam, il est un seul Tout-Puissant,
De qui toutes choses procèdent et à qui elles retournent,
Si leur bonté n’a pas été dépravée :
Toutes ont été créées semblables en perfection (…)
Vos corps pourront à la longue devenir tout esprit,
Perfectionnés par le laps du temps, et sur des ailes s’envoler
Comme nous dans l’éther ; ou bien ils pourront habiter, à leur choix,
Ici ou dans le paradis céleste,
Si vous êtes trouvés obéissants, si vous gardez
Inaltérable un amour entier et constant à celui
Dont vous êtes la progéniture. »
(Livre V, lignes 110-112)
Raphaël dit à Adam que Dieu a créé toutes les choses parfaitement : ils n’ont qu’à maintenir leur perfection en restant obéissants à Dieu et entièrement dévoués à son amour. Ce faisant, ils pourront devenir proches de Dieu comme les archanges, et pourront se déplacer entre les Paradis célestes et la terre comme ils le souhaitent.
Dans l’illustration précédente, Adam montre Raphaël du doigt. Milton fait en sorte qu’Adam se tourne vers Ève et lui demande ce qui vient vers eux. Imaginons toutefois qu’Adam n’ait pas demandé quoi que ce soit, mais qu’il ait pensé savoir, et que le fait de montrer du doigt indique un enseignement limité au lieu d’un apprentissage sans limites : Comment le reste de ce chapitre serait-il différent ?
Dans l’illustration de Gustave Doré intitulée : Le hiérarque ailé répliqua : / Ô Adam, il est un seul Tout-Puissant, de qui toutes choses procèdent Raphaël est représenté pointant vers le haut en réponse à la question d’Adam. Comme Adam reconnaît son ignorance et pose des questions sincères, Raphaël l’aide à approfondir sa compréhension de Dieu, dont notre connaissance est limitée. Ici, la communication entre les êtres célestes et les êtres terrestres commence par une question sincère.
Cela dit, ce chapitre m’a inspiré ces questions : Devons-nous questionner non pas pour attaquer, mais pour approfondir notre compréhension de Dieu et de sa création ? Devons-nous préparer notre esprit à recevoir des messages divins ? Devons-nous rendre nos cœurs et nos esprits accueillants envers Dieu et toute la création ?
Gustave Doré était un illustrateur prolifique au XIXe siècle. Il a illustré certains des plus grands classiques de la littérature occidentale, notamment La Bible, Paradis perdu et La Divine comédie. Dans cette série, nous allons nous plonger dans les pensées qui ont inspiré G. Doré et les images que ces pensées ont suscitées.
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