Changement de ton au sein de l’exécutif français : alors que la liste de blessés lors de manifestations s’allonge, il admet aujourd’hui certains « manquements déontologiques » au sein des forces de police, sans remettre en cause la doctrine française du maintien de l’ordre.
La polémique enfle depuis de longs mois, au fil des manifestations de « gilets jaunes », un mouvement de contestation fiscale et sociale qui a souvent attiré les black blocs, puis de celles contre la réforme des retraites. Les réseaux sociaux égrènent les photographies de manifestants ayant perdu un œil, une main, de visages enflés… sans que, jamais, les autorités ne prennent acte d’une violence excessive ou ne remettent en question l’utilisation, pour le maintien de l’ordre, de certaines armes, comme les décriés lanceurs de balles de défense.
Pas de violences policières en France…l’IGPN a du pain sur la planche… pic.twitter.com/JEYU9cvo7V
— Boufrayoua Mehdi #FranceInsoumise #JLM2022 φ (@MehdiBoufrayoua) January 18, 2020
Le décès d’un père de famille de 42 ans
Des événements récents ont changé la donne, comme le décès d’un père de famille de 42 ans, des suites d’une asphyxie avec fracture du larynx, après un plaquage ventral par des policiers –pratique interdite notamment en Suisse et en Belgique et une clef d’étranglement. Ou la diffusion d’une vidéo montrant une femme chutant après le croc-en-jambe d’un policier.
« On ne fait pas de croche-pied à l’éthique », a réagi le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner après avoir appelé les policiers à l’« exemplarité » et à un « usage juste et proportionné de la force ».
Didier Fassin, sociologue et médecin : « Les violences policières ont une définition légale qui ne prend en compte que les violences physiques injustifiées ou disproportionnées. Or l’usage de la force est souvent injustifié et disproportionné aujourd’hui.' »#le79Inter pic.twitter.com/O4UateWT7l
— France Inter (@franceinter) January 17, 2020
Comportements inacceptables
Le président Macron a, lui, fustigé « des comportements pas acceptables », pouvant « atteindre la crédibilité et la dignité » des forces de l’ordre, enjoignant M. Castaner de faire des « propositions pour améliorer la déontologie » dans leurs rangs.
Ces scènes de violences policières nous foutent une honte pas possible dans le monde entier.
Avec M?cron, sa clique infâme et ces brigades noires hors de contrôle, l’ image et la voix de la France ne valent plus grand chose.
Ce n’est plus nous. https://t.co/17RBLX7VFk— Jill Lay- Jones (@JillLayJones1) January 19, 2020
Vidéo montrant un policier frapper un manifestant à terre
À peine quelques jours plus tard, dimanche, une enquête administrative était ouverte en moins de 24 heures, après la diffusion d’une vidéo montrant un policier frapper un manifestant à terre.
Cette affaire est néanmoins l’objet de versions contradictoires, et le jeune homme est convoqué en février au tribunal pour y être jugé pour « violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique », « rébellion et participation à un groupement formé en vue de commettre des violences et des dégradations ».
? VIOLENCES POLICIÈRES
Il y a 1 an, le Parlement européen a voté une résolution contre les #violencespolicières. Depuis, rien n’a changé.
La @GUENGL et la @DFIeurope proposent donc une nouvelle résolution pour défendre
le droit de manifester.⬇️ @ASPelletier nous explique pic.twitter.com/05MTmnzhjz
— Délégation France insoumise au Parlement européen (@DFIeurope) January 13, 2020
Les forces de l’ordre exténuées par plus d’un an de contestations
Les déclarations de l’exécutif ont été mal accueillies par des syndicats de police, au lendemain de la mort d’un de leurs collègues en intervention et alors que les forces de l’ordre se disent exténuées par plus d’un an de contestations.
Elles ont en revanche été saluées par des éditorialistes : « Fini le flagrant déni », a titré en Une Libération (gauche) tandis que La Voix du Nord (régional) fustigeait « le silence des autorités (qui) depuis des mois autorise insidieusement les violences ».
Ce n’était pourtant pas faute d’avoir été dénoncées par des associations, syndicats, universitaires. La Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU avait réclamé le 6 mars à la France une « enquête approfondie » sur ces incidents, s’attirant une sèche réplique de Paris.
Amusant. Mme Diallo écrit une histoire de France qui se résume ainsi : racisme d’Etat, violences policières, répression dans les quartiers populaires. Qui y croit à part la cohorte des gauchistes « bobos » invités permanents des matinales des chaînes d’info? https://t.co/6rIWrgoz7Y
— Chris Gambo (@gambochris1) January 20, 2020
« La parole gouvernementale sort du déni total et littéral pour entrer dans une reconnaissance de manquements déontologiques+, de +comportements inacceptables+ », estime le sociologue Jérémie Gauthier, spécialiste des questions de police.
« Jusqu’à maintenant, la question des violences policières était un sujet tabou. C’est tout à fait inédit qu’un ministre de l’Intérieur, qu’un président, dans ses vœux aux policiers, rappelle à la déontologie, à l’éthique en citant explicitement des cas de violence », renchérit la consultante Aline Daillère, spécialiste des questions de Police-justice.
Pas de violences policières en France… pic.twitter.com/Ogqtsu70hb
— Boufrayoua Mehdi #FranceInsoumise #JLM2022 φ (@MehdiBoufrayoua) January 14, 2020
Pourtant, la question « travaille la société française depuis longtemps », « mais elle la travaille à partir de ses marges, à la fois urbaines et sociales », pointe M. Gauthier.
violences policières : l’onu compare la france au soudan https://t.co/NbYaI8OJNT
— Julie (@Semper_Nebula) January 20, 2020
Médiatisation plus facile grâce aux téléphones
Or, désormais, « ces actes se déroulent sur des populations qui ne sont pas les cibles +habituelles+ de ces violences. On parle aujourd’hui de populations blanches, de centre-ville, de catégories professionnelles variées », avec une médiatisation plus facile grâce aux téléphones intelligents et réseaux sociaux, explique l’universitaire.
Violences policières violences faites aux femmes dans une seule et même vidéo en France ?? aujourd’hui… @CCastaner @SibethNdiaye @MarleneSchiappa un avis sur le sujet peut-être ? pic.twitter.com/3wIw4Wiwtd
— Zidane Amelle (@AmelleZidane) January 19, 2020
Le défenseur des Droits en France a demandé la suspension des LBD
Il rappelle que les LBD – dont le défenseur des Droits en France a demandé la suspension – ont tout d’abord été mis en service dans les unités anti-criminalité avant d’être utilisés dans le maintien de l’ordre. « En Allemagne, on n’utilise ni grenade de dés-encerclement ou offensive, ni LBD pour le maintien de l’ordre. L’usage d’armes classées comme des armes de guerre en maintien de l’ordre, renvoie à des choix de doctrine opérés par l’institution policière ainsi qu’à des décisions politiques ».
« Si les policiers ne faisaient pas usage de ces moyens de défense, peut-être que certains auraient été lynchés » lors des dernières manifestations de « gilets jaunes », a récemment justifié le secrétaire d’État à l’Intérieur Laurent Nuñez.
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