Lors de la visite d’État du Premier ministre indien Narendra Modi à Paris à l’occasion de la fête nationale française, le partenariat stratégique franco-indien a évolué à un niveau supérieur, celui de l’« intimité stratégique ». Dans un contexte où le déficit commercial bilatéral France-Chine a atteint un niveau record en 2022, l’Inde, en passe de devenir le pays le plus peuplé au monde, peut être le partenaire commercial idéal dans l’optique d’une diversification des sources d’approvisionnement.
Emmanuel Macron et son invité d’honneur pour la fête nationale du 14 juillet, le Premier ministre indien Narendra Modi, ont affiché vendredi dernier leur « intimité stratégique » et leur volonté de renforcer leur partenariat en adoptant une feuille de route à horizon 2047. Tandis qu’Emmanuel Macron a déclaré qu’il visait à « renforcer cette relation de confiance historique entre nos deux pays », M. Modi a, quant à lui, souligné que « le renforcement de nos relations économiques est notre priorité commune ».
Cette nouvelle pourrait ravir les sénateurs signataires du rapport intitulé « L’Inde, un partenaire stratégique » publié il y a trois ans. Dans ce rapport, Joël Guerriau, secrétaire du Sénat et ses collègues soulignent que la France, tout comme l’Inde, « cherche à réduire sa dépendance à la Chine » dans le secteur pharmaceutique. Les sénateurs constatent d’abord que « New Delhi occupe une place déterminante dans l’approvisionnement mondial en médicaments génériques et en vaccins ». Ils projettent par la suite que « les industries indiennes, surtout si elles se positionnent sur le segment amont de la production des actifs chimiques, constitueraient une source de diversification des approvisionnements intéressante pour la France ».
Existe-t-il une dépendance économique de la France vis-à-vis de la Chine ?
Outre le domaine pharmaceutique, peut-on vraiment parler d’une dépendance économique de la France par rapport à la Chine ? Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner les échanges commerciaux entre la France et la Chine.
Selon les derniers chiffres de la Direction générale du Trésor, « les exportations françaises vers la Chine ont baissé en 2022 : -1,3 % à 24,1 Md€ selon les douanes françaises. Les importations françaises de biens chinois ont bondi en 2022 : +20,7 % à 77,7 Md€ (+12,8 % en 2021) ». Même l’Ambassade de France en Chine doit reconnaitre que les échanges commerciaux entre les deux pays « restent marqués par un fort déséquilibre : la Chine est de loin le premier déficit commercial bilatéral de la France ». Ce déficit commercial bilatéral – atteignant le « niveau record » de 53,6 milliards d’euros en 2022 – « ne cesse de se creuser depuis vingt ans », s’alarme le quotidien Les Echos.
Bien au-delà des statistiques, la répercussion de ce déficit sur l’économie française est bien plus profonde. L’Insee a en effet publié en mars dernier une étude sur les effets de « la hausse des importations chinoises dans les années 2000 sur les entreprises industrielles françaises ». D’après cette étude, « la part de la Chine dans les importations totales de biens a doublé entre 2000 (3,2 %) et 2007 (6,3 %) ». Cela a constitué un « choc » négatif pour l’industrie française, particulièrement visible chez les entreprises produisant des biens similaires aux biens chinois importés, au niveau du revenu, de l’emploi ou de la créativité.
Cependant, la hausse des importations chinoises a pu bénéficier aux entreprises faisant le choix d’utiliser des produits chinois pour leur production (leurs « intrants »), selon l’Insee. « Plus productives », ces entreprises « semblent tirer un meilleur parti de la hausse de la pénétration chinoise sur les marchés de leurs consommations intermédiaires que les entreprises les moins productives », qui étaient pénalisées par la hausse des importations chinoises. On observe, « en définitive, une réallocation de l’emploi des entreprises les moins productives vers les plus productives », comme le concluent les auteurs du rapport de l’Insee.
Par ailleurs, l’État français est lié au régime de Pékin du fait de la « part significative de la dette française » qui serait « détenue par des opérateurs chinois » contrôlés par le totalitariste Parti communiste chinois. Selon l’estimation de Bertrand Blancheton, professeur d’économie à l’université de Bordeaux, cette part se situerait entre 250 et 300 milliards d’euros, à rapprocher du montant de la dette publique française au 1er trimestre 2023 – 3013,4 milliards d’euros, soit 112,5% du PIB tricolore.
France-Inde, une relation stratégique pour challenger l’influence planétaire de la Chine dans les filières de l’industrie « verte » ?
La croissance économique est fondamentale pour nourrir l’espoir du désendettement français. Mais comment s’engager sur le chemin du retour à la croissance tout en réduisant la dépendance à la Chine, le plus grand partenaire économique du pays, dans un contexte où le déficit commercial bilatéral français vis-à-vis de la Chine a été multiplié par presque dix entre 2000 (5,7 milliards d’euros) et 2022 (53,6 milliards d’euros) ?
Cette question est d’autant plus problématique que le gouvernement français – à l’instar de son ministre de l’Économie – a misé des milliards d’euros destinés à la relance économique dans les batteries électriques, un secteur dominé mondialement par la Chine. Parmi les dix premiers fabricants mondiaux de batteries automobiles, six sont des entreprises chinoises, couvrant jusqu’à 63 % des besoins du marché mondial des batteries électriques. De plus, le régime communiste chinois veut « développer rapidement sa production de puces à technologies matures avec la perspective de dominer dans trois à cinq ans cette famille de semi-conducteurs essentielle à l’automobile et l’industrie », à en croire l’Usine Nouvelle.
Pour échapper à l’influence grandissante de la Chine à l’échelle mondiale dans le secteur de l’énergie « propre », les sénateurs français auteurs de « L’Inde, un partenaire stratégique » – publié en 2020 – ont déjà vu dans le partenariat entre la France et le pays de Mahatma Gandhi, une issue potentielle.
« Les énergies renouvelables sont un des secteurs qui représentent des perspectives intéressantes pour la relation commerciale franco-indienne », présument Joël Guerriau et ses collègues. « L’Inde s’étant fixé des objectifs très ambitieux de développement des énergies renouvelables dans le pays (objectif de 175 GW en 2022 et de 450 GW en 2030), les entreprises françaises pourraient bénéficier des investissements massifs indiens prévus, estimés à environ 300 milliards d’euros qui auront lieu au cours de la prochaine décennie. »
Dans la « feuille de route » concernant la relation stratégique franco-indienne « pour les 25 ans à venir » figurent plusieurs volets : un volet sécurité, à l’instar des commandes d’avions de combat Rafale et de sous-marins Scorpène ; un volet concernant la coopération dans la recherche et les échanges universitaires ; un volet de coopération dans le domaine spatial, et un volet dédié aux énergies renouvelables. Sur ce dernier volet, Emmanuel Macron souligne que les deux pays peuvent « aller plus loin ».
L’Inde est actuellement placée au septième rang mondial en termes de ressources de lithium, notamment après la découverte d’un gisement géant dans le nord du pays, qui pourrait contenir jusqu’à 5,9 millions de tonnes de ce métal rare. Le gouvernement de Narendra Modi vise à transformer le pays en une véritable « usine du monde ». Il pratique des réductions fiscales sur les sociétés et des incitations à l’investissement dans le secteur manufacturier. Contrairement à la Chine, « l’économie indienne a affiché un taux croissance enviable de 7,3% en 2022, (…) et devrait encore progresser de 6,6% en 2023 », selon La Tribune.
Cependant, il n’est pas évident de défier du jour au lendemain la domination chinoise établie depuis des années dans le domaine des batteries électriques. Le cas de STMicroelectrics en est un exemple. En effet, l’entreprise franco-italienne a décroché une subvention de 2,9 milliards d’euros de l’État français, mais s’est engagée presque en même temps dans un investissement majeur d’environ 3,1 milliards de dollars sur le sol chinois. De quoi s’interroger sur l’efficacité des dépenses massives d’argent public pour défendre la souveraineté économique de la France dans un secteur dominé par la Chine communiste.
Pour conclure, observons les échanges économiques bilatéraux entre la France et l’Inde. Ceux-ci sont de l’ordre de 15,1 milliards d’euros en 2022, selon la Direction générale du Trésor. Mais pour la même année, les échanges commerciaux franco-chinois s’établissent à 101,8 milliards d’euros. Espérer réduire la dépendance économique de la France vis-à-vis de la Chine en misant sur l’« intimité stratégique » France-Inde, c’est faire le pari de David contre Goliath comme dans les contes les plus merveilleux.
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