Il aura fallu moins de 24 heures au gouvernement pour changer de braquet sur la conditionnalité des aides de l’État aux entreprises impactées par la crise du coronavirus et domiciliées dans des paradis fiscaux. En cause, plusieurs grandes entreprises françaises possèdent des filiales dans ces dits paradis fiscaux.
Invité de France Info le 23 avril, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire était affirmatif : « Il va de soi que si une entreprise a son siège fiscal ou des filiales dans un paradis fiscal, je veux le dire avec beaucoup de force, elle ne pourra pas bénéficier des aides de trésorerie de l’État ».
Plusieurs amendements étaient déposés le 22 avril par la sénatrice de l’Orne, Nathalie Goulet, rapporteuse de la mission sur les engagements financiers de l’État pour la commission des finances. L’objectif est de «priver toute entreprise enregistrée dans un paradis fiscal du bénéfice des mesures d’aide de l’état d’urgence sanitaire». Malgré l’avis défavorable du ministre Olivier Dussopt, l’amendement est adopté et défendu le 23 avril matin par Bruno Le Maire.
Mais le 23 avril dans l’après-midi, lors de la commission mixte paritaire, réunissant 14 députés et sénateurs, la disposition défendue le matin même par Bruno Le Maire a été tout bonnement supprimée. « Cet amendement a été considéré comme marginal car les aides concernent largement les TPE qui n’ont pas de filiales » expliquait à Public Sénat Vincent Éblé, président socialiste de la commission des Finances de la chambre haute.
Pour le député du Maine-et-Loire, ex LREM, Matthieu Orphelin, il y a une autre explication: la mesure pourrait être mise en place « par voie réglementaire ».
« C’est assez incompréhensible, la méthode est surprenante. J’ai tendance à penser que les annonces se font à la télévision plutôt que devant le Parlement. Mais il aura un nouveau projet de loi de finances rectificative et nous reviendrons à la charge », a commenté la rapporteuse du projet.
La liste française des paradis fiscaux mise à jour par un arrêté du 6 janvier 2020 comprend 13 États ou territoires, parmi lesquels le Botswana, le Guatemala ou encore les Fidji, le Panama, les Bahamas… « Cette liste répond plus à des enjeux diplomatiques que fiscaux » reconnaît Vincent Drezet, ancien secrétaire général de Solidaires Finances publiques, pour qui cette mesure demande à être détaillée.
Selon l’ONG Oxfam, LVMH disposait par exemple de 234 filiales dans des «paradis fiscaux et juridiques», soit plus d’un quart de ses entités. Les grandes banques françaises étaient elles aussi présentes en tête de peloton. La BNP, la Société générale et le Crédit agricole totalisaient 436 filiales dans les paradis fiscaux. Carrefour en détenait une cinquantaine et PSA une trentaine.
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