Après un épisode difficile marqué par une cure d’austérité et de renouvellement des programmes, France Télévisions semble retrouver un second souffle. Le groupe public a su limiter ses pertes en 2015 et espère même concurrencer BFMTV en lançant sa propre chaîne d’information continue.
En 2015, l’audience de France Télévisions a dépassé celle du groupe de TF1, attirant plus de 29,2 % des téléspectateurs. Une bonne nouvelle pour la télévision publique, qui a dû consentir à de gros efforts budgétaires pour combler un déficit qui durait depuis trois ans. Le mois dernier, la nouvelle présidente du groupe, Delphine Ernotte, présentait un budget équilibré pour 2016. Malgré une marge de manœuvre affaiblie par la cure d’austérité, le groupe a de nouveaux projets dans ses cartons.
Un projet « économiquement assaini »
En août 2015, Delphine Ernotte, fraîchement nommée à la tête de France Télévisions, héritait d’une situation difficile : après trois ans de déficit, la cure d’austérité avait pesé sur le groupe et sur son renouvellement des programmes. Dès son arrivée, la nouvelle patronne de l’audiovisuel public a tiré la sonnette d’alarme sur un déficit prévisionnel de 50 millions d’euros en 2016. Pour redresser la situation, l’État a consenti à combler la moitié du montant annoncé, en augmentant la taxe sur les télécoms (taxe Copé).
D’après une source des Échos, ce pas en avant de l’État a étonné « certains administrateurs », qui constatent « une plus grande marge de manœuvre pour Delphine Ernotte que pour son prédécesseur ». De son côté, le groupe a dû consentir à des économies : pas de plan de licenciements supplémentaire, mais des contrats renégociés avec les producteurs, une limitation des moyens et équipes déployées pour la couverture des JO, une baisse des dépenses dans les antennes régionales et pour finir, une coupe budgétaire dans certains programmes.
Le budget pose la première pierre d’un projet stratégique ambitieux.– Delphine Ernotte
Le 26 octobre dernier, Delphine Ernotte s’est engagée devant l’Assemblée nationale à atteindre le zéro déficit en 2016. Après un déficit estimé à 10 millions d’euros en 2015, cette annonce ressemblait à une sortie du tunnel pour le groupe. « Le budget pose la première pierre d’un projet stratégique ambitieux et économiquement assaini à l’horizon 2020, qui servira de base à la discussion, avec l’État, du contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 », a par la suite indiqué la PDG, alors qu’elle présentait son projet d’équilibre des comptes pour 2016.
Une nouvelle chaîne d’info
France Télévisions a également quelques projets dans ses cartons pour 2016 ; en plus d’une plateforme numérique, le groupe compte aller sur le terrain de LCI, iTélé et BFMTV en lançant une nouvelle chaîne d’information continue. Prévue pour septembre 2016 afin d’être pleinement opérationnelle pour les élections de l’an prochain, le groupe compte investir six millions d’euros, et d’après une source, consacrer un effectif de 75 journalistes, pour la plupart redéployés depuis les filiales.
Le projet éditorial a vu le jour après quatre mois de discussion entre les différents partenaires, et a été présenté le 15 janvier au Comité d’entreprise. D’après un document interne publié par un journaliste de L’Express, la chaîne utilisera surtout des productions de France 2, France 3 et des autres filiales du groupe. Le texte prévoit des tranches de direct (6h-9h, 18h-20h et 22h-0h), avec un décrochage sur France 24 de 0h à 6h du matin. Prévue à l’origine pour le web, Delphine Ernotte espère lui faire une place au sein de la TNT. Une proposition soutenue par la ministre de la Culture Fleur Pellerin, qui espère que la chaîne apportera « quelque chose de singulier au téléspectateur ».
L’attrait pour le numérique correspond à un constat qui se vérifie de jour en jour : contrairement à leurs aînés, dont beaucoup campent devant leur petit écran lors des grands rendez-vous du 20h, la plupart des 15-34 ans préfèrent désormais le web ou les applications mobiles comme source d’information. D’après la PDG, la chaîne visera en premier lieu un « public connecté, plutôt jeune, notamment issu de la génération millénium[née après l’an 2000] ».
Mission pédagogie
Pour sa nouvelle chaîne, la présidente compte jouer la carte du démarquage par rapport à ses concurrents. Delphine Ernotte assure ainsi que le contenu devra être pédagogique et favorisera « le décryptage et l’explication ». Un parti pris à rebours de BFMTV et son slogan, « priorité au direct ». « Il y a tellement de moyens de s’amuser sur l’info en continu sans faire du BFM. Le champ des formats possibles est vaste », indique un des responsables du projet.
La présidente cite l’exemple de l’épisode où l’ex-DRH d’Air France a eu la chemise arrachée. L’information a circulé en boucle sur les chaînes d’info. « Est-ce que c’est passionnant ? Non. La question est de savoir pourquoi Air France en est arrivé là », remarque-t-elle, affirmant que la chaîne d’info devra « respecter la liberté de penser ».
Même la présentation sera révisée. Le ton devrait être « renouvelé, moins cérémoniel ». France 24 a été citée en référence, mais l’inspiration pourrait venir de l’étranger. La présidente a citée AJ +, un média du groupe qatari Al-Jezira, qui s’inspire de la mode des pod-casters (éditeurs de courtes vidéos sur Youtube et les réseaux sociaux).
Un budget serré
Malgré une ambition encouragée par la ministre de la Culture, le projet devra encore dépasser l’obstacle du financement. Les syndicats ont montré leur scepticisme concernant un budget jugé « low-cost ». Les six millions d’euros de départ font pâle figure aux côtés de BFM TV qui dépense 55 millions d’euros par an, ou d’iTélé et de ses 40 millions.
La marge du groupe est d’autant plus limitée que ce 14 janvier, les députés ont voté la suppression de la publicité dans les programmes pour enfants de France Télévisions. Le projet est passé en raison de l’absence des députés PS, qui devaient soutenir la mesure. « Si on desserrait l’étau des recettes publicitaires, le projet de chaîne d’info respirerait d’une manière différente », juge Marc Chauvelot, secrétaire général du SNRT-CGT.
« Je ne laisserai pas fragiliser le service public audiovisuel, ses salariés, ses missions, son soutien à la création », a indiqué Fleur Pellerin sur Twitter. Encore une fois, l’intervention de l’État semble inévitable et pourrait bien déterminer le financement ou non de la chaîne par ses recettes publicitaires. Le prix à payer, quand on veut garantir une information digne du service public.
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