France : un « roi d’Araucanie » dans le sud-ouest, entre folle épopée et sérieuse cause ethnique

Par Epoch Times avec AFP
18 août 2019 14:45 Mis à jour: 18 août 2019 16:02

Un village de Dordogne, dans le sud-ouest de la France, ravive chaque été le souvenir de l’éphémère « roi » français d’Araucanie (sud Chili), à mi-chemin entre la folle histoire d’un aventurier du XIXe siècle adoubé par les Amérindiens Mapuches et la très actuelle lutte de cette minorité ethnique.

Une messe pour Sainte-Rose de Lima (première sainte des Amériques), une visite au « Musée des Rois d’Araucanie et de Patagonie » de Tourtoirac, une gerbe sur son buste, sa tombe: Antoine de Tounens (1825-1878) était célébré samedi dans ce village de 650 habitants par une poignée de fidèles du « royaume » et quelques passionnés.

« La réalité de son histoire dépasse les fictions. Un vrai western… S’il avait été Américain ou Anglais, Hollywood aurait déjà fait une dizaine de films sur lui ! », affirme Jean-François Gareyte. Cet historien amateur lui a consacré deux livres et a fait des dizaines de voyages au Chili, s’immergeant autant dans les archives militaires, judiciaires et de presse qu’au sein des communautés Mapuches. Où par endroits survit oralement, très inégalement, convient-il  le souvenir du « Français ».

  • Antoine de Tounens  fait prisonnier par les Chiliens

Parti vers le Chili en quête d’aventure, politique ou commerciale, cet avoué franc-maçon de Périgueux se trouva, au détour de soubresauts politiques, mêlé aux Mapuches. Et en 1860, les caciques Mapuches le désignent « Orélie-Antoine 1er, roi d’Araucanie et de Patagonie ».

Deux ans plus tard, dans une région alors en conflit larvé, Antoine de Tounens est fait prisonnier par les Chiliens, présenté comme fou et expulsé. Il y reviendra au moins trois fois avant de mourir, malade, à Tourtoirac. Bientôt, Araucanie et Patagonie allaient basculer sous tutelles chilienne et argentine. « Bouffonnerie » d’un « mythomane de province » , comme le railla la presse parisienne à l’époque ? Ou improbable destin d’un aventurier chevaleresque, arrivé « premier à un concours de circonstances historiques » ?

  • Santiago s’interroge du rôle de ce remuant Français 

Ce que les archives de Santiago attestent, assure M. Gareyte, c’est que le Chili de 1860-70, lui, prit au sérieux les va-et-vient (et les armes importées) de ce remuant Français dans une Araucanie alors loin d’être « pacifiée ». Et s’interrogea sur ses éventuels soutiens à Paris, car on était à l’époque de l’expédition française au Mexique (1861-67).

Depuis 2018, Frédéric Luz, un héraldiste du Tarn (plus au sud) de 55 ans, est le successeur officiel d’Orélie-Antoine, « prince d’Aracaunie et de Patagonie », élu par un « conseil de régence », après le décès fin 2017 de son prédécesseur.

Et au conseil du « royaume » siègent des Mapuches, tel Reynaldo Mariqueo, un dirigeant basé au Royaume-Uni de l’ONG Auspice Stella, qui a depuis 2013 statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC). La « Maison royale » via l’ONG, aide matériellement, fait du lobbying,  récemment un courrier à la Cour pénale internationale,  pour le peuple Mapuche toujours en lutte,  parfois violente, et réprimée,  pour ses droits et terres ancestrales.

Tout cela  de même que la querelle dynastique qui voit la légitimité de Frédéric contestée par deux prétendants  passe un peu au-dessus de la tête des gens de Tourtoirac. Où on y voit surtout « une histoire locale sympa, partie du patrimoine », résume le maire, Dominique Durand.

  • Aider les Mapuches dans la défense de leurs traditions, leurs droits

Pour « Frédéric 1er » toutefois, la mémoire d’Antoine, depuis peu, « s’éloigne d’un folklore contre-productif, attire moins de sourires moqueurs », voire génère un intérêt de la presse sud-américaine. Qui coïncide avec une visibilité accrue de la cause Mapuche depuis 15-20 ans au Chili. En 2017, l’alors présidente Michelle Bachelet demanda officiellement « pardon » pour « les erreurs et les horreurs » historiques envers la communauté.

Cette « convergence » ne lui tourne pas la tête: « on n’est pas une micro-nation d’opérette, on ne joue pas à créer un État, il est hors de question de revendiquer un quelconque territoire », explique-t-il à l’AFP. Il voit plutôt dans la Maison royale une « entité historico-culturelle », à la fois pour « perpétuer le souvenir d’Orélie-Antoine » et, surtout, une « caisse de résonance pour aider les Mapuches dans la défense de leurs traditions, leurs droits ».

Car au-delà de la fascination romanesque pour Tounens, « l’acteur principal de cette histoire, ce n’est pas lui. C’est le peuple Mapuche, sa lutte pour l’indépendance, et qui, à un moment donné de son histoire, décida de jouer (la) carte » Antoine de Tounens, rappelle M. Gareyte.

 

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