ENTRETIENS EPOCH TIMES

François Ecalle : « La France pourrait s’inspirer des pays scandinaves pour réduire la dépense publique »

septembre 20, 2024 14:53, Last Updated: septembre 20, 2024 16:30
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ENTRETIEN – François Ecalle est conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, ancien rapporteur général du rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques. Il est également président de l’association FIPECO (Finances Publiques et Économie).

Dans cet entretien, il analyse la dépense publique en France et ses conséquences sur le déficit.

Epoch Times : Début septembre, dans un courrier envoyé aux parlementaires en charge des questions budgétaires incluant une note du Trésor, le ministre sortant de l’Économie et des Finances, Bruno le Maire, ainsi que celui des comptes publics, Thomas Cazenave, ont alerté contre une « hausse extrêmement rapide des dépenses des collectivités territoriales » qui pourrait creuser le déficit public de 16 milliards d’euros. Un déficit qui représenterait 5,6 % du PIB en 2024 contre les 5,1 % initialement prévus. Les dépenses des collectivités territoriales doivent-elles être, selon vous, réduites ?

François Ecalle : D’abord, les chiffres qui ont été annoncés par le ministre de l’Économie sont encore assez fragiles parce que les comptes des collectivités locales n’ont pas encore été publiés. Il s’agit de remontées comptables partielles. Mais si ces dernières sont exactes, il y aura bel et bien un dérapage de 16 milliards d’euros par rapport à ce qui avait été prévu au printemps dernier.

Et cela conduirait le déficit des collectivités locales à un niveau jamais atteint depuis 40 ans.

Dans ce cas, il faudrait reprendre le contrôle des dépenses publiques locales. Mais l’État ne dispose pas de marges de manœuvre suffisantes pour agir, à part éventuellement limiter les ressources qu’il apporte. Les collectivités locales sont autonomes, elles peuvent dépenser comme bon leur semble.

Auditionné par la commission des finances de l’Assemblée le 9 septembre, Bruno le Maire a rappelé que les collectivités locales représentent 20 % de la dépense publique, l’État 30 % et la sécurité sociale, 50 %. « Donc, notre modèle social, c’est ça qui risque de faire vraiment déraper nos comptes publics dans les années à venir », a-t-il déclaré. Qu’en pensez-vous ?

Bruno le Maire dit vrai, mais la hausse de la dépense publique depuis 50 ans résulte surtout de la hausse des dépenses sociales (prestations sociales, retraites, assurance maladie…). Des dépenses que l’État a du mal à contrôler et qui resteront dans les années à venir un facteur de hausse des dépenses publiques et de dégradation du déficit si nos dirigeants ne procèdent pas à certains changements.

Dans une note que vous avez publiée au mois d’avril sur le site de votre association FIPECO sur les dépenses publiques, vous écriviez : « Compte tenu des très nombreux exemples de dépenses publiques inefficientes, une réduction des dépenses publiques est donc nécessaire et possible en France ». Où se trouvent ces dépenses publiques inefficientes ?

En comparant la situation avec nos voisins européens, on s’aperçoit que la France dépense un peu plus que les autres dans la quasi-totalité des secteurs de dépense publique (retraites, santé, éducation…) à l’exception de la sécurité et de la justice, tout en n’étant pas plus performante ! Il y a donc des économies à réaliser…

Toute la difficulté étant qu’en France, les dépenses publiques inefficientes se trouvent un peu partout. Il faut donc aussi bien réduire les dépenses de l’État que celles des collectivités locales.

La France fait partie des « cancres » de l’UE en matière de déficit ? Quel pays européen pourrait servir d’exemple à l’hexagone pour la réduction des dépenses publiques et donc du déficit ?

La France est le pays européen où la dépense publique est la plus élevée, mais ce n’était pas le cas dans les années 1980. Les pays scandinaves étaient loin devant nous !

À partir des années 1990, ces mêmes pays d’Europe du Nord ont mis en œuvre des politiques de réduction drastique de la dépense publique, notamment de l’ordre de dix points du PIB.

Par exemple en Suède, les dépenses sont aujourd’hui bien inférieures à celles de la France. Pour autant, les Suédois ne sont pas plus malheureux que nous ; ils bénéficient d’une protection sociale tout à fait correcte, voire peut être même meilleure que la nôtre. Nos dirigeants pourraient s’en inspirer !

Ce mardi 17 septembre, deux députés, Charles de Courson (Liot) et Éric Coquerel (LFI-NFP) sont sortis de Matignon « en colère » parce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir les lettres-plafonds. Selon Ouest France, elles « déterminent les priorités budgétaires de l’année envisagées par le gouvernement, mais surtout où ont lieu les coupes ». D’après « une source au sein de l’exécutif », le nouveau Premier ministre ne changerait pas les crédits fixés par le précédent gouvernement. Quelle est votre analyse ? Peut-on quand même s’attendre à des coupes budgétaires avec un gouvernement Barnier ?

À vrai dire, je n’en sais rien. Au regard de la composition actuelle de l’Assemblée nationale, je crois que le principal problème de Michel Barnier, va être d’arriver à faire voter un budget, quel qu’il soit. Des travaux préparatoires avaient effectivement été réalisés par le gouvernement démissionnaire. Ils ont donné lieu à des crédits par ministère, les fameuses lettres-plafonds.

Mais le nouveau gouvernement ne sera pas du tout obligé de suivre ce budget, même si on peut éventuellement imaginer qu’il n’aura pas le temps de le modifier étant donné qu’il doit en présenter un le 1er octobre sur le bureau du Parlement. Cela étant, rien ne l’empêche de le modifier par amendement. Le gouvernement peut tout modifier par amendement sur un projet de budget.

Mais je crois que publier ou même envoyer ces lettres-plafonds à la commission des finances de l’Assemblée ne présente pas une grande utilité puisqu’il y a de fortes chances pour que le budget qui va être voté soit différent.

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