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Francophonie: l’élection de Mushikiwabo, une victoire pour le Rwanda

octobre 12, 2018 14:09, Last Updated: octobre 12, 2018 14:16
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L’élection de Louise Mushikiwabo à la tête de la Francophonie, vendredi à Erevan, offre un succès diplomatique éclatant au Rwanda, qui concrétise ainsi ses efforts, constants ces dernières années, en vue d’accroître son influence en Afrique et dans le monde. La ministre des Affaires étrangères du Rwanda, 57 ans, a été préférée à la sortante, la Canadienne Michaëlle Jean, pour diriger l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), malgré l’image controversée de son pays en termes de défense des droits de l’Homme.

Mme Mushikiwabo, qui a visité de nombreux pays pour défendre son bilan personnel et l’image de son pays, a bénéficié du soutien des pays africains mais aussi de celui de la France. Son élection est une victoire personnelle pour le chef de l’État rwandais Paul Kagame, qui a imposé son choix à ses pairs africains, et pour le président français Emmanuel Macron, qui espère favoriser un rapprochement avec ce petit pays d’Afrique des Grands lacs.

La candidature de Mme Mushikiwabo a pris par surprise la Francophonie. Le Rwanda avait donné l’impression de s’éloigner de la France en remplaçant en 2008 le français par l’anglais comme langue d’enseignement obligatoire à l’école, puis en rejoignant le Commonwealth en 2009. Ce d’autant que les relations avec la France, accusée par Kigali d’avoir joué un rôle dans le génocide de 1994 (environ 800.000 morts), restaient extrêmement tendues, malgré la reprise des relations diplomatiques en 2009.

Mais les dirigeants rwandais ont vite compris qu’ils marchaient sur une jambe seulement en se tournant vers l’Afrique de l’Est anglophone et en délaissant l’Afrique centrale francophone. Ils ont cherché à rétablir l’équilibre. « On est revenu vers notre héritage de l’Afrique centrale francophone quand j’étais aux affaires », confiait Mme Mushikiwabo à l’AFP en juillet à Kigali. Le Rwanda voit un avantage évident à appartenir aux espaces francophones et anglophones. Il a pour cela pris le parti d’atténuer ses critiques à l’égard de la France pour son rôle dans le génocide.

« Cela représente un nouveau chapitre pour les relations entre le Rwanda et la France », estime Buchanan Ismaël, un professeur en Sciences politiques à l’Université du Rwanda. Pour Elissa Jobson, de l’International Crisis Group (ICG), « chercher le leadership de la Francophonie s’inscrit clairement dans le cadre de l’objectif rwandais de jouer un rôle continental et mondial plus important ». M. Kagame est depuis longtemps une voix qui porte en Afrique. Crédité du spectaculaire développement économique du Rwanda, sorti exsangue du génocide, il fait figure d’exemple auprès de certains leaders africains que son autoritarisme ne rebute pas.

L’Union africaine (UA) lui a confié le projet de réforme institutionnelle de l’organisation censé lui permettre de devenir financièrement autonome. Mais la présence internationale du Rwanda ne se limite pas à son chef d’État et à Mme Mushikiwabo. L’ancien ministre rwandais des Finances, Donald Kaberuka, a dirigé entre 2005 et 2015 la Banque africaine de développement (BAD). L’ancienne ministre de l’Agriculture, Agnes Kalibata, préside l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA).

Le Rwanda fait également campagne pour devenir le premier pays africain à intégrer l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), un très Select club des économies les plus riches de la planète. En complément, il cherche à devenir un centre régional de conférences internationales. Pour cela, il a investi dans des hôtels haut de gamme, ce qui lui a notamment permis d’accueillir en mars l’Assemblée générale de l’UA rassemblant 50 chefs d’État africains.

« Je suis très fière que mon pays soit très présent à travers le monde et pas seulement sur le continent (africain) », avait confié Mme Mushikiwabo à l’AFP, ajoutant: « On était déjà là mais on est passé à un niveau, à une vitesse supérieurs » ces dernières années.Pour s’imposer sur la scène internationale, le Rwanda est parvenu à faire oublier son bilan critiqué en matière de défense des droits de l’Homme. Le régime est accusé de bafouer la liberté d’expression et de réprimer son opposition.

En juillet, le sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture a mis fin à sa mission au Rwanda, dénonçant le manque de coopération des autorités. Deux rapports de Human Rights Watch l’an dernier avaient aussi montré que l’armée recourait aux exécutions sommaires, aux détentions illégales et à la torture. La libération ces derniers jours de Victoire Ingabire et la remise en liberté conditionnelle d’une autre opposante, Diane Rwigara, pourraient avoir eu pour objet d’influencer le vote de certains pays en Arménie.

Mais la promotion des droits de l’Homme est l’une des tâches majeures de la secrétaire générale de l’OIF et Mme Mushikiwabo risque désormais d’être très attendue sur le sujet. Elissa Jobson de l’ICG craint toutefois que la realpolitik ne l’emporte. « Les critiques internationales contre la politique rwandaise (en matière de droits de l’Homme ) sont depuis longtemps en sourdine. Il (Le Rwanda) est un bon partenaire de développement et c’est un pays stable dans une zone instable ».

D.C avec AFP

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