EUROPE

Fraude fiscale: la Cour de cassation tranche mercredi dans l’emblématique affaire UBS

novembre 14, 2023 13:10, Last Updated: novembre 14, 2023 13:21
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La Cour de cassation se prononce mercredi à Paris dans une affaire emblématique de la justice financière ces dernières années, celle du géant bancaire suisse UBS, qui pourrait connaître son point final comme un nouveau rebondissement judiciaire.

La haute juridiction, qui examine le respect des règles de droit et non le fond des litiges, rend sa décision sur le pourvoi d’UBS contre sa condamnation à un total d’1,8 milliard d’euros pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et démarchage bancaire illégal.

La première banque helvétique, qui a toujours contesté toute infraction, a été reconnue coupable à deux reprises d’avoir illégalement démarché de riches contribuables français afin de les convaincre d’ouvrir des comptes non-déclarés en Suisse entre 2004 et 2012. Le jugement de première instance, le 20 février 2019, avait battu tous les records: une amende de 3,7 milliards d’euros, à laquelle s’ajoutaient 800 millions de dommages et intérêts pour l’État français.

Une affaire « à dimensions exceptionnelles »

Dans une affaire « à dimensions exceptionnelles » visant « une banque de premier plan », la décision était très « suivie » et a eu un « impact phénoménal », se remémore une avocate en droit pénal des affaires. « Pendant très longtemps, la lutte contre la fraude fiscale s’est concentrée sur les contribuables eux-mêmes mais ne visait pas (…) les grands établissements bancaires, il y a eu un véritable changement de paradigme », estime Stéphane Babonneau, conseil en droit pénal fiscal.

À l’époque, une filiale du géant britannique HSBC avait été mise en examen pour des faits similaires, mais en 2017, elle avait signé la première Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), un outil qui venait d’être crée par la loi Sapin II. La banque avait payé 300 millions d’euros à l’État, évitant ainsi un procès. UBS avait elle aussi entamé des négociations avec le parquet national financier, qui n’avaient pas abouti.

Dans ce dossier, « l’avenir des CJIP s’est joué », résume un autre avocat habitué de ces procédures. « Imaginez qu’UBS ait été condamnée à quelques millions d’euros : la justice négociée était morte », car les grandes entreprises n’auraient plus vu l’intérêt de négocier, relève-t-il. Le jugement « a été un coup de semonce important adressé aux milieux financiers » mais il a été « rapidement atténué par la décision de la Cour de cassation du 11 septembre 2019 », souligne un magistrat spécialisé.

Ce jour-là, la haute juridiction a tranché la façon dont devait être calculée l’amende maximale pour blanchiment de fraude fiscale : elle peut atteindre soit 3,75 millions pour une personne morale, soit la moitié de l’impôt éludé – et non la moitié des fonds dissimulés, une différence de taille.

Pour UBS, la cour d’appel de Paris en a tiré les conséquences le 13 décembre 2021. Jugeant qu’elle ne pouvait pas chiffrer l’impôt éludé, elle a prononcé une amende de 3,75 millions (bien millions et non milliards) et une confiscation d’un milliard, avec les mêmes 800 millions de dommages et intérêts pour l’État. Au total : 1,8 milliard d’euros, ce qui reste un record.

« Une forme d’étalon » pour l’avenir

Devant la Cour de cassation, UBS conteste sa culpabilité, la légalité de la confiscation et les motivations justifiant l’indemnisation de l’État. L’avocat général a préconisé la cassation, mais seulement sur les peines et les dommages et intérêts : si la Cour suivait cet avis, elle pourrait ordonner un troisième procès.

L’enjeu de la décision est la « proportionnalité globale de la sanction » et de l’indemnisation accordée à l’État, estime le magistrat spécialisé, pour qui cette affaire représentera « une forme d’étalon » pour l’avenir. « Les juridictions pénales françaises se sont hissées à un niveau international », affirme un très bon connaisseur du dossier, qui pointe néanmoins la très grande complexité, dans les enquêtes financières, à quantifier le montant de l’impôt éludé par rapport aux fonds dissimulés.

« C’est une affaire symbolique également parce qu’elle peut être présentée comme des pratiques qui relèvent du passé », souligne Sara Brimbeuf, responsable du plaidoyer grande corruption et flux financiers illicites chez Transparency International, qui cite la mise en place, depuis, de l’échange automatique d’informations entre pays. Aujourd’hui, s’il y a « de vrais avancées sur la coopération administrative », elle déplore un « manque de moyens » et de « véritables impasses » pour la « coopération judiciaire » dans « énormément de territoires ».

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