Quand l’URSS voulait masquer l’impuissance du communisme, elle accusait tour à tour différentes catégories professionnelles ou « classes » sociales de gripper le système voire de le saboter. Ainsi, après la chasse de Lénine aux koulaks, les purges de Staline dans les années 1930 visèrent les ex-membres des armées blanches, les ex-fonctionnaires du régime tsariste, les criminels récidivistes, les spéculateurs, les contrebandiers professionnels, les spéculateurs, les brigands, les membres de « sectes » et d’Églises… La Terreur de 1793 ne faisait pas moins. Tous les despotismes y ont recours comme le dirigeant communiste chinois Xi Jing Ping contre ses opposants, Erdogan contre les Kurdes, Poutine contre l’Occident… Macron contre les riches pour masquer les échecs de son gouvernement et son impuissance à réduire les dépenses fiscales.
Haro sur les riches
Bercy a annoncé le 9 mai en grande pompe un énième « grand plan de lutte contre toutes les fraudes » pour faire « payer ce qu’ils doivent aux ultrariches et aux multinationales qui fraudent » dit M. Attal dans le journal Le Monde du 10 mai.
Certes, la France ne veut pas envoyer ses riches au peloton d’exécution, mais elle veut leur faire faire des travaux d’intérêt général s’ils fraudent : « En plus de payer son amende, le gros fraudeur ira repeindre le centre des impôts » explique le ministre des Comptes publics. Ils seront même privés de droit de vote. Et d’emblée les riches sont soupçonnés de frauder, tout comme les koulaks, les bourgeois ou les ci-devant l’étaient de nuire au régime. Un régime d’exception est donc proposé : les grandes entreprises seront contrôlées tous les deux ans, ce qui n’a aucun intérêt sinon de mobiliser inutilement les services fiscaux alors même que la prescription minimale est de trois ans. Par ailleurs il est proposé d’abaisser le seuil à partir duquel les grandes entreprises doivent déclarer et justifier la manière dont elles construisent leurs prix de transfert, avec l’idée exprimée par M. Attal de « contrôler davantage de multinationales ».
Espionnage décomplexé
Bien plus, M. Attal va créer à Bercy un service de renseignement fiscal « qui pourra recruter des sources humaines travaillant pour des institutions financières et les rémunérer pour leurs informations. Il aura accès de manière encadrée aux techniques de renseignement, comme les écoutes, la captation de données, la pose de balises. Tout cela pour identifier les grandes fraudes internationales ». Une centaine d’agents d’élite seront formés à cet effet, commente-t-il. En outre il veut instituer un « délit d’incitation à la fraude fiscale ».
Il va donc envoyer ses espions dans le monde pour chasser ses ressortissants et les punir. Comme la Chine traque ses opposants à l’étranger. Comme Poutine le fait. N’est-ce pas un comportement de voyous qui incitera peut-être certains contribuables à se conduire en voyous ?
Délit d’incitation à la haine raciale
Contrôler plus les grandes entreprises, c’est aussi les charger plus, les suspecter, les discriminer, les placer sur un banc d’infamie. Est-ce vraiment cohérent avec la politique à grand spectacle de M. Macron, de reconquête industrielle et d’accueil d’entreprises étrangères sur notre sol?
Toute fraude est répréhensible, car elle est un vol des autres contribuables obligés de payer plus pour la compenser. L’État combat la fraude fiscale et sociale depuis toujours et a raison de continuer à le faire. Mais il doit en même temps respecter notre État de droit qui exige que la loi soit la même pour tous, que la vie privée de chacun soit respectée et que la souveraineté de chaque pays le soit aussi. M. Attal lui-même a rappelé, presque honnêtement, dans cet interview du Monde déjà mentionnée que « La France est le dernier pays de l’Union européenne avec un impôt national sur la fortune, 10% des contribuables paient 70% de l’impôt sur le revenu, il y a une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus… ».
Au surplus, la fraude est sans doute plus fréquente dans les entreprises personnelles où le patron peut organiser des détournements sans crainte de la réticence légitime et bientôt de la dénonciation des membres de son personnel ou du refus de certification de son commissaire aux comptes.
En dénonçant a priori les riches et les grandes entreprises, le gouvernement incite à la haine sociale. Ne faudrait-il pas créer un délit à l’effet de la punir spécifiquement avant que de créer un délit d’incitation à la fraude fiscale ? D’autant plus que si les riches ont effectivement une responsabilité fiscale à proportion de leur richesse, les ministres ont une responsabilité politique et sociale à hauteur de l’importance de leur fonction. En abuser pourrait les conduire alors à être puni d’indignité nationale comme M. Attal veut en condamner les riches fraudeurs.
S’attaquer aux causes
Plutôt que de stigmatiser encore les riches au risque de les faire fuir, il faudrait s’attaquer aux causes de la fraude. Certes, il y aura toujours de la fraude fiscale et sociale parce qu’il y a partout des mauvaises gens, chez les riches comme chez les pauvres, dans les entreprises comme dans la fonction publique… Et toujours il faut la combattre. Mais dans un pays surtaxé comme la France, champion de la dépense publique (59,2% en 2021 contre 52,4% en moyenne en zone euro) et des prélèvements obligatoires (47% en 2021 contre 41,7% en moyenne en zone euro), la fraude se propage peut-être plus qu’ailleurs parce que l’excès de prélèvements appelle l’excès d’évitement. Le maquis du système fiscal et social français, avec ses 700 niches, qui créent autant de risques de dérapage de l’optimisation à la fraude, et l’importance des prélèvements obligatoires, sont les premières incitations à la fraude. Simplifions les règles fiscales et sociales, supprimons toutes les niches, uniformisons et réduisons les taux, il y aura beaucoup moins de fraude.
Article écrit par Jean-Philippe Delsol. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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