Le long règne de Didier Gailhaguet à la tête du patinage français est terminé. Le président de la Fédération française des sports de glace (FFSG) a pris la porte samedi, contraint à la démission par le vaste scandale de violences sexuelles qui touche sa fédération.
Moins d’une semaine après l’appel à la démission de la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, et face à l’inquiétude de plus en plus forte des clubs de patinage, Didier Gailhaguet a jeté l’éponge lors d’un conseil fédéral exceptionnel, mettant fin à un règne quasi discontinu depuis 1998.
« Dans un souci d’apaisement, j’ai pris avec philosophie, dignité, mais sans amertume la sage décision de démissionner », a-t-il annoncé aux journalistes à la sortie d’un conseil fédéral extraordinaire. La présidente du conseil fédéral, Maryvonne Del Torchio, qui a demandé à rencontrer Roxana Maracineanu, assurera l’interim.
Gailhaguet, 66 ans, a dénoncé « la dictature ministérielle et notamment la honteuse menace d’un retrait de l’agrément » de la fédération brandi par la ministre des Sports.
C’est une page qui se tourne dans l’univers des institutions sportives. Ancien patineur puis entraîneur de Surya Bonaly et conseiller de Brian Joubert, Didier Gailhaguet avait dirigé la fédération quasiment sans interruption depuis 1998, avec une parenthèse entre 2004 et 2007. Déjà, il avait dû démissionner sur fond de problèmes de gestion, avant d’être réélu.
Cette fois, il a été emporté par le scandale de violences sexuelles qui a plongé depuis dix jours le sport français dans une crise sans précédent.
Plusieurs anciennes patineuses ont accusé trois entraîneurs d’avoir abusé d’elles entre la fin des années 70 et le début des années 90, quand elles étaient adolescentes. Parmi elles, l’ancienne championne Sarah Abitbol a accusé son entraîneur Gilles Beyer, de l’avoir violée entre 15 et 17 ans, dans les années 1990-1992, dans son livre paru le 30 janvier, « Un si long silence » (Plon).
Si l’ancienne patineuse n’a brisé le silence que trente ans plus tard, la ministre des Sports a pointé le rôle de Gailhaguet dans le maintien de Gilles Beyer dans le circuit du patinage, malgré des soupçons remontant à 2000.
A l’époque, un courrier de parents dénonçant ses attitudes inappropriées, avait provoqué une enquête administrative, qui avait conduit le ministère des Sports à mettre fin aux fonctions de Gilles Beyer le 31 mars 2001.
Mais l’entraîneur avait réintégré le club parisien des Français volants, coordonné dans les années 2010 des tournées de gala de l’équipe de France et figurait dans l’encadrement des Bleus aux championnats du monde juniors 2011.
Roxana Maracineanu avait dénoncé un « dysfonctionnement général » et pointé la « responsabilité morale et personnelle » de Gailhaguet.
Le patron du patinage avait d’abord choisi la contre-attaque, pointant le rôle du ministère des Sports de l’époque dans le maintien de Beyer dans le patinage, et attaquant Maracineanu, qualifiée de « ministre moralisatrice ».
Mais d’autres voix s’étaient jointes à l’appel de la ministre, et l’inquiétude montait de plus en plus dans les clubs de patinage, sur tout le territoire.
Ainsi, l’une des membres du conseil fédéral, la présidente du club de Boulogne-Billancourt Fabienne Sebag menaçait de démissionner à son tour si Gailhaguet ne jetait pas l’éponge.
« Je ne reste pas dans ce truc si jamais ça ne va pas dans le sens » d’un départ de Gailhaguet, disait-elle vendredi à l’AFP. « Ne serait-ce que par soutien pour les victimes. »
« Ça devient ingérable dans nos structures. Il faut faire quelque chose », abondait le président de l’Acsel Caen, Ludovic Le Guennec, également membre de l’instance.
« Si je suis celui qui doit démissionner parce que c’est le seul moyen de débloquer, bien sûr que je le ferai », avait concédé jeudi soir Gailhaguet sur le plateau de « C à vous ». Samedi dans L’Equipe, il allait plus loin: « je pense que je suis un frein à la Fédé (…) A partir de là, demain, après-demain, un jour, il y aura un retrait de ma part ».
L’inamovible patron du patinage français s’est déjà sorti de périlleuses ornières.
Eclaboussé par une affaire de tricherie aux JO de Salt Lake City en 2002, il avait été interdit de toute fonction dans le patinage international pendant trois ans. En 2004, il avait également dû démissionner de la présidence de la FFSG à la suite d’un rapport de la Cour des comptes pointant des dérives de gestion.
Mais il s’était réinstallé dans le fauteuil de président en 2007, jusqu’à samedi.
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