Le père de Fatoumatta Sandeng a quitté la maison un jour de 2016 pour ne jamais revenir. Sa fille fait partie de ceux qui attendent impatiemment mercredi pour savoir si la Gambie va demander des comptes à l’ancien dictateur Yahya Jammeh.
Le gouvernement de la Gambie dira s’il approuve des poursuites contre celui qui a dirigé d’une main de fer de 1994 à 2017 ce petit pays pauvre et enclavé d’Afrique de l’Ouest et contre 69 autres personnes, comme l’a recommandé une commission il y a six mois.
Etendue des méfaits perpétrés par l’ancien dictateur
La commission qui a enquêté pendant plus de deux ans a rendu compte de l’étendue des méfaits perpétrés à cette époque: assassinats, actes de tortures, disparitions forcées, viols et castrations, arrestations arbitraires, chasses aux sorcières, jusqu’à l’administration contrainte d’un traitement bidon contre le sida.
Le père de Fatoumatta Sandeng est sorti pour prendre part à une manifestation au cours de la campagne présidentielle de 2016.
« Il m’a dit: quoi qu’il m’arrive, prends soin de la famille ». Elle avait 22 ans. « C’est la dernière fois que nous nous sommes parlé ».
Ebrima Solo Sandeng, membre de l’opposition, a été arrêté et torturé en détention. Il est mort deux jours après.
393 témoignages accablants ou bouleversants de victimes
La commission qui a entendu 393 témoignages accablants ou bouleversants de victimes et de coupables présumés a dénombré entre 240 et 250 personnes mortes entre les mains de l’Etat et de ses agents sous M. Jammeh.
« J’attends qu’on poursuive les responsables de ces crimes, y compris Jammeh lui-même », dit Fatoumatta Sandeng, porte-parole d’une coalition d’associations de victimes.
Yahya Jammeh, qui a 57 ans mercredi, vit en Guinée Equatoriale. Fin 2016, un relatif inconnu, Adama Barrow, l’a battu à la présidentielle. M. Jammeh a refusé de reconnaître sa défaite, mais a été poussé à l’exil sous la pression d’une intervention militaire ouest-africaine.
Yahya Jammeh continue d’influer sur la vie politique
Adama Barrow préside aujourd’hui encore aux affaires d’une fragile démocratie en transition. Les victimes s’inquiètent que des commodités politiques ne prennent le dessus sur la justice.
M. Jammeh continue d’influer sur la vie politique. M. Barrow a été réélu en décembre 2021 après un accord entre son parti et celui de M. Jammeh. M. Barrow a choisi en avril deux anciens alliés de M. Jammeh pour président et co-président du Parlement nouvellement élu.
L’un des plus hauts responsables mis en cause par la commission, Ousman Sowe, dirige aujourd’hui le Renseignement gambien. De nombreux membres présumés d’unités chargées des éliminations physiques, appelés « broussards », vivent librement en Gambie.
Personne n’a encore été jugé en Gambie
Le procès d’un de ces « broussards » présumés vient de s’ouvrir en Allemagne. Bai Lowe, réfugié en Allemagne depuis 2012 et interpellé en 2021, est jugé en vertu du principe de compétence universelle pour crimes contre l’humanité, meurtres et tentatives de meurtre entre 2003 et 2006, dont l’assassinat du correspondant de l’AFP Deyda Hydara.
Personne n’a encore été jugé en Gambie pour les crimes politiques de l’ère Jammeh.
Même si le gouvernement ouvre la voie à un procès contre M. Jammeh, la Guinée Equatoriale n’a pas d’accord d’extradition avec la Gambie.
La commission gambienne a recommandé que M. Jammeh et ses complices soient jugés
Ailleurs en Afrique de l’Ouest, au Liberia ou en Sierra Leone par exemple, théâtres de sanglantes guerres civiles, le cheminement de la justice pour les crimes du passé est difficile.
La commission gambienne a recommandé que M. Jammeh et ses complices présumés soient jugés par un tribunal international en Afrique de l’Ouest et en dehors du pays. Elle a évoqué le Sénégal, où avait été jugé un autre ancien autocrate, le Tchadien Hissène Habré, le Ghana ou la Sierra Leone.
Depuis la remise du rapport de la commission en novembre 2021, le président Barrow n’a pas donné d’indication sur ses intentions.
Les défenseurs des victimes et des droits humains ont pressé le gouvernement de poursuivre les 70 personnes nommées par la commission. Ils insistent pour que les victimes soient associées au processus et pour que les femmes soumises à des violences, sexuelles ou autres, soient incluses dans les dédommagements.
Ces violences, disent-ils, ont été peu prises en compte dans les travaux de la commission, à cause de la réticence des victimes à témoigner ou de la prérogative traditionnellement dévolue aux hommes de parler pour le foyer.
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