C’est principalement un mouvement massif de retrait des dépôts combiné à l’illiquidité évidente de la Silicon Valley Bank (SVB) qui a entraîné sa faillite le vendredi 10 mars. Seizième banque américaine en matière de taille de bilan, elle comptait parmi sa clientèle la moitié des start-up américaines et 44% des entreprises du pays entrées en bourse en 2022 dans les secteurs de la technologie et des soins de santé.
Lorsque sa base de dépôts est passée de 62 milliards au premier trimestre 2020 à 198 milliards de dollars au premier trimestre 2022, elle a choisi d’investir dans des bons du Trésor américains à 1% lorsque les taux directeurs étaient bas, voire négatifs. Un placement a priori peu risqué, mais en pratique difficilement restituable : ces anciens titres intéressent peu dans un contexte de hausse généralisée des taux où les obligations nouvellement émises sur le marché sont beaucoup plus rémunératrices (4,5% pour les Federal Funds Rates).
Or, dans le même temps, avec le resserrement de la politique monétaire, les dépôts se sont amenuisés. Les principaux clients de la banque, les start-up, ont répondu à leurs obligations courantes, loyers, salaires et autres emprunts, tout en attirant moins d’investissements, notamment en provenance des fonds de capital-risque.
La SVB a alors été contrainte de vendre ses actifs avec une décote de 1,8 milliard de dollars. La banque entendait compenser cette perte par une augmentation de capital mais l’opération a échoué. S’est au contraire enclenché un mouvement de panique bancaire : les déposants ont accéléré leurs retraits pour l’équivalent de 42 milliards de dollars le 9 mars, conduisant à un défaut de liquidités qui a mis la banque en faillite. Étudiés depuis longtemps par la science économique, pareils mouvements font, avec ces derniers événements, l’objet de réflexions nouvelles.
De retour dans l’actualité
Plus sporadique aujourd’hui dans les pays développés, les paniques bancaires, ou bank run, était revenue dans l’actualité avec la remise fin 2022 du « Nobel » d’économie à Douglas Diamond et Philip Dybvig. Leur risque, enseignent leurs travaux, est inhérent à la raison d’être des banques.
Leur modèle construit dans les années 1980 se demandait comment gérer pareilles situations dans laquelle chacun veut retirer son dépôt à la banque car il redoute sa faillite. Il concernait les banques en situation d’illiquidité, c’est-à-dire celles qui ont un bilan solide mais qui ne peuvent pas immédiatement restituer les dépôts à leurs épargnants car ils ont été prêtés à d’autres agents.
Les auteurs imaginaient alors deux solutions : faire intervenir la banque centrale, ou bien penser un système d’assurance des dépôts. C’est au renforcement de ce second mécanisme avec la mise en place d’une garantie illimitée des dépôts que des acteurs se sont mis à réfléchir après la faillite de la SVB.
Garantir les dépôts pour contenir l’hémorragie
Au-delà du manque de diversification évident de la banque, c’est surtout la vitesse de la faillite de la banque qui est inédite, lui valant le qualificatif de premier « swipe crash » de l’histoire. Viralité des réseaux sociaux oblige, la divulgation des mauvais résultats de la SVB s’est répandue comme une traînée de poudre sur Twitter et Slack, entraînant une multiplication des appels à retirer les fonds. La vague de panique a été notamment amplifiée par le traumatisme de la crise de 2008 qui a déjà fragilisé la confiance des déposants envers leur banque.
En outre, la course aux retraits bancaires a été beaucoup plus rapide qu’à l’accoutumée, puisque la clôture d’un compte peut désormais se faire en quelques heures depuis une application. Cela n’est pas sans rappeler le bank run subi par la banque britannique Northern Rock en 2008, ayant conduit à sa nationalisation. Cela pose surtout la question de savoir si nous nous dirigeons vers une nouvelle crise bancaire.
Dans la situation actuelle, la SVB a surtout souffert d’un contexte qui a exacerbé ses faiblesses et l’a conduite à une perte de confiance rapide et incontrôlable de sa clientèle. Les banques américaines du même rang subissant de plein fouet cette nouvelle défiance de leurs clients, il apparaît donc nécessaire pour ces dernières de contenir le risque d’hémorragie de leur clientèle en maintenant durablement la confiance des dépositaires.
Pour cette raison, la Mid-Size Bank Coalition of America, coalition de banques de taille moyenne, adressait jeudi à la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) – l’instance qui assure actuellement les dépôts – une lettre dans laquelle elle arguait de la nécessité de garantir pendant deux ans tous les dépôts de leurs clients, au-dessus de la limite habituelle des 250.000 dollars.
Le but de cette opération est de rassurer les dépositaires quant à la disponibilité de leur fond, quelle que soit la situation financière dans laquelle se trouve leur banque. Si ce mécanisme ne permet pas de restaurer la confiance des clients immédiatement, il permet aux banques de conserver les dépôts en réduisant le risque de retraits massifs. Le mécanisme contribuerait à temporiser l’hémorragie, le tout permettant à la banque de se stabiliser et retrouver la confiance de ses clients.
Une arme ultime ?
Dimanche 12 mars, la FDIC et la Fed ont donc annoncé que toutes les catégories de déposants (assurés et non assurés) pourront récupérer l’entièreté du montant déposé. Cette annonce et la communication autour du mécanisme sont d’autant plus importantes qu’elles ont manqué lors de la crise de 2008. C’est ce manque de communication à l’époque qui avait accéléré l’effet domino, et marqué la population. Cela est d’autant plus important que la situation de la SVB n’est pas unique et risque de concerner plusieurs autres banques dans des situations similaires.
On peut se poser la question de savoir si la mise en place de cette garantie des dépôts illimitée représente une solution de long terme pour le système bancaire. La réponse n’est pas si évidente.
Elle a, certes, le mérite de restituer la confiance des investisseurs à court terme. Elle risque également de développer des comportements opportunistes des banques. La présence d’une garantie incite en effet à prendre plus de risques, sachant qu’il existe une couverture en cas de défaut. Or, qui garantit n’est pas toujours informé des intentions et comportements de l’autre partie. C’est ce qu’on appelle l’aléa moral. Or cet aléa n’est pas viable sur le long terme pour le système bancaire, entraînant trop d’incertitude, pouvant mener à une nouvelle crise.
En attendant, la Fed a lancé une nouvelle arme appelée Bank Term Funding Program (BTFP), qui constitue une facilité de prêt d’un an pour les banques contre garantie. Ce dernier pourrait représenter une nouvelle solution suffisamment importante pour couvrir tous les dépôts non assurés.
Article écrit par Caroline Perrin, Doctorante en sciences de gestion, Université de Strasbourg; Aurore Burietz, Professeur de Finance, LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of Management et Jérémie Bertrand, Professeur de finance, IÉSEG School of Management
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.