Pendant des décennies, Xu Shiping était un fonctionnaire loyal dans le Bureau Général du Parti communiste chinois (PCC), centre d’importance cruciale pour la documentation et la logistique secrète du Parti. Il avait commencé sa carrière en 1981 et a gravi les échelons en devenant Secrétaire du PCC en charge des finances, des véhicules et des résidences bien aménagées dont jouissent les hauts responsables. Toutefois en 2014, il a été brusquement rétrogradé au poste du directeur adjoint des archives.
La carrière de Xu Shiping a continué à chuter : selon les médias chinois, en mars 2016, à l’âge de 60 ans, il a été demis des fonctions d’archiviste et sa biographie officielle a disparu du site des Archives d’État. Son emploi actuel n’est pas connu.
Xu Shiping n’est pas le seul à être soumis à une purge. Selon les reportages des médias chinois, plus qu’une dizaine d’autres actuels et anciens cadres supérieurs du Bureau Général seraient écartés de leurs fonctions au cours des derniers mois. Ce « nettoyage » discret fait probablement partie de la campagne visant à débarrasser le Bureau Général de ce que les médias qualifiaient comme « l’influence maléfique » de son ancien dirigeant Ling Jihua. Ce dernier était un proche lieutenant de l’ancien dirigeant du Parti Jiang Zemin avant d’être reconnu comme faisant partie d’un complot interne qui mettait le régime en danger.
La purge du Bureau Général, bien qu’effectuée discrètement, serait une action nécessaire entreprise par Xi Jinping afin de renforcer son autorité face au réseau du pouvoir retranché principalement autour de l’ancien dirigeant du PCC Jiang Zemin.
Cette purge suit un plan similaire à ceux effectués par Xi Jinping dans de nombreux secteurs, y compris l’appareil de sécurité, l’industrie pétrolière, le secteur financier, les forces armées et les médias d’État. Le fait que ces mouvements du personnel ont été entrepris assez secrètement correspond au statut de l’organe qui contrôle les secrets du Parti.
« Conspirations politiques »
Ling Jihua, âgé de 59 ans, a passé près de 18 ans au Bureau Général et, selon les reportages des médias chinois, a bâti un vaste réseau d’influence. Il dirigeait le Bureau pendant cinq ans en étant l’assistant principal de l’ancien dirigeant chinois Hu Jintao ce qui était équivalent à un poste de secrétaire général de la Maison Blanche.
Cette position élitaire rend d’autant plus choquant le fait que Ling Jihua ait été pointé du doigt comme l’un des membres du groupe de quatre hauts responsables accusés d’avoir formé une clique et conspiré contre la direction du Parti.
La chute a commencé après que le fils de Ling Jihua soit mort dans des circonstances suspectes lors d’un accident de Ferrari à Pékin en 2012. Ling Jihua avait été d’abord transféré au Département du travail du Front uni, l’organe de guerre politique du PCC, puis, en décembre 2014, il a été placé sous enquête. En juillet 2015, il a été officiellement arrêté et est actuellement poursuivi par le Parquet populaire suprême.
Mais ce n’est que récemment qu’on a commencé à parler de la conspiration de Ling Jihua et d’autres hauts responsables. Selon les paroles prononcés en 2015 par l’actuel dirigeant du Parti Xi Jinping, Ling Jihua, ainsi que l’ancien patron de la sécurité, un général haut-gradé et le tristement connu patron de Chongqing Bo Xilai, « ont entrepris une conspiration politique afin de détruire et diviser le Parti ».
Ling Jihua et les autres conspirateurs auraient gravi les échelons avec l’aide de Jiang Zemin afin d’être placés parmi es hommes les plus puissants en Chine. Ainsi, ils devaient rester fidèles à Jiang qui, pendant plus qu’une décennie après sa retraite officielle en 2002, a réussi à préserver une grande influence grâce au réseau dirigé par ces personnes. Xi Jinping, après son arrivée au poste du dirigeant du Parti en 2012, a alors cherché à enlever les clients politiques de Jiang Zemin des postes clés.
Compte tenu de la « haute sensibilité » du travail du Bureau Général, souvent appelé sanctuaire interne du PCC en charge de la documentation, de la classification des documents secrets et des services logistiques du Politburo et du Secrétariat du Parti, Ling Jihua exerçait un énorme pouvoir et aurait été dans une excellente position pour saper le travail de la direction du PCC.
Cependant, les chefs d’accusation qui lui ont été officiellement imputés ne vont pas jusqu’à comploter un coup d’État, mais sont plus « ordinaires » – vol de secrets d’État, pots-de-vin et promiscuité sexuelle.
Nettoyer les différents bureaux politiques
Le remaniement forcé du haut-personnel du Bureau Général est mené d’une manière beaucoup plus « douce » que les enquêtes typiques anti-corruption des dernières années, lorsque des responsables provinciaux pouvaient être emmenés par les enquêteurs lors du mariage de leur fille ou tout simplement disparaitre sans aucun préavis, après un événement public.
La plupart de hauts cadres du Bureau Général ne sont pas tout simplement éjectés sous l’accusation de corruption, mais semblent passer par deux étapes : d’abord, ils sont rétrogradés dans un autre département, puis demis de leurs nouvelles fonctions sans aucune explication publique. Dans certains cas, leur biographie disparait aussi des sites officiels.
Caixin, une publication économique qui suit de près la campagne anti-corruption, a publié un tableau complet de ceux qui avaient été renvoyés du Bureau Général. Aucun d’entre eux n’avait atteint 65 ans, l’âge officiel de la retraite, et beaucoup approchaient ou venaient de dépasser 60 ans – habituellement l’âge correspondant au sommet de la carrière d’un fonctionnaire chinois. Tous les licenciements et départs forcés à la retraite ont eu lieus après que le scandale avec Ling Jihua ait éclaté en 2012.
Plusieurs dizaines des anciens directeurs ou vice-directeurs des départements du Bureau Général mis à la porte cette année, ont suivi le même sort que Xu Shiping du service des archives d’État.
Selon The Paper, site d’informations semi-officiel, Zhao Shengxuan, l’ancien directeur adjoint du Bureau Général, a été affecté en mai 2013 à l’Académie chinoise des sciences sociales (ACSS) et a été tout d’un coup limogé de ce poste en février dernier. Comme dans le cas de Xu Shiping, sa biographie officielle a été retirée du site de l’ACSS.
Wang Zhongtian, un autre ancien directeur adjoint qui avait gravi les échelons au Bureau Général pendant 16 ans, a été envoyé dans le Bureau de dérivation d’eau sud-nord en janvier 2015 et a perdu ce travail en février dernier sans aucune explication.
D’autres semblent devenir alliés de Xi Jinping. Chen Ruiping est arrivée du poste de cadre ordinaire du Bureau Général qu’elle occupait en 1974, au poste de directrice de son département de la mémoire de Mao en 2006. Après 40 ans de service, elle a été transférée à l’agence de discipline interne du Parti en 2014 et en mars dernier mise en charge de l’équipe d’inspection qui s’occupe de l’agence du patrimoine judiciaire et culturel du régime chinois.
Il y a aussi des cadres comme Huo Ke, âgé de 55 ans, ancien chef du département de sécurité du Bureau Général. Il a été envoyé à l’Administration nationale du tourisme en décembre 2014 – une rétrogradation évidente – avant d’être étudié à la loupe par les enquêteurs du Parti en janvier 2015.
Alors que les médias officiels chinois ont été assez réticents à commenter les motivations de ce changement du personnel, les médias de Hong Kong en ont offert beaucoup de théories et de détails.
« Très sinistre »
Selon l’édition de mars dernier de The Trend, un magazine de Hong Kong qui transmet parfois de Pékin des rumeurs politiques bien précises, la purge dans le Bureau Général est beaucoup plus vaste que ce qui a été rapporté par les médias officiels du Parti.
Selon The Trend, Wang Qishan, responsable de l’agence anti-corruption du Parti, avait personnellement dirigé un groupe de travail anti-corruption pendant la première vague de « balayage » du Bureau Général en février 2013. L’enquête de l’équipe de Wang a trouvé que le Bureau était « très sinistre, très effronté et très corrompu » et a classé plusieurs départements comme « zones sinistrées ».
The Trend précise que l’enquête a révélé que les cadres du Bureau Général, fidèles à Ling Jihua, lui fournissaient régulièrement des documents hautement confidentiels même après son licenciement en juin 2012.
Il est impossible de confirmer cette information qui n’a pas été rapportée dans les médias officiels chinois. Les médias de Hong Kong comme The Trend fournissent souvent des tuyaux provenant des sources internes de l’appareil du Parti et contiennent des détails qui ne sont pas disponibles ailleurs.
Certains éléments de l’histoire se confirment. Par exemple, selon l’agence de presse officielle Xinhua, Ling Jihua était en possession de plus de 2 700 documents contenant des « secrets essentiels » et strictement classifiés de l’État et du Parti. Plus tôt cette année, de nombreux médias ont également rapporté que Ling Wancheng, frère de Ling Jihua actuellement aux États-Unis, aurait montré le « trésor » obtenu par son frère aux agences de renseignement américaines.
Les enquêteurs du PCC ont également constaté que chaque année le Bureau Général « réattribuait illégalement » de 3 à 4,2 milliards de yuans (entre 400 et 570 millions d’euros) de fonds du financement gouvernemental en tant que primes au personnel. Des établissements de soins infirmiers et des maisons de retraite gérés par le Bureau Général au bénéfice des cadres retraités étaient devenus des « nids de débauche ». Le Bureau Général a même « sévèrement saboté » certains services de police et de sécurité publique.
The Trend a annoncé que plus tard l’équipe d’enquêteurs de Wang Qishan avait exigé que tous les employés du Bureau Général, y compris tous les nouveaux arrivants, fassent un serment spécial d’allégeance à la ligne directive du Parti. Le premier élément de ce serment était la « loyauté absolue ».
Version anglaise : Keepers of the Chinese Regime’s Secrets Quietly Purged
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