L’armée israélienne a pilonné mercredi la grande ville assiégée de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, où les habitants tentent de s’abriter des bombardements et des combats parmi les plus intenses en deux mois de guerre contre l’organisation terroriste Hamas.
Les rues de la ville, où sont aussi engagées des troupes au sol, étaient quasiment vides mercredi matin, selon des journalistes de l’AFP sur place, mais des morts et des blessés continuaient d’affluer dans les hôpitaux.
Des centaines de milliers de civils s’entassent dans cette ville et ses environs, pour beaucoup déjà déplacés plusieurs fois depuis le début de la guerre, confrontés à une situation humanitaire catastrophique et acculés dans un périmètre de plus en plus exigu près de la frontière fermée avec l’Égypte.
Des milliers d’entre eux, à pied, à moto, entassés dans des charrettes ou leurs bagages empilés sur les toits de leurs voitures, continuent à fuir vers le sud et la ville voisine de Rafah, répondant aux injonctions de l’armée israélienne.
« Nous étions dans le centre de Khan Younès. Toute la ville subit des destructions et des bombardements incessants. Il y a là beaucoup de gens qui arrivent du nord dans des conditions désastreuses, sans abri, à la recherche de leurs enfants », a raconté à l’AFP Hassan Al-Qadi, un habitant de la ville déplacé à Rafah. « Nous voulons comprendre. S’ils veulent nous tuer, qu’ils nous encerclent dans un seul endroit et nous éliminent tous ensemble. Mais nous pousser à nous déplacer d’un endroit à l’autre, ce n’est pas juste », a-t-il ajouté.
Engagée depuis le 27 octobre dans une offensive terrestre contre le Hamas dans le nord de la bande de Gaza, l’armée israélienne a étendu ses opérations au sol à l’ensemble du territoire, deux mois après le début de la guerre déclenchée par l’attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien contre Israël le 7 octobre.
Nombreux bastions du Hamas sécurisés
Mardi, l’armée israélienne avait annoncé avoir encerclé Khan Younès. « Nous avons sécurisé de nombreux bastions du Hamas dans le nord de la bande de Gaza, et nous menons maintenant des opérations contre ses bastions dans le sud », a déclaré le chef d’état-major de l’armée, le général Herzi Halevi. « Nos forces trouvent des armes dans presque tous les bâtiments et maisons, des terroristes dans de nombreuses maisons et les affrontent », a-t-il ajouté.
Des sources du Hamas et du Jihad islamique ont indiqué à l’AFP que leurs combattants affrontaient les troupes israéliennes dans le but de les empêcher d’entrer dans Khan Younès et les secteurs situés à l’est de la ville, ainsi que dans les camps de réfugiés à proximité.
Selon le bureau de presse du gouvernement du Hamas, des tirs d’artillerie ont fait « des dizaines de morts et de blessés » dans la nuit de mardi à mercredi dans plusieurs villages à l’est de Khan Younès, et l’armée a également attaqué plusieurs autres secteurs de la bande de Gaza.
Selon le ministère de la Santé du Hamas, des frappes aériennes israéliennes contre le camp de Nousseirat, dans le centre du territoire, ont fait ainsi six morts et 14 blessés. D’après la même source, d’autres frappes sur le camp de réfugiés palestiniens de Jabalia, dans le nord, ont fait plusieurs morts et blessés, et le directeur d’une clinique de Khan Younès, Ramez al-Najjar, a été tué dans un raid israélien contre son domicile.
Sur sa chaîne Telegram, l’armée israélienne a affirmé avoir tué « la plupart des hauts commandants » des brigades du Hamas opérant depuis un réseau de tunnels dans le nord de la bande de Gaza, et a diffusé une photo montrant cinq hauts responsables du mouvement palestinien qu’elle dit avoir « éliminés ».
Une « crise alimentaire catastrophique »
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a souligné que la distribution de l’aide humanitaire était désormais « presque impossible » dans la bande de Gaza et que la reprise des hostilités « ne ferait qu’intensifier la crise alimentaire catastrophique qui menace déjà de submerger la population civile ».
Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha), Rafah est désormais le seul endroit du territoire où de l’aide humanitaire est encore distribuée, en quantité limitée. L’aide n’arrive pratiquement plus à Khan Younès, et l’accès aux zones situées plus au nord est coupé depuis la reprise des combats.
L’armée israélienne largue chaque jour sur Khan Younès des tracts avertissant de l’imminence d’un bombardement, ordonnant aux habitants de quitter leur quartier. Mais l’ONU, qui a calculé que 28% du territoire la bande de Gaza tombe désormais sous le coup de ces ordres d’évacuation, a jugé « impossible » de mettre en place des zones sécurisées pour accueillir les civils telles que désignées par Israël.
« Aucun endroit n’est sûr à Gaza » : un mépris de l’humanité
« Nous voici, errant dans les vastes étendues de la terre de Dieu, à la recherche d’un lieu où nous réfugier. Il semble qu’il n’y ait aucun endroit pour nous abriter », se lamente auprès de l’AFP Oumm Mahmud Tanasi, une habitante de Khan Younès en route vers Rafah, à la frontière avec l’Égypte.
« Aucun endroit n’est sûr à Gaza. Ni les hôpitaux ni les abris ni les camps de réfugiés. Personne n’est en sécurité. Ni les enfants. Ni les travailleurs de la santé. Ni les humanitaires. Ce mépris flagrant des bases de l’humanité doit cesser », a affirmé le coordinateur de l’aide d’urgence de l’ONU, Martin Griffiths, cité dans un communiqué.
Chaque jour, les mêmes scènes de chaos se répètent à l’hôpital Nasser de Khan Younès, le plus grand du sud de la bande de Gaza, comme dans les autres hôpitaux de la ville, où affluent les blessés, parfois allongés dans de simples remorques ou portés par leurs proches.
« Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Il y a eu une explosion et j’ai été atteint par un éclat à la tête », a raconté à l’AFP Mohamed al-Maqadma, un homme blessé à la tête par une frappe soigné à l’hôpital du Croissant-Rouge de Khan Younès. « Je me suis immédiatement jeté au sol », a-t-il ajouté.
1,9 million de personnes déplacées dans la bande de Gaza
Selon l’ONU, 1,9 million de personnes, soit environ de 85% la population, ont été déplacées par la guerre dans la bande de Gaza où plus de la moitié des habitations sont détruites ou endommagées. Le territoire, déjà appauvri par le blocus israélien en place depuis 2007, est placé depuis le 9 octobre en état de siège total par Israël, ce qui a provoqué de graves pénuries d’eau, de nourriture, de médicaments, de carburant et d’électricité.
En représailles à l’attaque du Hamas, Israël a promis de détruire le mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, classé organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et Israël.
D’après le gouvernement israélien, 138 otages enlevés en Israël le 7 octobre sont toujours retenus à Gaza, après la libération pendant la trêve de 105 otages, dont 80 en échange de 240 prisonniers palestiniens détenus par Israël. Au total, 83 soldats israéliens ont été tués à Gaza depuis le début de l’offensive terrestre, selon l’armée.
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