Le chef de l’opposition travailliste britannique, Jeremy Corbyn, a présenté ses excuses dimanche pour la défaite historique de son parti aux législatives face aux conservateurs de Boris Johnson, sans apaiser les critiques dans les rangs du Labour, qui se demande comment relever la tête.
A la tête du Parti travailliste depuis 2015, l’ancien militant syndical a été appelé à laisser sa place après cette débâcle, se voyant reprocher sa ligne très à gauche, son incapacité à lutter contre l’antisémitisme de certains de ses membres ou encore son ambiguïté sur le sujet décisif du Brexit, qui en ont fait un repoussoir pour nombre d’électeurs.
Après avoir ouvert la porte à une succession d’ici les prochaines élections mais dit vouloir rester en poste dans l’immédiat, Jeremy Corbyn s’est livré à un mea culpa.
« Je suis désolé que nous n’ayons pas été à la hauteur et j’en prends la responsabilité », a-t-il déclaré dans une lettre ouverte publiée par le Sunday Mirror après le pire score de son parti depuis 1935 avec 203 députés sur 650 à la Chambre des communes, contre 262 auparavant.
L’opposition travailliste a été submergée par les conservateurs du Premier ministre Boris Johnson, qui se voit ainsi crédité de la majorité nécessaire pour « réaliser le Brexit » au 31 janvier, son mantra de campagne.
Les « tories » ont raflé 365 sièges (+48) à Westminster, grâce à la prise de circonscriptions ouvrières traumatisées par leur parti sous Margaret Thatcher et acquises depuis des décennies aux travaillistes, mais favorables à la sortie de l’Union européenne.
Our aim was to bring people together and offer hope. pic.twitter.com/OLTC2ifPxB
— Jeremy Corbyn (@jeremycorbyn) 13 décembre 2019
Tirer les leçons de la défaite
Jeremy Corbyn a assuré que son parti tirerait « les leçons de cette défaite », promettant notamment de mieux « écouter les électeurs traditionnels du Labour que nous avons perdus dans les communautés ouvrières » lors de ce « coup dur ».
Le très à gauche chef des travaillistes, réélu pour la dixième fois dans sa circonscription londonienne d’Islington, avait cependant défendu la veille corps et âme un programme dont il s’est dit « fier ».
« Sur l’austérité, les inégalités, l’urgence climatique, nous avons gagné et dirigé le débat », avait-il jugé dans le Guardian. « Il n’y a pas de doute, nos propositions sont populaires. La question est plutôt ‘Comment pouvons nous réussir dans le futur, là où nous avons échoué ?’ « .
Certains députés travaillistes jugent pourtant que la défaite tient à la personnalité de leur leader. « C’est indubitablement vrai », a accusé la députée Lisa Nandy dimanche sur la BBC.
Une position ambiguë sur la sortie de l’UE
Pour beaucoup, Jeremy Corbyn a en effet payé sa position ambiguë sur la sortie de l’UE – prônant un nouveau référendum sans lui-même prendre position – et son manque présumé de fermeté face à l’antisémitisme au sein de sa formation.
Son positionnement très à gauche a aussi effrayé les milieux financiers, qui voyaient en lui un dangereux marxiste synonyme de chaos économique. « Regardez ce qui se passe quand un parti se déplace à ce point sur la gauche », a mis en garde le candidat démocrate aux élections présidentielles américaines Joe Biden.
Concédant que le Labour s’était pris les pieds dans le « dilemme » du Brexit, John McDonnell, proche conseiller de Corbyn, a réfuté la thèse selon laquelle les travaillistes auraient perdu parce qu’ils auraient choisi le « mauvais » chef.
C’est « l’un des hommes politique les plus honnêtes, sincères, engagés et antiracistes que je connaisse », a-t-il affirmé samedi, estimant que le leader travailliste avait été « diabolisé par une campagne de diffamation lancée contre lui ».
Our time will come. pic.twitter.com/VAr9rAdA0f
— Jeremy Corbyn (@jeremycorbyn) 15 décembre 2019
« Je blâme les médias pour ça… Regardez la façon dont Jeremy a été traité par les médias ces dernières années », a accusé M. McDonnell dimanche matin sur la BBC.
Sur un siège éjectable
Sur un siège éjectable depuis l’annonce des résultats, Jeremy Corbyn a promis de démissionner au début de l’année, après une période de « réflexion » de son parti. Sa défaite historique laisse le Labour face au choix de maintenir sa ligne gauchisante, ou revenir à la sociale-démocratie triomphante des années Tony Blair.
Certains potentiels successeurs n’ont pas hésité à fustiger la politique du septuagénaire. « Il est temps d’essayer quelque chose de différent, plutôt que de rejouer les mêmes vieilles batailles », a ainsi confié au Guardian la députée Jess Philipps. Rejointe par sa consœur Lisa Nandy, qui estime que le parti « a perdu contact avec l’expérience quotidienne d’une majorité des gens qu’il représente ».
Pour autant, le départ de M.Corbyn ne signifierait pas forcément un changement de cap : après dix ans d’austérité sous les gouvernements conservateurs successifs, sa ligne très à gauche avait attiré un grand nombre de jeunes adhérents qui pourraient se retrouver dans un des disciples de l’ancien leader, comme la députée Rebecca Long-Bailey.
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