Une importante étude parue dans The Guardian observe que sur les trente dernières années, l’augmentation du revenu des vingtenaires est dérisoire par rapport au reste de la population.
« Un nombre croissant de gens pensent que dans leur pays les enfants gagneront moins bien leur vie que leurs parents », a récemment rapporté Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE, au Guardian. Depuis quelques années, ces propos résonnaient comme une rumeur : Génération Y rimait pour certains avec « génération sacrifiée » ou « enfants de la crise ».
Une première sonnette d’alarme fut tirée par Louis Chauvel, sociologue à l’université du Luxembourg, dans un rapport publié en 2014. Mais ses conclusions étaient contestées par d’autres économistes français, comme M. Allègre qui réfutait un « discours décliniste ». L’hypothèse de Chauvel s’appuyait sur quelques statistiques sociales comme le fait que les jeunes quittent de plus en plus tard le domicile familial.
On en sait désormais un peu plus depuis la publication d’un rapport sur la question par Angus Hanton, cofondateur de l’Intergenerational Foundation, un think tank indépendant. D’après l’étude, menée dans sept pays riches et parue dans The Guardian, les natifs d’entre 1980 et le milieu des années 90 sont la tranche de population dont les revenus ont le moins augmenté ces dernières décennies. Alors que cette tranche d’âge a dans l’histoire toujours eu les revenus les plus forts, l’inversion de la tendance est inquiétante.
Un niveau de vie en baisse
Entre 1978 et 2010, les revenus des retraités ont augmenté de plus de 60% par rapport à la moyenne nationale. Sur la même période, les revenus des jeunes de 25 à 29 ans ont baissé de 8%. Autrement dit, si l’augmentation des revenus touche l’ensemble de la population, les jeunes n’en ont que très peu bénéficié par rapport aux plus âgés.
Dans bien des pays, le marché du travail est conçu de manière à protéger les « initiés » les plus âgés qui sont sous contrat permanent, très rémunérateur et protégé par une législation forte. – Mario Draghi, président de la Banque Centrale européenne
En 2014, le sociologue Louis Chauvel a étudié les statistiques de 17 pays occidentaux. Il ressortait de son étude que si la génération née autour de 1975 avait bénéficié des mêmes conditions de croissance que les générations nées en 1929 ou 1950, leur niveau de vie serait plus élevé de 30%. « Depuis 1984 en France, par rapport à celui des sexagénaires, le niveau de vie relatif des trentenaires a perdu 17% », indique-t-il. La question n’est pas pour autant de savoir si les plus âgés captent plus de richesses que les plus jeunes ; il s’avère, au vu des chiffres que les baby boomers des années 60 ont bénéficié plus que toute autre génération de l’augmentation du niveau de vie.
La perte du niveau de vie concerne principalement les pays riches et les mêmes tendances s’observent aux États-Unis, en Italie, en Espagne, en Allemagne et au Canada. Le phénomène résulte, selon les experts, d’une combinaison de crises de la dette, du chômage, de certains effets de la mondialisation et de la hausse des prix de l’immobilier. Aux États-Unis, cela se traduit par le fait que de plus en plus d’Américains peinent à rembourser leur dette d’étudiant, alors qu’en Europe, la question du chômage des jeunes est la plus préoccupante.
Mario Draghi, président de la Banque Centrale européenne, a confié au journal britannique son inquiétude sur les niveaux « tragiques » de chômage chez les jeunes en Europe, notamment en Espagne et en Grèce. « Dans bien des pays, le marché du travail est conçu de manière à protéger les « initiés » les plus âgés qui sont sous contrat permanent, très rémunérateur et protégé par une législation forte », indique-t-il, ajoutant qu’un effet secondaire s’observe dans l’accès tardif à l’emploi chez les populations plus jeunes, qui doivent souvent se contenter de revenus plus faibles et de contrats temporaires.
Modifications dans le comportement social
De l’avis des experts, les conséquences seraient plutôt graves. Le fait est que depuis la seconde révolution industrielle, chaque génération de vingtenaires s’est développée dans un contexte économique en essor.
Annie Austin est professeur de sciences sociales à l’université de Manchester. D’après elle, trois types de comportements dominent parmi la population des actifs. Il y a les « fonceurs », qui saisissent les opportunités. On pourrait dire, dans un sens, qu’il s’agit de ceux qui n’ont peur de rien et partent à la conquête des marchés, commencent une activité ou fondent leur entreprise. Puis il y a les « conformistes », qui recherchent avant tout une sécurité du travail dans leur progression professionnelle. Et pour finir, il y a les « pro-socials », qui poursuivent un idéal de justice sociale et favorisent les relations et échanges au sein d’une communauté.
Annie Austin s’est basée sur les données de l’institut luxembourgeois. Elle affirme, au vu des chiffres, qu’une large partie de la population de la première catégorie, les « fonceurs », est en train de reculer vers le « conformisme », et que sans surprise, ce sont les jeunes qui avancent le plus dans cette voie. Mais plus inquiétant, « la crise affecte les aspirations des jeunes. Non seulement, elle a rendu les choses plus difficiles dans la poursuite de leurs objectifs, mais elle affecte aussi ces objectifs eux-mêmes », indique-t-elle.
« Ce qui est remarquable, c’est que pendant près d’un siècle, il y a eu un fort élan en Grande-Bretagne, un état d’esprit d’aventurier s’affranchissant des normes et obsessions pour la conformité et la sécurité – mais la crise financière a opéré un tournant décisif dans ce domaine », remarque-t-elle encore, ajoutant que la recherche d’une sécurité pourrait avoir des conséquences sur les actifs de la Génération Y quand ces derniers accèdent à des postes de responsabilité.
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