En décidant d’aller manifester contre le gouvernement en Géorgie, Nadim Khmaladzé, 60 ans, était prêt mentalement à subir des violences policières. Mais il n’imaginait pas que son engagement pourrait lui coûter 22 mois de salaire.
Récemment, ce militant des droits humains a reçu une convocation des autorités qui exigent de lui 45.000 laris (environ 16 000 dollars) d’amendes pour avoir brièvement bloqué la circulation le long de l’avenue centrale de Tbilissi.

« Le gouvernement utilise des méthodes à la russe pour abolir la liberté de réunion », dit à l’AFP cet homme, qui a combattu pendant près de deux ans en Ukraine l’invasion russe, avant de rentrer.
Un pays secoué par un grand mouvement de protestations
Depuis la décision du gouvernement géorgien, fin novembre, de repousser les négociations en vue d’une adhésion à l’Union européenne, ce pays du Caucase est secoué par un grand mouvement de protestations.
Des milliers de Géorgiens se rassemblent toujours, quasiment tous les jours, pour dénoncer les autorités accusées de se rapprocher de la Russie et qui, selon des médias et des ONG, mènent une répression de plus en plus brutale, à coups de poursuites judiciaires, d’intimidations et de passage à tabac.

Une « terreur financière visant à éteindre la colère populaire »
Dans son arsenal répressif, le pouvoir a désormais recours à une autre méthode : des amendes écrasantes.
L’écrivain Mikheïl Tsikhelachvili, qui vivait au Portugal mais est rentré en Géorgie l’an dernier pour lutter et manifester contre le parti au pouvoir Rêve géorgien, en a aussi fait les frais.

Il affirme que lui et sa petite amie ont été condamnés chacun à une amende d’environ 1.700 euros. Selon lui, il s’agit d’une « terreur financière visant à éteindre la colère populaire. »
« J’ai porté l’affaire devant les tribunaux », indique-t-il, ajoutant cependant qu’il avait « peu d’espoir dans le système judiciaire géorgien, qui est entièrement contrôlé par le parti au pouvoir. »
Des manifestations avaient d’abord éclaté après les législatives en octobre, remportées par le Rêve géorgien mais que l’opposition a rejetées comme truquées.
Des négociations d’adhésion à l’UE ouvertes en 2028
Le mouvement s’est intensifié après que le Premier ministre Irakli Kobakhidze a annoncé le 28 novembre que son gouvernement ne chercherait pas à ouvrir des négociations d’adhésion à l’UE avant 2028.

La Géorgie est officiellement candidate et cette candidature est soutenue par plus de 80% de la population, selon des sondages d’opinion, et inscrite dans la constitution du pays.
Au cours de la phase initiale des manifestations, les forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau et ont procédé à des centaines d’arrestations.
« Le gouvernement a commencé à étrangler financièrement » ses opposants
« Après que la violence brute se soit avérée inefficace, le gouvernement s’est tourné vers l’intimidation avec des descentes de police télévisées au domicile de militants et des menaces anonymes par téléphone », déclare Salomé Khvadagiani, directrice du groupe de défense des droits humains Liberty Institute.

« Là aussi, ça n’a pas fonctionné » et « le gouvernement a commencé à étrangler financièrement » ses opposants, poursuit-elle.
Des amendes pour blocage d’une route multiplié par dix ou 15 jours de prison
En décembre, le montant des amendes pour le blocage d’une route a été multiplié par dix, passant à 5.000 laris (1.700 euros), faisant encourir à des milliers de personnes cette sanction, ou, alternativement, 15 jours de prison.
Rien qu’en janvier, selon des ONG et le parti d’opposition Pour la Géorgie, le montant total des amendes a atteint près de 6 millions d’euros dans ce pays de quatre millions d’habitants où le salaire mensuel moyen est d’environ 680 euros.
Le ministère de l’Intérieur a déclaré qu’il n’infligeait des amendes que « lorsque le nombre de manifestants ne justifie pas de bloquer la route » et qu’un rassemblement peut avoir lieu sans perturber la circulation.
Utilisation de la reconnaissance faciale
Pour identifier les manifestants et les cribler d’amendes, des groupes de défense des droits humains affirment que les autorités ont élargi leurs capacités de surveillance, y compris en usant de la reconnaissance faciale.
Selon ces groupes, le pouvoir a augmenté le nombre des caméras à haute résolution dans les rues de Tbilissi.
L’utilisation généralisée des « technologies de reconnaissance faciale et de reconnaissance biométrique à distance facilite une surveillance ciblée », indique l’organisme GYLA, dénonçant une « atteinte aux droits fondamentaux. »
Les manifestants « s’adaptent désormais à la situation »
Salomé Khvadagiani, du groupe Liberty Institute, estime que cette campagne de sanctions financières massives a entraîné « une diminution significative de la participation aux manifestations au cours du dernier mois. »
Mais les manifestants « s’adaptent désormais à la situation », poursuit-elle, en déposant des plaintes qui ont submergé les tribunaux et retardent considérablement l’application des sanctions, ou même les rendent inapplicables.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.