Gérald Olivier est journaliste spécialiste des États-Unis et auteur du récent ouvrage Sur la route de la Maison-Blanche, un livre en forme de dictionnaire qui offre de nombreuses clés de compréhension du système électoral américain, tant du point de vue politique, législatif qu’historique.
Sa culture politique alliée à un esprit critique non partisan en font un témoin précieux de l’actualité américaine à l’heure où l’élection présidentielle se transforme en bataille juridique acharnée. Gérald Olivier partage avec nous quelques clés de compréhension de la situation politique et sociale américaine.
Epoch Times : Comment décririez-vous la situation post-électorale américaine ? Vous attendiez-vous à une telle situation ?
Gérald Olivier : Je m’attendais à ce qu’il y ait des contestations, mais pas forcément qu’elles soient à sens unique. Je m’attendais à une élection très serrée, mais favorable au président Trump, je ne vous le cache pas, notamment dans les États clés où il avait gagné en 2016, c’est-à-dire la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin.
Je n’ai jamais fait confiance aux sondages mis en avant par les médias dominants aux États-Unis et docilement repris par la presse internationale.
J’estimais même que Trump avait des chances de l’emporter dans le Minnesota.
Donc je m’attendais à ce qu’il n’y ait pas de vainqueur, ni le 4 novembre au matin, ni même dans les jours suivants et que l’un et l’autre camps demandent des recomptages, déposent des recours, et même dénoncent des fraudes, là où ils auraient été battus de peu. Concrètement, je m’attendais à ce que les deux candidats aient un peu plus de 200 grands électeurs acquis, mais qu’une demi-douzaine d’États soient sans vainqueur déclaré et que l’on assiste à des batailles de part et d’autre, sur plusieurs fronts.
Mais en fait, tout est allé dans un seul sens. Donald Trump a perdu tous les États clés, sauf la Floride et la Caroline du Nord. Biden s’est retrouvé dans la position du président élu, avec une avance considérable au plan national, plus de quatre millions de voix, et un avantage net dans les États décisifs. Il a eu 150 000 voix d’avance au final dans le Michigan, c’est considérable ! 60 000 voix de plus en Pennsylvanie, c’est aussi un écart conséquent. Ce succès est survenu en dépit du fait que les démocrates du Congrès ont perdu du terrain face aux républicains. Au Sénat, les républicains ont conservé leur majorité, alors que les médias annonçaient qu’ils allaient la perdre. À la Chambre, ils ont gagné une douzaine de sièges, alors qu’ils devaient également en perdre.
Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est donc que ces contestations soient à sens unique. Les États décisifs ayant basculé systématiquement en faveur de Joe Biden, les contestations ont toutes émané du seul camp républicain.
Je suis convaincu que les républicains ont un argument valable lorsqu’ils dénoncent des tricheries et des irrégularités aussi bien lors du vote que lors du dépouillement. Mais je n’ai aucune idée de l’étendue réelle des tricheries, car je n’ai aucun élément tangible pour le déterminer. S’agit-il de quelques centaines, quelques milliers, ou plutôt quelques centaines de milliers de votes frauduleux… ? Pour l’instant je n’ai pas la réponse.
On remarque dans cette élection une participation record, expliquée par la généralisation du vote par correspondance, permettant à des personnes qui ne vont pas d’habitude voter de le faire. Tout le monde savait que le vote par correspondance facilite les fraudes. Cela a été établi, notamment documenté aux États-Unis dans un rapport de 2005 rédigé par l’ancien président Jimmy Carter et l’ancien secrétaire d’État James Baker. Les démocrates ont affirmé le contraire, et les médias ont consciemment fermé les yeux parce que tous deux savaient que ce vote avantage les démocrates, parce qu’il permet d’aller à la pêche aux votes dans les quartiers populaires. L’expression en anglais est « ballot harvesting », littéralement « vendanger le vote » : il s’agit pour des bénévoles d’aller « aider » des électeurs défavorisés à remplir leur bulletin. C’est la porte ouverte à toutes les manipulations, et d’ailleurs la pratique a été interdite dans certains États, mais là où elle existe elle avantage considérablement les démocrates, qui finissent toujours par l’emporter quand « tous les votes » ont été comptés…
Hillary Clinton, en 2016, avait rassemblé 65 millions de voix. Biden en a rassemblé dix millions de plus. Une progression de plus de 15 %. Donald Trump a rassemblé également près de dix millions d’électeurs supplémentaires, 71 millions contre 62 millions en 2016. Donc les deux camps ont progressé en parallèle, mais on constate que dans les États contrôlés par un gouverneur démocrate, ou une législature démocrate, le candidat démocrate a réalisé des gains plus importants que son adversaire républicain et inévitablement, on s’interroge sur la nature de ces gains…
On sait qu’il y a eu des irrégularités et des erreurs lors des dépouillements dans le Michigan, dans le Wisconsin, en Géorgie. Ces erreurs ont été reconnues et à priori corrigées. Il est possible que d’autres erreurs ne l’aient pas été… Pour l’heure, ce doute n’a pas été levé, et je crains qu’il persiste.
Epoch Times : Une des avocates impliquées pour dénoncer les fraudes, Sidney Powell, s’était déjà illustrée dans l’affaire du général Flynn : est-ce que vous pouvez nous la présenter ?
Gérald Olivier : C’est une femme très sérieuse, une avocate très compétente et précise. Elle a défendu le général Michael Flynn, l’ancien conseiller à la sécurité du président Trump piégé par le FBI, dans le cadre de l’enquête sur la supposée collusion avec la Russie, une histoire totalement démystifiée aujourd’hui, et elle fait partie des gens qui ont mis à jour les abus et fautes commis par le FBI qui ont conduit le département de la justice à abandonner les poursuites. Elle a acquis à l’occasion une excellente réputation auprès des électeurs conservateurs aux États-Unis. Elle a eu un rôle ingrat et très difficile à côté des avocats du président puisqu’elle s’est concentrée sur des irrégularités qui auraient pu être intégrées dans le système même du vote, c’est-à-dire dans les machines à voter et dans les logiciels de comptage.… Le potentiel de fraude est énorme. On a d’ailleurs vu dans le Michigan des dizaines de milliers de voix être attribuées subitement à Joe Biden, sans que Donald Trump n’en gagne une seule…
Mais mettre en cause le système informatique et les machines de vote après le résultat, après le déroulé de l’élection, pour moi, c’est une gageure vaine. Les républicains auraient dû dénoncer le problème et le régler avant l’élection. À présent, il est trop tard. On ne dit pas après le match que le ballon était dégonflé… Les républicains ont pêché par naïveté. Ils dénoncent aujourd’hui des liens d’affaires entre les démocrates et les sociétés Dominion et Smartmatic, qui ont fourni les moyens techniques du vote à quelque vingt-huit États, mais c’est trop tard. Certains États, comme le Texas, ont refusé d’utiliser ces machines, et on constate que le résultat a été favorable à Donald Trump et n’a souffert aucune contestation. Les républicains auraient dû insister avant l’élection pour que d’autres États suivent cet exemple. Ils ont manqué de lucidité et se sont laissés berner par les médias et les démocrates qui ont eu beau jeu d’ironiser sur des craintes infondées…
Sidney Powell a porté des accusations très graves. Elle a parlé d’une conspiration internationale impliquant des ressortissants d’origine vénézuélienne. Elle est peut-être allée trop loin, sans apporter immédiatement d’éléments tangibles pour soutenir ses accusations. Du coup, Rudy Giuliani, qui dirige l’équipe d’avocats au service de Donald Trump et du camp républicain, a pris ses distances avec elle. Le vrai problème est que ses accusations ne peuvent pas être portées devant une cour de justice dans le temps dont dispose les républicains. Les avocats de Trump ont jusqu’au 8 décembre pour obtenir l’invalidation du résultat de certains États, ou au moins la non-certification de ces résultats, et les accusations portées par Sidney Powell ne peuvent être tirées au clair dans ce laps de temps. Sauf à ce qu’elle dispose de preuves explosives. Dans ce cas, elle devrait les présenter au public sans attendre…
Si elle a vraiment des éléments tangibles, et je veux dire des éléments incontestables qui prouvent véritablement que les logiciels ont été trafiqués dans certains États à l’incitation d’agents étrangers pour faire gagner les démocrates, elle a entre les mains un scandale de dimension historique, un scandale sans précédent. Qu’elle produise ses preuves. Si elle ne les a pas, qu’elle se taise, car l’énormité de ce qu’elle dénonce finit par nuire à la crédibilité des autres accusations formulées par les avocats de Trump.
Epoch Times : Que pensez-vous de la possibilité d’empêcher Joe Biden d’obtenir 270 électeurs pour amener l’élection à la Chambre des représentants, où chaque État dispose d’une seule voix, ce qui donnerait l’avantage à Trump ?
Gérald Olivier : Certains commentateurs s’interrogent sur l’objectif réel de l’équipe Trump. Il est clair que les républicains ont un objectif précis, même s’ils ne l’ont pas révélé. Ils ont bien ce qu’on appelle en anglais un « end game », un objectif pour mettre fin au match. Pour moi, ils espèrent encore que certains États ne puissent pas certifier les résultats de l’élection avant la date du 14 décembre. Cet objectif est de plus en plus difficile à atteindre, car les uns après les autres, les États certifient l’élection et transmettent leurs résultats au collège électoral. Mais techniquement, rien n’est joué avant la date du 14 décembre, jour où le collège électoral votera.
Il faut savoir que quand vous certifiez une élection, vous engagez votre responsabilité. C’est le secrétaire d’État de chaque État qui signe, mais les assesseurs s’engagent aussi. Sous peine de poursuites très sérieuses en cas de fraude. Sidney Powell l’a bien rappelé aux personnes concernées. Si les républicains arrivent à prouver des fraudes et à faire douter les assesseurs et les certificateurs et que certains États ne sont pas certifiés avant le 14 décembre, alors les voix de ces États ne seront pas comptabilisées et il est possible que Joe Biden n’ait pas 270 grands électeurs avec lui. Les enveloppes des votes seront scellées le 14 décembre pour être ouvertes le 6 janvier 2021. À cette date, les résultats seront lus. On pourrait avoir une surprise énorme ce jour-là ! Je n’y crois pas. Mais c’est possible. Et dans ce cas, l’élection serait amenée le jour même devant la Chambre des représentants.
Dans ce cas de figure, les délégations parlementaires se réunissent, État par État, et ils votent pour leur État. Comme il y a 26 délégations parlementaires où les républicains sont plus nombreux, ça fait 26 voix pour Trump et 24 pour Biden. Trump est réélu.
Extraits
C comme… Chambre des représentants
C’est la Chambre dite basse du Congrès. Elle compte 435 membres, élus pour deux ans sans limitation de mandats. (…) La Chambre peut jouer un rôle capital dans le cadre de l’élection présidentielle. Selon le douzième amendement de la Constitution, en cas d’égalité ou si aucun des candidats n’obtient une majorité absolue des voix au collège électoral, l’élection devient du ressort de la Chambre des représentants. Ce fut le cas à deux reprises, en 1800 et 1824.
D comme… Déclaration d’indépendance
Document rédigé par Thomas Jefferson, approuvé par le Congrès continental le 4 juillet 1776, et signé par les représentants des treize colonies britanniques d’Amérique, affirmant leur émancipation de la Couronne britannique et détaillant les raisons juridiques et morales de cette sécession (…)
T comme… Tarifs douaniers
La question des droits de douanes fut longtemps une question économique essentielle, qui divisa la société américaine. Les candidats à la présidence devaient choisir leur camp entre partisans de tarifs élevés, ce qui fut le cas des fédéralistes, des whigs puis des républicains ; et partisans de l’abaissement des barrières douanières, ce qui fut le cas des démocrates, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Depuis 1945, la question semblait résolue, tout le monde étant en faveur du libre échange (…) Donald Trump a bouleversé ce débat et remis les tarifs douaniers sur le devant de la scène. (…) Président républicain, Abraham Lincoln disait : « Donnez-moi des barrières douanières et je construirai la plus grande nation du monde ! »
Epoch Times : En termes de stabilité sociale, comment évoluerait la situation dans ce cas de figure ?
Gérald Olivier : Tous les médias crieront au vol, au coup d’État. La position de Donald Trump aux États-Unis est extrêmement difficile, car il a contre lui l’ensemble de l’establishment, les médias et les faiseurs d’opinions.
Si une telle procédure se produisait, vous auriez immédiatement, des manifestations dans la rue, et elles seraient violentes. Les démocrates crieraient à la dictature et au coup d’État. Tous les médias du monde entier, chez nous particulièrement, suivraient. Ce serait prendre un risque considérable aujourd’hui que d’envisager une telle issue pour cette élection. Donald Trump, président réélu, serait face à une situation quasi-révolutionnaire, insurrectionnelle dans un certain nombre de villes, qui rendrait la direction du pays très difficile.
Tant que Biden est déclaré vainqueur, vous avez la paix civile. Si demain c’est Trump qui bascule en tête, vous la perdez instantanément. Parce que les démocrates contrôlent la rue. Il n’y a aucun doute là-dessus. Les démocrates contrôlent la rue, et ils ont de véritables chiens enragés, rassemblés sous la bannière « antifa », qu’ils sont capables lâcher sur les institutions.
Je caricature à peine. Dans un certain nombre d’États, dans un certain nombre de villes, c’est exactement comme cela que ça se passe. Pour moi, tous les événements du printemps que l’on a voulu mettre au crédit de Black Lives Matter n’ont rien à voir avec l’antiracisme. C’est de la manipulation politique de base.
La mort du pauvre George Floyd a été détournée, manipulée, utilisée à des fins politiques. Ce qu’on a observé au printemps, c’était une mise en garde adressée aux électeurs américains : « Si vous réélisez Trump, vous aurez le chaos dans vos rues. »
C’était un moyen de pression supplémentaire. Donc tant que vous aurez Biden gagnant, vous aurez la paix civile, parce que la gauche contrôle ses extrêmes.
Epoch Times : Dans ce contexte de suspicion de fraudes, comment envisager les prochaines élections ?
Gérald Olivier : La question du vote par correspondance doit être tranchée avant les prochaines échéances nationales. C’est-à-dire qu’il y a deux ans pour que le Congrès ou la Cour Suprême intervienne pour mettre de l’ordre et unifier les systèmes en ce qui concerne les élections fédérales.
Actuellement, les élections sont gérées indépendamment par chaque État. Les règles électorales sont déterminées par les législatures de ces États. Elles diffèrent d’un État à l’autre. Tous les États n’agissent pas de la même façon, ce qui engendre confusion et suspicion.
La Floride a été en mesure de donner un résultat dans la nuit de l’élection, comme par hasard favorable à Donald Trump. Mais tous les États qui n’ont pas été en mesure de donner un résultat dans la nuit de l’élection se sont avérés favorables à Joe Biden (sauf la Caroline du Nord, mais son cas est différent, car elle a différé la communication du résultat pour tenir compte des bulletins de militaires en missions à l’étranger).
Pour l’Américain moyen, ce contraste-là pose un problème. Le vote par correspondance existe depuis plus d’un siècle et doit être conservé, mais il ne peut pas être généralisé, des bulletins de vote ne doivent pas être envoyés à des électeurs qui ne les auraient pas demandés, et tous les bulletins doivent être reçus avant le jour du scrutin et décomptés le jour même pour qu’il n’y ait aucune ambivalence, aucune ambiguïté sur le résultat.
Les républicains doivent impérativement faire en sorte que cette faille introduite dans le système par le vote par correspondance soit résolue. Sinon, en effet, ils risquent de ne pas gagner beaucoup d’élections à l’avenir. Le premier test va venir dès le début janvier 2021 avec le second tour des deux élections sénatoriales en Géorgie. La majorité au Sénat est en jeu. Les républicains, qui sont favoris pour les deux sièges, ne peuvent pas se permettre de se faire « voler » ces deux élections.
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