Gérard Plessis est maire d’une commune de 300 habitants dans l’Eure en Normandie. Dans un entretien à Epoch Times, il revient sur les enjeux auxquels les élus locaux doivent faire face et le sentiment d’abandon qu’ils peuvent ressentir face aux centres urbains.
Epoch Times : Pouvez-vous nous résumer votre parcours professionnel ainsi que d’élu local ?
Gérard Plessis : Concernant mon parcours professionnel, j’ai été technicien méthode dans l’industrie pharmaceutique. J’ai commencé mon parcours d’homme public en tant que conseiller municipal de 1987 à 1993 avant d’être élu maire de Villez-sur-le-Neubourg pour la première fois en 2001. C’est donc à ce moment précis que j’ai constitué mon équipe de onze personnes. Sur les onze conseillers, sept ont été élus et quatre proviennent d’une autre liste. Nous avons progressivement très bien intégré les quatre personnes de l’opposition. À la suite des élections municipales de 2008, j’ai été réélu et j’effectue actuellement mon quatrième mandat consécutif.
Qu’est-ce qui a motivé votre engagement auprès des populations ?
Quand je suis arrivé à Villez-sur-le-Neubourg en 1985, j’ai été séduit par le charme de ce petit village normand et lorsque l’on m’a proposé d’être conseiller municipal deux ans plus tard, j’ai accepté. Au départ, je ne connaissais pas grand-chose au milieu des élus locaux mais j’ai appris, notamment à travers ma première fonction de conseiller municipal et mes rôles dans les différentes commissions (école, transports scolaires, etc.). Par ailleurs, je me suis beaucoup renseigné auprès des élus de l’époque — qui étaient plus expérimentés par définition — en leur posant des questions sur le temps à consacrer à cette fonction en plus de mon métier dans le secteur privé. Je voulais bien faire les choses. Vous savez, ma devise a toujours été : « Quand on s’engage, il faut faire ».
Décrivez-nous l’essentiel de votre activité d’élu local : a-t-elle évolué depuis des années ? Si oui, comment ? Faites-vous face à de nouveaux défis ? tels qu’une bureaucratie envahissante par exemple ou la montée de la violence physique et verbale dans la société, ou bien encore le manque de considération de l’État à votre égard…?
Nous, le milieu rural, nous nous sentons un petit peu délaissés par rapport à l’urbain parce que nous avons l’impression de ne pas être servis de la même façon. Les subventions, nous en avons comme tout le monde, mais à un petit niveau. Par ailleurs, ce que je trouve très dommageable, c’est que depuis un certain nombre d’années, nous ne bénéficions plus de ce qu’on appelait les enveloppes parlementaires, c’est-à-dire une aide financière, d’un certain pourcentage provenant d’un député ou d’un sénateur. On recevait cette enveloppe en plus des subventions des départements, etc. Le gouvernement a supprimé cette enveloppe parlementaire, soi-disant parce qu’il y avait du clientélisme, mais je pense que c’est exagéré. Même s’il peut y avoir des dérives, les gens qui sont à ce niveau-là sont quand même responsables. Ils auraient très bien pu la laisser tout en l’encadrant mieux. J’estime que nous avons perdu beaucoup avec la suppression de l’enveloppe parlementaire, c’était appréciable pour notre budget, surtout pour les petites opérations adaptées à notre milieu rural.
En termes de nouveaux défis, je pourrais parler de ressources humaines, c’est effectivement de plus en plus difficile. Notre secrétaire de mairie doit être compétente dans plusieurs secteurs : urbanisme, comptabilité, décès etc. alors que dans les grandes villes, différentes personnes ont la charge de ces domaines. C’est une autre inégalité que nous subissons par rapport aux grandes métropoles. La dématérialisation est aussi un phénomène que nous avons du mal à suivre. Tout se passe sur Internet maintenant et le problème est que dans les milieux ruraux, nous n’avons pas toujours accès à un débit de qualité.
Au niveau des normes et de la bureaucratie, je dirais que quand il y en a des nouvelles, on s’adapte mais cela a toujours un coût. À titre d’exemple, quand des normes changent, nous sommes parfois dans l’obligation d’effectuer des travaux. Et là, je reviens à la suppression de l’enveloppe parlementaire, c’était une aide précieuse pour nous quand il s’agissait de s’adapter aux nouvelles normes. Donc nous les communes, nous avons la sensation d’être lésés là encore.
Pour ce qui est de la montée de la violence, elle est réelle. Le harcèlement aussi existe. Il y a des gens qui vous critiquent en permanence, vous dénigrent et qui, finalement, n’apportent jamais de solutions.
Ressentez-vous vous même une certaine désaffection, démobilisation, voire un ras-le-bol vis-à-vis de votre mandat ? Dans un entretien accordé au Figaro au début de ce mois d’avril, le président de l’association des maires de France David Lisnard déclarait que les démissions d’élus locaux atteignent un niveau jamais vu. Comprenez-vous cette augmentation des démissions d’élus municipaux ?
Oui tout à fait, notamment à cause de la violence et de la peur. Quand on pense que les violences contre les élus ont augmenté de 32 % entre 2021 et 2022, il y a de quoi s’inquiéter. Il faudrait que nous, les petits villages, puissions bénéficier d’une police municipale en plus de la gendarmerie nationale, notamment en cas de conflit avec un particulier. Pour vous donner un exemple, en cas de conflit avec une personne qui fait du tapage nocturne, les gendarmes n’ont pas toujours le temps d’intervenir. Pour autant, je suis conscient que cela nécessite des moyens financiers dont nous ne disposons pas toujours. C’est pour cela que je pense qu’il faudrait régler le problème avec plusieurs communes, en essayant de mettre en œuvre une sorte de police de proximité, mais ceci a un coût qui n’est pas supportable pour nos petits budgets.
Quelles seraient, selon vous, les solutions à apporter pour améliorer la situation ? en particulier pour endiguer la violence ? et pour améliorer la situation des élus locaux de manière générale ?
Je pense que les gens doivent être sanctionnés, punis financièrement. Vous savez, les gens violents ou ceux qui ne respectent pas la loi, quand on touche à leur portefeuille, ils commencent à réaliser qu’il faut faire attention. Une fois, j’ai eu affaire à un artisan qui déversait ses déchets de travaux le long d’une route. Avec la gendarmerie, nous avons été capables de remonter jusqu’à lui mais la justice n’a pas le temps de s’occuper de ces petits dossiers et c’est resté sans suite. De plus, étant maire d’une petite commune, nous n’avons pas de services de nettoyage. Ce sont les agents de la communauté de communes qui sont intervenus pour enlever les gravats au bord de la route. À l’époque j’ai chiffré le coût de l’intervention : environ 400 euros. À la fin, nos impôts servent à payer ces méfaits. C’est effectivement un problème de sanctions, donc de justice.
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