Régulièrement pris pour cibles dans les manifestations des « gilets jaunes », les reporters de BFMTV ont décidé de boycotter les ronds-points ce lundi, illustration des relations toujours plus tendues entre ce mouvement et les médias.
Samedi, une équipe de journalistes de la chaîne et leurs gardes du corps ont essuyé des coups lors d’une manifestation de « gilets jaunes » à Rouen, tandis qu’une de leurs collègues a été légèrement blessée sur les Champs-Élysées par un jet de pétards qui l’a délibérément visée, selon la rédaction.
Après ces nouveaux incidents, « l’ensemble du service reportage, appuyé par la rédaction, a décidé d’un commun accord de ne pas se rendre sur un rond-point ou une quelconque mobilisation du mouvement des « gilets jaunes » ce lundi en signe de protestation », selon un message des journalistes à leur direction.
URGENT. Les journalistes du service reportage de @BFMTV ont décidé de ne pas couvrir les actions des #GiletsJaunes" ce lundi pour protester contre les agressions subies ce weekend par plusieurs de leurs collègues (Source Société des journalistes de la chaîne) #UnPeuDeReposEnfin
— Olivier Biffaud (@bif_o) January 7, 2019
« Nous ne souhaitions pas donner la parole à des « gilets jaunes » ce lundi pour contester l’action de certains d’entre eux », a expliqué François Pitrel, président de la Société des journalistes de BFMTV, pour justifier ce « droit de retrait » des journalistes après ces incidents qu’il juge « extrêmement graves et inquiétants (…) pour la liberté de la presse ».
Une décision jamais vue dans l’histoire de la chaîne.
« Vu ce qu’il s’est passé ce week-end et les week-ends précédents, cette décision est compréhensible », a jugé le directeur général de la chaîne, Hervé Béroud, estimant que « cette expression de violence contre les journalistes et en particulier ceux de la chaîne est inédite ».
"Je crois que #France3 comme #BFMTV aujourd'hui ne se comportent plus comme des journalistes mais sont en fait les agences de communication officielles du gouvernement."
François Boulo, avocat et gilet jaune, dans l'émission #AuCombat#Giletsjaunes #Acte9 pic.twitter.com/HLsHKDaIHR— Le Média (@LeMediaTV) January 2, 2019
Ce nouvel épisode illustre la tension croissante entre les « gilets jaunes » et les médias, en particulier les chaînes de télé, des manifestations ayant été organisées ces dernières semaines devant les sièges de BFMTV et France Télévisions à Paris.
Ce mouvement est né sur les réseaux sociaux, et ses membres privilégient la communication directe via ces mêmes réseaux, et nourrissent pour beaucoup une grande méfiance voire une franche hostilité à l’égard des chaînes d’info, qu’ils jugent inféodées au gouvernement et/ou aux pouvoirs économiques.
Les journalistes de BFMTV on fait des stars de ces Gilets Jaunes. Avec le sentiment erroné qu'elles "faisaient de l'audience" alors que les français cherchaient-en vain- une information honnête.
Aujourd'hui ces stars prennent leur place. Juste retour de manivelle. https://t.co/5dWBNqIXzJ— Francis Back (@FrancisBack5) January 5, 2019
Et depuis le début des manifestations de « gilets jaunes », les journalistes de BFMTV, première chaîne d’info du pays et filiale du groupe Altice de Patrick Drahi, sont régulièrement pris pour cible, à l’instar d’autres médias. La chaîne, qui fait accompagner ses équipes sur le terrain d’agents de sécurité, dépose plainte systématiquement quand ses journalistes sont agressés.
Ces agressions compliquent singulièrement la couverture des événements par les médias, déjà difficile dans la mesure où beaucoup de « gilets jaunes » refusent de leur parler et n’hésitent pas à fustiger leurs camarades qui le font.
De façon globale, les journalistes sur le terrain peuvent se retrouver aujourd’hui pris entre le marteau et l’enclume, entre des manifestants qui leur sont ouvertement hostiles d’un côté, et des forces de l’ordre qui font parfois usage de la force (comme des tirs de lanceurs de balles de défense ou de grenades lacrymogènes, voire des coups de matraque) à leur encontre.
Devant @BFMTV et @France_Tele : "journalistes collabos" !
Des #GiletsJaunes vont maintenant en direction d'@Europe1 et autres médias dénoncer les #FakeNews quotidiennes des médias français depuis le début du mouvement et leur propagande gouvernementale.pic.twitter.com/IHVBMwwJ1v
— Collectif Carton jaune (@collCartonJaune) December 29, 2018
« Les journalistes se retrouvent pris en étau entre les violences de certains gilets jaunes et celles de policiers, alors qu’ils ne font qu’exercer leur mission d’information. Si le mouvement venait à se prolonger, les journalistes doivent pouvoir continuer à être témoins de cette mobilisation sans craindre pour leur sécurité », avait dénoncé la semaine dernière l’association Reporters sans frontières.
Lundi après-midi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel se réunissait pour examiner à nouveau la couverture médiatique des manifestations. En décembre, le régulateur des médias audiovisuels en avait appelé « à la responsabilité, lourde et complexe, des médias audiovisuels » tout en demandant au public d’être « attentif au respect du travail des journalistes et des équipes de reportage ».
D. S avec AFP
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