« Gilets jaunes » : un couvre-feu partiel après une flambée de violence à La Réunion

20 novembre 2018 18:26 Mis à jour: 30 avril 2021 15:01

Paralysée depuis quatre jours par le mouvement « des gilets jaunes », l’île de la Réunion est confrontée à une flambée de violences comme elle n’en avait plus connue depuis 1991 et qui a largement débordé la question du pouvoir d’achat.

Voitures brûlées, commerces incendiés, automobilistes rackettés et caillassés : la nuit a une nouvelle fois été émaillée d’incidents, poussant le préfet Amaury de Saint-Quentin à instaurer mardi un couvre-feu partiel sur la moitié des communes de l’île.

Jusqu’à vendredi au moins, il sera interdit d’y circuler entre 21H00 et 06H00, « une mesure forte, inédite » et « adaptée à cette menace », selon le préfet.

Depuis samedi, une partie de la population a littéralement pris les automobilistes en otage. Sur toute l’île lundi à 14H00 (11H00 à Paris), la Direction régionale des routes recensait 31 barrages, dans une ambiance tendue sur la plupart des sites, avec notamment des jets de pierres, des feux de poubelles, de pneus ou de palettes.

Barrages filtrants et barrages bloquants

Freedom, première radio locale, donne un bon aperçu du terrain en laissant la parole en direct toute la journée aux automobilistes, afin de mettre à jour les points de barrage. On distingue les barrages filtrants des barrages bloquants. Depuis samedi, de nombreux problèmes se sont posés car certains barrages ne laissaient même pas passer les services de secours et d’aide à la personne. Plusieurs automobilistes ont appelé la radio pour lancer un appel à les laisser passer, il s’agissait d’infirmières ou d’aide-soignants. Lundi, un feu avait été signalé sur les hauteurs de Saint Paul, en pleine savane, mais les automobilistes, impuissants, témoignaient que le barrage ne laissait pas passer le véhicule des pompiers.

En marge des barrages, des casseurs en ont profité pour saccager des commerces de proximité, en brisant leur grille, leur vitrine, voire en y mettant le feu. Des habitants ont pris la suite en allant piller les magasins saccagés par les casseurs. Cela s’est déroulé notamment à Saint Denis dans les quartiers Chaudron, Vauban, Providence et Camélias, majoritairement habités par les communautés mahoraise et comorienne.

Racket par les « gilets noirs »

Des gilets jaunes ont témoigné ne pas vouloir être associés à ces dérapages causés par, ce qu’ils appellent, les « gilets noirs ». Cette grogne, pacifique au départ, a rapidement dégénéré lorsque des bandes de jeunes ont commencé à organiser des blocages sur plusieurs grands axes et réclamer aux automobilistes un droit de passage allant de 5 à 20 euros.

« Ces marmailles (jeunes en créole réunionnais, ndlr) n’ont rien à voir avec notre mouvement. Ils rackettent les gens qui sont en train de demander à l’État une augmentation de leur pouvoir d’achat. C’est du n’importe quoi », s’insurge Jean-Jacques, un quinquagénaire employé du bâtiment au chômage depuis deux ans qui a participé samedi à un barrage filtrant des « gilets jaunes » au Port (ouest).

Marie Andrée, jeune mère de deux enfants, partage la même exaspération. « Ces jeunes décrédibilisent le mouvement du 17 novembre. En plus ils brûlent des poubelles, des voitures de particuliers eux-mêmes défavorisés », s’émeut-elle devant un supermarché vandalisé au Moufia, un quartier de Saint-Denis.

Cela n’empêche pas les nombreux points de blocage improvisés par ces gilets noirs, parfois cagoulés, qui provoquent la terreur sur la voie publique. Des automobilistes se sont plaints d’avoir été rackettés par ces jeunes qui ne font pas partie de l’opération des gilets jaunes. En effet, ils proposent de laisser passer contre des cigarettes ou de l’argent (de 20 à 50 €). Certains vont même jusqu’à ouvrir les portières des automobilistes et fouiller leur voiture.

Les gilets noirs n’hésitent pas à s’en prendre aux automobilistes qui refuseraient d’obtempérer. Samedi, ils s’en sont pris à une personne âgée de 70 ans, qui insistait pour passer le barrage. L’homme a été sorti de sa voiture de force et battu à mort. D’autres automobilistes, notamment des touristes, énervés par les blocages routiers, ont été également pris à parti et attaqués par les gilets noirs.

Saint-Denis-de-la-Reunion, le 19 novembre 2018. (RICHARD BOUHET/AFP/Getty Images)

Ambiance de terreur

L’ambiance est donc très tendue à La Réunion, où la situation a viré depuis quelques jours à l’insurrection. La population s’est rebellée et pris en otage la population elle-même.

Selon la préfecture, il y a eu une dizaine d’interpellations et cinq policiers ont été blessés. Des renforts de gendarmes mobiles sont arrivés lundi de Mayotte. D’autres étaient attendus, sans que la préfecture en précise le nombre.

De nombreuses mairies avaient donné pour consigne lundi soir la fermeture des établissements scolaires et d’accueil du public. Les lignes de bus sont interrompues et les ramassages des ordures également. Il a même été demandé à la population de ne pas laisser ses poubelles sur la voie publique, pour éviter que des casseurs les récupèrent pour y mettre le feu.

Ces mesures dénotent donc d’une ambiance de terreur, même si personne n’ose prononcer le mot. Le plus flagrant est l’absence de réaction de la part des forces de l’ordre et de la préfecture. Les mesures visant à rester chez soi, ne pas sortir ne sont pas une solution pour mettre fin à cette insurrection. On attend des mesures fortes de la part du préfet, en faisant intervenir par exemple l’armée afin d’assurer la sécurité de la population et identifier les casseurs.

Si cela n’est pas mis en place, il est à croire que la situation dégénère rapidement comme beaucoup de Réunionnais en parlent. Les conflits risquent notamment de se régler à la carabine ou à la machette…

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