ENTRETIEN – L’attaque terroriste du Hamas contre Israël puis l’attentat d’Arras ont réveillé les consciences endormies par les mensonges médiatiques, estime Gilles-William Goldnadel. Dans cet entretien, le célèbre avocat analyse les raisons de la complaisance de l’extrême gauche envers l’islamisme, le discours critique contre la stratégie de défense israélienne et la possibilité que les accords d’Abraham puissent ramener la paix au Moyen-Orient.
Epoch Times : Jeudi 12 octobre, sept jours après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et un jour avant l’attentat d’Arras, Emmanuel Macron a lancé un appel à l’unité. « Il eut été mieux inspiré d’annoncer aux Français l’organisation d’un référendum permettant la réforme constitutionnelle nécessaire pour stopper l’immigration », écrivez-vous dans Le Figaro. Comment expliquer cette persistance du refus à prendre les mesures nécessaires pour enrayer la cause à la racine du péril islamiste en France ?
Gilles-William Goldnadel : Je ne doute pas que M. Darmanin veuille agir contre ce danger. Mais jusqu’à présent, il n’y avait pas eu de réelle prise de conscience ; seulement le « en même temps » de M. Macron. Un président très verbal. Car Emmanuel Macron n’est pas dans l’action, il est dans la diction. Et ce problème ne concerne pas uniquement la gauche. La droite a aussi été largement coupable, empêchée par des barrières psychologiques, idéologiques : une sorte de surmoi qui considérait que lutter contre l’immigration était quelque chose de mal.
Avec cet attentat, je pense que ce temps est cependant révolu et que nous sommes désormais à deux doigts de voir arriver un référendum constitutionnel qui permettra de s’affranchir de la tutelle judiciaire de la Cour européenne des droits de l’homme, principal obstacle à la mise en œuvre d’une politique adaptée à l’enjeu. Cette étape est indispensable.
Hier, le Rassemblement national était diabolisé car accusé d’antisémitisme. Aujourd’hui, le parti à la flamme est diabolisé car il soutient les juifs d’Israël, comme on a pu le voir dans un article du Monde le 18 octobre. Que vous inspire ce traitement médiatique ?
Une sorte d’amusement. Il y a une double rage derrière cet article reprochant au RN de défendre excessivement les juifs israéliens sous prétexte qu’il y a des victimes palestiniennes. Tout d’abord, parce que la dédiabolisation du RN est un coup très dur pour l’idéologie du Monde. Comme il n’y a qu’un seul diable et que le diable semble être aujourd’hui davantage la France insoumise, pour Le Monde, c’est une première catastrophe.
La seconde catastrophe, c’est de les voir défendre Israël. Pourtant, devant des massacres qui n’ont jamais été perpétrés ainsi depuis la Shoah, ce n’est pas faire preuve d’un sionisme excessif pour un parti qui ne serait pas antisémite que d’apporter un soutien à l’État juif.
Le 27 juillet 1943, le diplomate nazi Rudolf Schleier câblait à Berlin que « la grande majorité des partisans de la politique de collaboration vient de la gauche française ». Aujourd’hui, chez beaucoup à gauche, on reprend souvent aveuglément la propagande du Hamas, on invite le rappeur Médine aux journées d’été d’EELV, on flirte avec le communautarisme islamiste antisémite… D’une certaine façon, peut-on y voir une répétition de l’histoire ?
Très sincèrement, ce n’est pas ma lecture personnelle. Que la gauche n’ait jamais brillé par son patriotisme, c’est une évidence. Qu’elle n’ait jamais été particulièrement philosémite, c’est entendu. Pour autant, ma vision depuis des années, c’est que Jean-Luc Mélenchon n’est pas animé par un cynisme purement électoraliste. Que ce soit par islamo-gauchisme ou par islamo-wokisme, je pense que l’extrême gauche est enfermée dans une détestation pathologique de l’Occident blanc.
D’ailleurs, l’extrême gauche me regarde comme un blanc au carré. Pourquoi ? Car les juifs sont ceux qui défendent le plus âprement un État nation occidental. Alors que le noir et l’arabe sont racisés, vous remarquerez que le juif, qui pourrait quand même prétendre être victime du racisme, curieusement, ne l’est pas. Pourquoi ? Car il est perçu comme un super-Occidental.
Dans une tribune à Epoch Times, Victor Davis Hanson, historien et chercheur principal à l’université de Stanford, critique la levée des sanctions des Etats-Unis contre l’Iran et la reprise par Joe Biden des subventions massives versées à la Palestine, ce malgré les avertissements du département d’État quant à leur utilisation pour le financement du terrorisme du Hamas. Il n’hésite pas à accuser l’administration du président américain d’avoir « du sang sur les mains ». Partagez-vous cette analyse ?
Je trouve que c’est une vision excessive des choses. Que l’administration démocrate n’ait pas été d’une virulence particulière par rapport à l’Iran, je suis le premier à le déplorer. Mais je n’irai pas jusqu’à y voir un rapport de cause à effet absolu avec l’initiative du Hamas. Permettez-moi de dire que je considère la responsabilité des services secrets israéliens bien plus grande. Ils ont failli. D’ailleurs, eux-mêmes le reconnaissent humblement.
D’autre part, depuis plusieurs mois, celui qui vous parle était affligé par l’état de la société israélienne, tiraillée par la désunion entre les woke de Tel Aviv, qui ne sont pas des grands va-t-en guerre, et les juifs orthodoxes de Jérusalem, qui ne veulent pas faire l’armée. Le tout ne s’aimant pas beaucoup les uns les autres. Au sein du Hamas, je pense qu’il ne fallait pas sortir de Saint-Cyr pour y voir un ventre mou. Mais à quelque chose malheur est bon : ma seule consolation — très partielle —, c’est que le Hamas aura réussi le prodige de ressouder une société désunie.
L’armée israélienne a demandé aux habitants de la Bande de Gaza de se diriger en direction de la zone humanitaire située dans le sud. Vous estimez hypocrites les critiques formulées contre cette évacuation de la population civile.
Dès les premiers jours, après les massacres perpétrés par le Hamas, la France de M. Macron a expliqué dans l’émotion qu’Israël avait le droit de se défendre. Si Israël a le droit de se défendre pour éliminer le Hamas, alors il faut s’en donner les moyens, ce qui est impossible sans opération terrestre. Il se trouve que nous faisons face à une guerre urbaine dans laquelle les terroristes du Hamas utilisent des boucliers civils. Si j’éprouve pour certains habitants de Gaza une sympathie limitée, car c’est la population de Gaza qui a voté pour le Hamas et la plupart y sont favorables, les enfants de Gaza ne sont pas responsables de l’attitude de leurs parents. Puisque rien ne pourrait justifier qu’on cible délibérément les enfants de Gaza et la population civile en général, les Israéliens font tout pour les protéger. Je dis bien tout. C’est dans ce cadre – éviter que les habitants ne servent de boucliers humains — que la population de Gaza du Nord a été invitée à descendre dans le Sud.
Mais même cet évitement pour prévenir d’éventuelles victimes collatérales a été présenté comme une infamie : demander aux habitants de se déplacer, cela suscite leur inconfort. Alors que l’opération terrestre n’a même pas commencé, on est presque en train de renvoyer dos à dos le massacre du kibboutz de Beeri et l’inconfort de la population civile de Gaza… Je ne sache pas qu’on ait traîné l’Angleterre et les États-Unis devant le tribunal de Nuremberg après les bombardements épouvantables sur la France occupée ou l’Allemagne hitlérienne. Alors qu’Israël fait infiniment plus pour protéger les populations civiles, même cet évitement est critiqué. Cette martyrologie complètement démentielle et malsaine, cette hypocrisie qui, en vérité, revient à empêcher les Israéliens de se défendre et d’éliminer le Hamas, j’entends bien la dénoncer.
Dans un entretien avec Epoch Times, le rabbin Aryeh Lightstone, ancien conseiller principal de l’ambassadeur des États-Unis en Israël, David Friedman, estimait que les accords d’Abraham lancés à l’initiative de l’administration Trump sont une clé indispensable pour ramener la paix et la prospérité au Moyen-Orient, mais aussi pour contraindre les Palestiniens, soutenus par les États musulmans, à accepter de se montrer raisonnables dans les négociations. Qu’en pensez-vous ?
Les accords d’Abraham sont très importants. Je m’en suis réjoui et serais ravi qu’il y ait des accords avec l’Arabie saoudite, car, effectivement, ils contribuent à desserrer le carcan autour de l’État d’Israël.
Pour ma part, je ne suis pas très favorable aux implantations. Si cela n’avait tenu qu’à moi, je n’en aurais pas installé, bien que j’aurais certes gardé les territoires contestés en mettant l’armée, pendant un siècle s’il le fallait. Les implantations, à ce stade-là maintenant, sont un frein à un éventuel accord avec la partie arabe palestinienne. Cela étant, je n’ai pas la religion des territoires : si les juifs très religieux dans le cadre d’un hypothétique accord avec la partie d’en face veulent aller prier à Hébron, eh bien, ils iront. Cela ne change rien à la donne.
Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il s’agit d’un raisonnement très intellectuel, car Israël n’a jamais eu véritablement d’interlocuteurs lors des négociations. Que ce soit le Hamas – inutile de développer ce point longuement, puisque leur ambition est de détruire Israël mais aussi les juifs qui s’y trouvent — comme l’autorité palestinienne. Elle n’a jamais vraiment accepté un partage territorial définitif. En constatant qu’il est difficile d’en terminer avec l’État juif, elle a pu, certes, accepter un stade transitoire, et peut-être pourquoi pas un État binational où on aurait toléré les juifs, mais cette entité considère aussi que la Palestine est arabe ou musulmane. Aussi, nous n’avons jamais eu vraiment d’interlocuteurs. La réalité, elle est là.
Une guerre d’influence se joue entre les États-Unis et la Chine au Moyen-Orient. Si les États-Unis soutiennent Israël, le Parti communiste chinois n’a pas condamné le caractère terroriste de l’attaque perpétrée par le Hamas et assume désormais un positionnement favorable aux Palestiniens. Comment l’analysez-vous ?
Je ne suis pas étonné. C’est la grande explication entre l’Occident et les autres. Pour moi, la surprise sur le plan géopolitique, et elle est de taille, c’est la Russie. Pendant des années, j’ai tenu la Russie non-soviétique comme décidée à défendre l’Occident judéo-chrétien. Or, on s’aperçoit que Poutine s’est finalement décidé à faire alliance avec les anti-Occidentaux. La Russie s’est donc asiatisée. Artificiellement sans doute. La partie qui se joue en Ukraine joue à ce titre un rôle très important.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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