Gilles-William Goldnadel : « Puisqu’il défend son État-nation, le juif appartient désormais aux peuples blancs coupables privilégiés »

Par Etienne Fauchaire
20 mars 2024 19:47 Mis à jour: 15 avril 2024 14:06

7 octobre : « Nous sommes en guerre. » Depuis cette date qui a résonné comme un coup de tonnerre, Gilles-William Goldnadel s’est consacré à la chronique des deux premiers mois du conflit israélo-palestinien dans un essai décapant : son « Journal de guerre ». Sans fard, le célèbre avocat partage ses réflexions les plus aiguisées, ses émotions les plus brûlantes, face à une guerre qui se joue autant sur le champ de bataille que dans l’arène médiatique. Debout contre l’antisémitisme et l’islamisme, contre le racisme anti-Blancs et les dérives de l’idéologie gauchiste, Gilles-William Goldnadel a choisi de rester combattre, à Paris. Armé de sa parole tranchante et de sa plume incisive, il mène, verbe affûté, une « guerre totale » pour tenter de sauver avec la force du désespoir un « Occident qu’on assassine ».

Epoch Times : Le 7 octobre marque pour vous un point de non-retour. Qu’est-ce qui vous a incité à entreprendre l’écriture d’un journal de guerre et comment expliquez-vous son succès, qui le place désormais en tête des ventes en France ?

Gilles-William Goldnadel : Dans l’état de sidération dans lequel je me trouvais au moment du Grand Pogrom, j’étais dans l’incapacité de prendre la moindre décision. C’est mon éditrice chez Fayard, Isabelle Saporta, qui m’a soufflé l’idée d’écrire un journal. Sans hésiter une seule seconde, je me suis lancé dans cet exercice journalier non pas tant pour le grand public que pour apaiser, dans la mesure du possible, ma peine et mes colères.

Cet ouvrage, je l’ai immédiatement intitulé Journal de guerre. Entre 20 h et 21 h, je livrais une guerre télévisuelle sur le plateau de CNews chez Pascal Praud, puis, de 23 h à 2 h du matin, ma guerre de diariste dans les pages de mon journal. Ce travail ne se limitait pas uniquement à commenter la guerre sur le terrain, mais aussi à commenter le commentaire de cette guerre.

Le succès de ce livre à sa sortie s’est révélé inattendu. Mais pas inexplicable. Comme je l’explique dès son sous-titre, c’est « l’Occident qu’on assassine » : les Français et les Israéliens se trouvent aujourd’hui dans le même bateau, communément haïs par cette extrême gauche islamo-woke. Aux yeux des partisans de l’idéologie gauchisante, l’Israélien, puisqu’il défend bec et ongles son État-nation, est perçu comme un Blanc nationaliste. C’est pourquoi le juif n’appartient désormais plus aux peuples victimes racisés malgré ses états de sévices, mais aux peuples blancs coupables privilégiés, qu’il convient de détester. Aussi, il ne faut pas s’étonner que les lecteurs ne se soient pas limités à un cercle communautaire étroit, mais aient été nombreux à rejoindre un cercle national très large.

Dans votre ouvrage, vous évoquez deux « ennemis implacables du juif » : l’antisémite classique et le philosémite déçu. Pourriez-vous développer ce concept afin de montrer en quoi ce « nouvel antisémitisme » explique selon vous la guerre médiatique menée contre Israël par des médias comme le Monde en France et le New York Times aux États-Unis ?

Le philosémitisme déçu est une catégorie à part entière de l’antisémitisme. Si l’on examine l’antisémitisme non pas au niveau de ses causes mais de ses effets, il est indéniable que le philosémite déçu a causé autant de tort, sinon davantage, que l’antisémite de bas étage qui sévissait durant les années 30.

Son prototype le plus emblématique et le plus caricatural porte des moustaches : il se nomme Edwy Plenel. L’ancien patron de Mediapart, qui se réjouissait dans la revue Rouge du massacre d’athlètes israéliens à Munich en 1972, fait partie de ceux qui vénèrent le juif mort en pyjama rayé et abhorre son exact contraire, le juif en uniforme kaki.

Dans notre monde post-chrétien, le premier incarnait pour la gauche philosémite une figure christique. Il ne se défendait pas, ne souriait pas, ne tuait pas et sa Shoah a été vécue comme une nouvelle crucifixion. A contrario, le second est vivant, il se défend et il lui arrive même de tuer, comme tout guerrier, par obligation. Si le juif déporté est Jésus, l’Israélien, c’est Judas. Un traitre à cet idéal post-chrétien.

L’analyse est à pousser encore plus loin. Le juif israélien est considéré comme l’héritier en extrême droite ligne du gestapiste. La génération de mai 1968 a été celle qui a pris en pleine face la révélation des crimes de la Shoah. L’explosion médiatique à retardement survenue au milieu des années 60 sur le drame de l’holocauste a provoqué un séisme fondateur, donnant lieu par la même occasion à une confusion mentale chez les mêmes qui hurlaient le fameux slogan « CRS-SS ». Il a ainsi fallu faire porter le chapeau de l’origine du Mal à la structure de l’État-nation moderne, à commencer par l’armée et la police. Plus profondément, c’est l’homme occidental qui serait désormais haï.

Chez les gauchistes post-chrétiens qui ont travaillé nos médias durant 50 ans, il existe une sourde honte de porter la même couleur de peau que le personnage faisant figure d’anti-Christ idéal : Adolf Hitler. Et du racisme pratiqué par les Blancs nous sommes donc passés au racisme anti-Blancs assumé. Pour son malheur médiatique, Israël, avec Tsahal, est devenu le dernier des maudits Blancs. Un Blanc au carré ! Le drame du juif, c’est sa boiterie face à l’histoire : à l’époque du nationalisme triomphant, il était apatride, et voilà qu’à l’heure du « dénationalisme », il est celui qui défend un État-nation occidental ghettoïsé, pogromisé et nazifié.

Et dès l’instant où le juif a déchu d’être une victime, dès l’instant où il est devenu blanc en protégeant ses frontières et en remportant des victoires militaires, le Palestinien a remplacé dans ce fantasme délirant l’héritier du juif en pyjama rayé.

Certains islamistes présents sur le sol français à la suite des vagues d’immigration successives au cours des dernières décennies ont pourtant tenu un rôle de bourreau, comme ce fut le cas lors des tueries de Mohamed Merah, de Charlie Hebdo, au Bataclan, à Nice… Comment analysez-vous cette mansuétude de l’extrême gauche médiatique à leur endroit ?

Vous êtes ici sur le terrain des faits, sur lequel il est indubitable que ces musulmans-là se sont conduits comme d’horribles bourreaux. En revanche, aux yeux de l’idéologie médiatique encore assez dominante, ils sont peut-être coupables, mais pas détestables.

Les autorités d’occultation font d’ailleurs tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter d’aborder les exactions commises par des non-Blancs, quand elles ne leur trouvent pas des circonstances atténuantes. Pourquoi taisent-elles les viols commis sur des femmes par des migrants sous OQTF ? Tout simplement parce que ces victimes n’ont pas été violées par des mâles blancs détestables. C’est la seule grille de lecture qui puisse nous permettre de comprendre le drame qui nous arrive.

Dans votre ouvrage, vous ne manquez pas d’étriller l’attitude d’Emmanuel Macron dans ce conflit opposant Israël au Hamas. Vous lui reprochez son refus de participer à la marche contre l’antisémitisme organisée le 12 novembre 2023 et d’avoir « retourné sa veste » au sujet du Hamas. Après avoir appelé à éradiquer le groupe terroriste dans le cadre d’une coalition internationale et affirmé « faire de la question des otages une priorité », le chef de l’État français a voulu lui « sauvé la mise » avec son appel sur la BBC en faveur d’ un cessez-le-feu sans conditions et a placé « symboliquement Israël du côté des nazis du Hamas » en évoquant les « bébés de Gaza » : « Macron vient définitivement de changer de trottoir » et se montre « plus ferme envers Israël qu’envers l’Algérie », écrivez-vous. Comment analysez-vous ce revirement de position ?

Au fil des articles que je commets dans le Figaro, j’ai fini par taxer ce président de la République d’être atteint de schizophrénie politique tant il dit tout et son contraire. Au début de son premier mandat, je l’avais comparé à la chauve-souris de la fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes, je suis souris, vive les rats ! » Mondialiste le lundi soir, il prétend lutter contre l’immigration le mercredi matin, bascule à gauche l’été avant de virer à droite en hiver. Il s’agit de mon analyse psychologique.

Toutefois, je pense qu’il a été sincèrement troublé par ce qu’il a vu en Israël lors de son déplacement à Tel Aviv en octobre dernier et qu’il était convaincu par son discours sur place, pour autant qu’il s’en souvienne. Cependant, il y a une donnée importante à prendre en compte pour comprendre ce qu’il s’est produit à son retour en France : la démographie. Notre pays compte une population musulmane d’approximativement 10 millions de personnes. En outre, une partie non négligeable des Français partage des idées se situant à l’extrême gauche. Selon l’Ifop, 43 % des premiers tiennent un mouvement qui décapite les bébés et qui éventre les femmes pour « résistant », tandis que les seconds épousent les thèses maximalistes de détestation de l’Occident blanc. Le président de la République, qui a connu les émeutes au mois de juin, craint la rue arabe et l’extrême gauche complice.

On sait à présent que Yassine Belattar, condamné pour menaces de mort et connu pour ses accointances avec les islamistes, est passé faire un tour à l’Élysée juste avant cette marche contre l’antisémitisme. Qui s’est d’ailleurs finalement révélée bien timide. Il n’y avait même pas de slogans « À bas le Hamas » ou « À bas l’antisémitisme islamiste ». Malgré son ambiance « bon enfant », Emmanuel Macron a donc décidé de ne pas s’y rendre, justifiant ce choix par sa volonté de préserver l’unité nationale : « Protéger les Français de confession juive, ce n’est pas mettre au pilori les Français de confession musulmane », a-t-il déclaré. S’est-il seulement rendu compte de ce que signifie implicitement cette affirmation ? Emmanuel Macron nous explique donc en creux qu’une partie de la communauté musulmane serait antisémite et que celle-ci verrait le parrainage par le chef des Français d’un simple défilé contre l’antisémitisme comme une déclaration de guerre. Terrifiant renoncement contre la loi du nombre et de la violence.

Vous revenez également dans votre ouvrage sur l’antisémitisme de la gauche dans l’histoire, en rappelant par exemple les propos d’un Jean Jaurès, de façon à montrer qu’il s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui dans la figure symbolique d’un Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, les partisans de l’idéologie diversitaire dominante traquent uniquement le seul antisémitisme à droite, faisant l’impasse sur les propos anti-juifs tenus par des figures historiques de la gauche. Comment expliquez-vous ce double standard ?

Par le privilège rouge. C’est une grande chose que le privilège rouge… Celui-ci vous donne pratiquement tous les droits, y compris le droit à l’amnésie. On oublie étrangement vite, par exemple, les horreurs écrites par un Sartre ou bien le fait qu’il ait collaboré pendant la Seconde Guerre mondiale. Tout comme Simone de Beauvoir d’ailleurs. L’antisémitisme d’un socialiste comme Jean Jaurès passe comme une lettre à la poste, tandis que celui d’un Daudet, d’un Céline ou bien d’un Rebatet est largement vilipendé. Je suis prêt à oublier bien des choses appartenant au passé. En revanche, je me refuse à laisser se faire cette sélection par laquelle seule l’antisémitisme d’extrême droite serait documenté, tandis que l’antisémitisme d’extrême gauche serait oublié. Ce point est d’autant plus capital que c’est la seconde qui est à la pointe du combat antisémite. La réalité est là.

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