Good Bye Staline! Le métro de Moscou abandonne le style soviétique

30 décembre 2018 14:14 Mis à jour: 30 décembre 2018 14:20

Il est réputé pour le faste de ses stations en marbre aux chandeliers géants et aux mosaïques colorées, mais l’expansion du réseau du métro de Moscou a conduit les architectes à prendre le parti radical de s’éloigner du style soviétique.

Les premières stations du métro moscovite, ouvert sous Staline en 1935, devaient être comme des « palais pour le peuple ». Près de 100 ans plus tard, les projets du 21e siècle sont beaucoup moins formels, entre sièges lumineux futuristes et motifs sur verre imprimés laser. En rupture avec la tradition, la mairie de la tentaculaire capitale russe a autorisé des architectes indépendants à présenter des projets s’écartant de la norme. Les concours ont parfois été accompagnés d’un vote du public via une application mobile.

Ces changements ouvrent la voie à des stations « originales qui s’éloignent des traditions », souligne la journaliste spécialiste en architecture Nina Frolova. La première de 15 nouvelles stations a ouvert en août dans la banlieue de Solntsevo, autrefois connue comme un bastion de la mafia. Les architectes moscovites Nefa ont remporté le concours avec un projet inspiré par la lumière du soleil, qui donne son nom à ce quartier de l’ouest de Moscou.

« Nous voulions laisser entrer le soleil » dans la station, explique l’architecte en chef de Nefa, Dmitri Ovtcharov, qui a foré des trous dans les murs de l’entrée pour « créer un effet d’ombres et de lumière » tandis que sur les quais, des cylindres lumineux servent de sièges aux voyageurs.

Pour Nina Frolova, directrice éditoriale du site Archi.ru, la station de Solntsevo est un exemple flagrant de ces nouvelles tendances qui mettent en valeur un design plus épuré, une ambiance plus lumineuse, des thèmes simples liés à l’emplacement de la station ou à son nom. Un style adopté de longue date par les architectes du monde entier mais qui constitue une petite révolution pour le métro de Moscou, longtemps attaché à son style réputé dans le monde.

La station en construction Rjevskaïa ressemble à un vaste vestibule lumineux bordé d’arches ouvrant sur les rames, référence au rôle de porte sur la ville que jouait la place sous laquelle elle se trouve. L’idée était d’avoir une ambiance « sans décoration excessive », à l’image « des temps nouveaux », explique Tatiana Leontieva, du bureau moscovite Blank Architects.

« Le concours a eu une grande résonance, pas seulement pour la scène architecturale russe mais également à l’étranger, car il y avait du monde pour s’intéresser à un site comme le métro de Moscou », relève-t-elle.

A sa conception, le métro historique fut un chantier monumental, construit pour être un exemple de qualité et de solidité. Il devait symboliser la grandeur de Staline et de la toute jeune URSS, permettre d’éduquer les masses sur l’histoire soviétique, racontée en mosaïques au sortir d’une rame, et pouvoir servir de bunker si besoin.

Les nouvelles stations,  plus de 50 sont prévues dans les cinq ans à venir, se veulent plus confortables et fonctionnelles pour les passagers, et moins impressionnantes. Les architectes regrettent cependant que la qualité ne suive pas toujours, à l’image des grands chantiers qui ont changé le visage de Moscou ces dernières années, critiqués pour avoir été réalisés à la va-vite afin de tenir les délais, voire associés à des accusations de corruption ayant abouti au choix de matériaux moins coûteux.

Pour la station Solntsevo, « c’était réellement une bataille permanente pour la qualité », raconte Dmitri Ovtcharov, se plaignant de motifs mal imprimés et de lumières qui marchaient mal. Quant à la station Novoperedelkino, ses plafonds massifs en verre se sont fracturés. « Même si un dessin peut sembler beau, il peut être incompatible avec toute la technologie du métro », a récemment averti Alexandre Orlov, un des architectes de l’entreprise publique Metroguiprotrans, qui avait le monopole de l’architecture du métro moscovite.

Pour autant, Metroguiprotrans se modernise aussi. Les dernières stations qu’elle a dessinées comprennent des motifs imprimés laser ou des panneaux d’aluminium colorés. L’entreprise publique est ainsi à l’origine de la station Fonvizinskaïa qui affiche sur des panneaux 3D des personnages des pièces de théâtre de l’écrivain Denis Fonvizine  qui donne son nom à la station.

« C’est la première fois au monde que quelque chose comme ça a été fait. Je ne pensais jamais que je m’attaquerais au métro. C’est de l’art monumental », affirme leur créateur, l’artiste digital Konstantin Khoudiakov. Les réactions des usagers sont variées. Professeure, Lioudmila ne se soucie pas du décor mais se réjouit que son quartier soit désormais relié au métro.

Un moyen d’expression artistique: voilà ce que doit être le métro, estime au contraire Konstantin Khoudiakov. « Il n’y a pas assez d’art. Les gens en sont privés. Alors qu’il y ait au moins de l’art dans le métro. »

D.C avec AFP

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