GPA : la décision de la Cour de cassation rappelle les dangers de la marchandisation du corps humain

Par Ludovic Genin
22 novembre 2024 07:09 Mis à jour: 22 novembre 2024 15:44

La Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire en France, a indiqué la semaine dernière qu’il était possible de reconnaître dans le droit français le lien de filiation entre un enfant né d’une GPA à l’étranger et son parent d’intention avec lequel il ne partage pas de lien biologique.

Les conditions d’exploitation de la GPA à l’étranger, d’une part, ne respectent pas les lois françaises qui l’interdisent et d’autre part, il est impossible aujourd’hui d’en connaître les conditions exactes de commercialisation et de prise en charge de la mère porteuse. C’est pourquoi en avril 2024, le Parlement européen adoptait un texte se positionnant contre le trafic d’êtres humains, y incluant le mariage forcé, l’adoption illégale et l’exploitation de la GPA.

En 2019, l’Assemblée nationale rejetait toute reconnaissance automatique de la filiation d’enfants conçus par GPA dans un pays étranger où la pratique est autorisée –  le gouvernement rappelant son refus d’ « ouvrir une brèche dans la prohibition de la GPA ». Cet amendement faisait suite à un autre cas de reconnaissance de la filiation d’une GPA effectuée à l’étranger par la Cour de cassation.

La dernière décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation s’est prononcée le 14 novembre sur le cas d’une femme seule ayant eu recours au Canada à une gestation pour autrui (GPA), procédure interdite en France. Cette femme n’a pas de lien biologique avec l’enfant né de la GPA car il a été conçu à partir de dons de gamètes mâle et femme.

La justice canadienne l’a déclarée « mère légale de l’enfant » et elle a ensuite demandé à la justice française de reconnaître la filiation. Une cour d’appel française avait initialement reconnu la décision canadienne. Toutefois, le procureur général a formé un pourvoi en cassation estimant que cette décision était contraire au droit français car elle établissait un lien de filiation entre une femme et un enfant n’ayant aucun lien biologique.

La Cour de cassation a, elle, au contraire, estimé que « l’absence de lien biologique ne heurte aucun principe essentiel du droit français ». Elle rappelle dans sa décision que le droit français permet d’établir « des filiations qui ne sont pas conformes à la réalité biologique », par exemple lorsqu’un couple a recours à une assistance médicale à la procréation avec dons de gamètes ou lorsqu’un homme reconnaît un enfant sans être son géniteur.

La Cour de cassation a également rappelé que dans tous les cas, le juge français doit effectuer des vérifications avant de reconnaître une décision de justice étrangère, notamment l’absence de fraude et le consentement des parties à la convention de GPA.

En France, la GPA est interdite et pénalement condamnée

La pratique de la GPA consiste à implanter un embryon dans l’utérus d’une «mère porteuse» en échange d’une compensation financière.

En France, cette pratique est interdite par la loi du Code civil de 1994 relative au respect du corps humain. L’article établit que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Selon la loi, les commanditaires d’une GPA se rendent coupables de « délit d’incitation à abandon d’enfant ». En conséquence, jouer le rôle d’intermédiaire, dans un but lucratif, entre un individu ou un couple « désireux d’accueillir un enfant », et une femme « acceptant de porter en elle cet enfant » est puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende.

Selon l’association de défense des Droits des Enfants, la GPA réalise toujours « une forme de contrainte, qu’elle soit économique, affective ou familiale, et une forme de tromperie, qui consiste à faire croire aux mères porteuses qu’elles ne seraient pas les mères des enfants qu’elles mettent au monde ».

Selon Aude Mirkovic, porte-parole de l’association Juristes pour l’enfance, « une fois importés sur le territoire français, les faits tombent sous le coup de la loi pénale ». Les opposants à la GPA y voient non seulement une exploitation du corps de la femme qui « loue » son ventre contre rémunération, mais aussi une « chosification » de l’enfant à naître, qui devient l’objet d’un contrat et sera « abandonné » par sa mère à sa naissance.

L’exploitation de la GPA et la traite des êtres humains en Europe

Les députés européens ont voté le 23 avril 2024 (563 voix pour, 7 voix contre) un texte qui vise à renforcer la coordination des autorités dans le domaine de la lutte contre la traite des être humains, et à mieux protéger et soutenir les victimes.

« Il convient d’inclure l’exploitation de la gestation pour autrui, du mariage forcé ou de l’adoption illégale dans les formes d’exploitation […], dans la mesure où les éléments constitutifs de la traite des êtres humains sont réunis », indique le texte précisant sur la GPA que la directive « cible les personnes qui forcent les femmes à être mères porteuses ou qui les amènent à agir ainsi par la ruse ».

Selon le texte européen, la traite des êtres humains a différentes causes profondes. « La pauvreté, les conflits, les inégalités, la violence à caractère sexiste, l’absence de possibilités d’emploi viables ou de soutien social, les crises humanitaires, l’apatridie et la discrimination » comptent parmi les principaux facteurs qui rendent les personnes, en particulier les femmes, les enfants et les membres de groupes marginalisés, vulnérables à cette traite des êtres humains.

La question de la marchandisation du corps humain

Si l’on tire le fil de la GPA, les questions et les implications relatives à la marchandisation du corps humain et à la traite d’êtres humains sont nombreuses.

L’ouverture de la GPA dans certains pays a vu l’apparition de trafics parallèles dans certains autres pays moins attachés aux questions éthiques de l’Occident. Des fermes de mères porteuses sont, par exemple, apparues en Inde, profitant de la précarité de femmes devenant des « machines à gestation », hébergées dans des établissements peu scrupuleux.

L’Ukraine, avant la guerre avec la Russie, était considérée comme le principal centre européen de la GPA et le deuxième au monde après les États-Unis. Il est un des rares pays au monde où la GPA commerciale est autorisée pour les étrangers. Selon des estimations citées par Le Monde, 2000 à 4000 enfants y naîtraient chaque année (des estimations sous-évaluées), pour des clients résidant en Chine, aux États-Unis et en Europe. Les enfants coûteraient autour de 40.000 euros, selon Le Parisien.

Cette question de la marchandisation du corps humain et du respect du droit français à l’international ne s’arrête pas à la seule gestation pour autrui. Depuis plusieurs années, elle s’est étendue au commerce d’organes, implanté dans des pays loin de respecter les mêmes normes bioéthiques que la France.

En Amérique du Sud, aux Philippines, au Pakistan, au Kosovo, s’est ainsi développée une « mafia des organes » tenue par le crime organisé. En Chine, cette commercialisation du corps humain est sans commune mesure, organisée à grande échelle par le régime communiste depuis les années 2000, ciblant les prisonniers de conscience considérés comme une banque d’organes, et alimentant le tourisme mondial de transplantation d’organes.

Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la traite des êtres humains est même l’une des activités illicites les plus lucratives en Europe. Elle rapporterait environ trois milliards de dollars par an aux groupes criminels.

Comme pour le trafic d’organes, il y a une nécessité de traçabilité de la traite d’êtres humains faite à l’étranger, pour éviter à l’UE et à la France de participer à la marchandisation du corps humain. Le droit français ou le droit européen devrait aussi s’appliquer quand ces crimes, tels que définis par l’UE et la France, sont commis par leurs ressortissants à l’étranger.

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