Les écoles de Rafina, dans la banlieue d’Athènes, bourdonnent d’une activité inhabituelle en plein été : débordant de nourriture et de vêtements triés par des dizaines de volontaires, elles témoignent du vaste élan de solidarité avec les rescapés des incendies meurtriers de lundi.
« Vous voyez cette jeune fille, sa maison a brûlé, eh bien elle est là tous les jours parmi les bénévoles », explique Anastasios Moustikadis en désignant une adolescente qui range des bouteilles d’eau.
Ce quadragénaire, qui organise la gestion des dons dans une école primaire provisoirement transformée en entrepôt, a lui-même perdu l’un de ses plus proches amis dans les incendies qui ont réduit en cendres le village côtier de Mati, voisin de Rafina.
« J’irai à ses obsèques dimanche, c’est la seule pause que je m’accorderai », assure M. Moustikadis, interrompu à chaque instant par l’arrivée de volontaires venus charger dans leurs véhicules des dons à distribuer aux sinistrés.
Dès les premières heures qui ont suivi la nuit tragique de lundi, durant laquelle plus de 80 personnes ont perdu la vie, asphyxiées par la fumée, brûlées vives par les flammes, ou noyées dans la mer, un vaste élan de solidarité a gagné tout le pays.
« Le territoire de Mati ressemble à une zone de guerre, c’est indescriptible », raconte Zoi Pantelidou, 26 ans, qui depuis mardi se rend tous les matins à la mairie de Rafina qui coordonne l’aide aux rescapés et répartit les missions entre les bénévoles.
« Je ne peux pas vous dire exactement combien ils sont, le nombre augmente tous les jours », explique Savvas Arapkilis, adjoint au maire de la ville.
Une grande vague de solidarité
Jeudi, des dizaines de particuliers, des adolescents et des jeunes adultes en majorité, attendaient patiemment de s’enregistrer sur les listes de volontaires établies par la municipalité.
« Ce sont les enfants de la crise, ils savent ce que veut dire la solidarité et ont compris la nécessité d’agir collectivement », assure Anastasios Moustikadis.
La Grèce, essorée par des années d’austérité et en première ligne de la gestion des candidats à l’asile en Europe débarquant sur ses îles, s’est régulièrement appuyée, ces dernières années, sur une société civile de plus en plus organisée face aux carences des pouvoirs publics.
Dispensaires gratuits, collecte de médicaments, cantines citoyennes, activités bénévoles pour les réfugiés ont fleuri à travers tout le pays.
L’élan a été tel depuis les incendies que le maire de Rafina, Evangelos Bournous, a dû appeler ses concitoyens mercredi à différer les envois de nourriture : « Nous ne pouvons pas en gérer davantage ».
Quatre bâtiments municipaux croulent déjà sous les cartons et paquets venus de toute la Grèce.
« Vous voulez un pack d’eau ? », lance une adolescente à un couple de personnes âgées en train de débarrasser des résidus carbonisés de leur maison à Mati.
C’est la troisième équipe à leur proposer des bouteilles et de la nourriture en moins d’un quart d’heure.
« Je prends de l’eau à chaque fois », explique Sophia Tsaganou Profitou. « Il s’écoulera peut-être un mois avant que l’eau soit rétablie », explique la septuagénaire également privée d’électricité.
Le quadrillage de chaque ruelle par des équipes de deux ou trois bénévoles permet de faire remonter des situations humaines critiques qui auraient échappé aux autorités.
Mais parfois les volontaires tournent en vain dans un quartier qui s’est vidé de ses résidents. À côté des maisons calcinées, d’autres propriétés, épargnées par les flammes, affichent un court message griffonné à la main par leurs habitants : « nous allons bien », suivi d’un numéro de portable où ils peuvent être joints.
« Ce que nous faisons est une goutte d’eau mais je ne pouvais pas poursuivre mes vacances comme si de rien n’était », explique Photini, 17 ans, masque en papier sur le visage pour se protéger de l’odeur de fumée, piquante et pénétrante, qui enveloppe le village meurtri.
D. S avec AFP
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