Les Franciliens sont de nouveau bloqués dans les transports en commun par une grève des agents SNCF en Île-de-France, à la veille des négociations avec la Région. En cause, des « primes JO » que les syndicats veulent voir alignées sur celles de la RATP, pour compenser le décalage de leurs congés d’été.
La présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse a dénoncé une « grève indéfendable à la SNCF alors que les négociations sont en cours » et appelé à mettre fin à la « surenchère ». L’échéance des Jeux olympiques est le nouveau Graal des syndicats du public pour obtenir de nouvelles primes. Contrôleurs SNCF, cheminots, contrôleurs aériens, éboueurs, policiers, gendarmes, pompiers, hôpitaux, etc. tous les secteurs sont touchés.
Cette tradition du conflit, née à la Révolution et inscrite dans la Constitution en 1946, pose aujourd’hui problème à de plus en plus de parlementaires qui pointent la liberté d’une majorité de Français, empêchée par une minorité bénéficiant déjà de plusieurs privilèges.
La France « championne du monde de la grève »
Selon le portail de statistiques Statista, la France est le pays où l’on fait le plus la grève parmi les pays de l’OCDE.
Selon une étude allemande réalisée par l’institut économique de la fondation Hans-Böckler, les Français ont pris en moyenne, entre 2009 et 2018, 114 jours de grève par an pour 1.000 salariés, contre 18 en Allemagne et seulement 1 en Suisse. Ce calcul ne concerne que le secteur privé et les entreprises d’État, et n’inclut pas le secteur public. Comme il s’agit de statistiques sur une période de 9 ans, le classement peut changer selon les années.
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La différence entre la France et les autres pays européens s’explique par des traditions historiques différentes, les pays nordiques privilégiant le consensus avant de faire grève alors que la France commence nécessairement par un rapport de force avant de négocier.
L’histoire d’une tradition du conflit
On retrouve les premières grèves dès le Moyen Âge en France, dans ce qu’on appelait les corporations de métier. Il s’agissait alors de former des « coalitions » pour réunir les ouvriers ou les paysans autour d’une même revendication et l’accord d’une cessation collective d’activité. Ce n’est qu’après la Révolution française et la prohibition des corporations que ces coalitions vont être interdites par la loi Le Chapelier de 1791, au nom de la « volonté générale » prônée par l’idéal révolutionnaire.
En 1803, Napoléon Bonaparte appuiera cette interdiction par la liberté du travail, en proscrivant « toute coalition de la part des ouvriers pour cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans certains ateliers, empêcher de s’y rendre et d’y rester avant ou après de certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux ».
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les ouvriers abandonnèrent le mot « coalition » pour lui préférer celui de « grève », en référence à la Place de la grève située devant l’Hôtel de Ville et qui servait de lieu de rassemblement pour le commerce et les manifestations. La loi interdisant les coalitions sera supprimée en 1864 et le XXe siècle sera ensuite marqué par une augmentation des mouvements de grève, en fréquence et en intensité.
Après une nouvelle interdiction en 1941 sous le régime de Vichy, la grève devient en 1946 un droit inscrit dans la Constitution de la IVe République: « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix », peut-on lire dans la Constitution.
Alors que les gouvernements d’Allemagne ou d’Angleterre ne s’occupent pas de réglementer les lois sociales et économiques de leur pays, la France les a centralisé, créant un rapport de force plus important entre les syndicats et l’État. Et quand une culture du compromis et du consensus a été préservée dans les pays nordiques, les grèves en France passent avant tout par une culture du conflit et de la lutte. Selon Stéphane Sirot, spécialiste de la sociologie des grèves, « en France, on privilégie le conflit social plutôt que le dialogue ».
Près de 80 ans après l’inscription du droit de grève dans la Constitution, la « prise en otage » du pays par des syndicats minoritaires pose une question démocratique, alors que les mouvements de grève deviennent de plus en plus radicaux, menaçant de bloquer ou de mettre le chaos dans le pays, à chaque grande occasion.
Vers un encadrement du droit de grève… après les JO
Le Sénat a adopté début avril en commission des mesures d’encadrement du droit de grève dans les transports. Le texte entend « protéger les Français » face à « des prises en otage excessives et répétées » des usagers sur des périodes chargées comme les vacances scolaires, selon son auteur, le sénateur des Hauts-de-Sein Hervé Marseille (Union centriste).
Le texte visait initialement à permettre au gouvernement de neutraliser 60 jours par an durant lesquels les « personnels des services publics de transports » seraient privés de leur droit de grève, avec une limite de 15 jours d’affilée par période d’interdiction. En commission, le rapporteur LR, Philippe Tabarot, a fait adopter plusieurs amendements, faisant passer ce quota de jours à 30 par an, et limitant leur utilisation à sept jours consécutifs.
Par ailleurs, l’interdiction ne serait restreinte qu’aux heures de pointe et aux « seuls personnels dont le concours est indispensable pour assurer le bon fonctionnement du service de transport ». Ces jours sanctuarisés ne concerneraient que quatre types de période: vacances scolaires, jours fériés, élections et référendums ainsi que lors des « événements d’importance majeure sur le territoire français ».
« Nous sommes très attachés à ce droit fondamental qu’est le droit de grève, mais force est de constater qu’il est aujourd’hui détourné, utilisé de manière abusive et est devenu un préalable à la négociation au lieu de n’être qu’un ultime recours », a indiqué Philippe Tabarot.
Une proposition de loi qui rencontre l’opposition du gouvernement, a indiqué le ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé des Transports, Patrice Vergriete. « Il y a un problème de constitutionnalité » souligne-t-il. « Choisir des jours, oui, mais lesquels ? » s’est-il aussi interrogé. « Privilégier les vacances », a-t-il suggéré, « mais tout le monde dans notre pays malheureusement ne prend pas de vacances, et alors ça voudrait dire négliger la mobilité du quotidien ».
Un dispositif a également été ajouté pour faire appliquer ces mesures à la période des Jeux olympiques de Paris, mais Philippe Tabarot reconnaît qu’il a « peu d’espoir » que ce texte puisse aboutir au Parlement avant l’événement.
Le débat sur le droit de grève dans les transports avait connu un certain écho en février lorsque le Premier ministre, Gabriel Attal, avait déploré une « forme d’habitude » à la grève pendant les vacances scolaires et affirmé que si « la grève est un droit », « travailler est un devoir ».
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