Bijouteries attaquées au tractopelle et tirs à balle réelle : les pillards ont profité, dans la nuit de vendredi à samedi à Pointe-à-Pitre, du « black-out » qui frappe la Guadeloupe, au désespoir des commerçants de cette ville frappée par une insécurité chronique.
La rue Frébault, artère la plus commerçante de la capitale économique de Guadeloupe – 14.500 habitants en 2020 mais 100.000 avec l’agglomération –, porte encore les stigmates d’une nuit agitée.
Une boutique de téléphonie a été saccagée. Dans une ruelle voisine, une carcasse de voiture brûlée, encore fumante, bloque la circulation déjà perturbée par le dysfonctionnement des feux tricolores remis en service par la mairie, en septembre, après des années de panne.
Les commerçants excédés
Un peu plus loin, le rideau métallique d’une bijouterie a été arraché par les assauts d’un tractopelle et gît à moitié au sol. « C’est la seconde fois en trois ans qu’on éventre mon magasin », se retient de pleurer, voix étranglée par le chagrin et la colère, Carole Venutolo.
Deux de ses établissements ont été pillés de la sorte dans la nuit. La scène a été filmée et publiée sur les réseaux sociaux : on y voit l’engin de chantier, éclairé par ses phares dans la rue plongée dans le noir, défoncer la devanture avec sa pelle. Quand celle-ci cède, une cinquantaine de personnes s’engouffrent à l’intérieur.
Des individus encagoulés se sont livrés à des vols et exactions dans des commerces de Pointe-à-Pitre la nuit dernière. pic.twitter.com/ujIHhT40bQ
— France Antilles Gpe (@FAGuadeloupe) October 26, 2024
« Le tractopelle a pu évoluer des dizaines et des dizaines de minutes, sans la moindre intervention des forces de l’ordre », dénonce la cheffe d’entreprise.
De source policière, les forces de l’ordre étaient pourtant bien là et ont même essuyé des tirs à balles réelles qui ont touché à deux reprises un de leurs véhicules.
Au total, 11 enseignes ont été vandalisées à Pointe-à-Pitre malgré le couvre-feu nocturne ordonné par le préfet de Guadeloupe après l’arrêt des moteurs de la centrale électrique du Jarry par des salariés en grève, sur fond de conflit social avec EDF.
Pour beaucoup, la scène rappelle les émeutes de novembre 2021 qui ont durablement marqué l’archipel. Les commerçants sont excédés et nombreux à dénoncer l’insécurité qui peut régner dans la capitale économique de la Guadeloupe.
« Il y a une injustice chronique : un grand groupe à Jarry (l’immense zone industrielle à proximité de Pointe-à-Pitre, ndlr) ou un centre commercial est sécurisé. Mais pas nous, alors qu’on paie les mêmes impôts », s’énerve Carole Venutolo.
Derrière elle, des salariés « qui seront bientôt au chômage » balaient les débris de verre des vitrines explosées, les larmes aux yeux.
Une insécurité chronique
« Sécuriser Pointe-à-Pitre est un problème », renchérit Patrick Vial-Collet, le président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) locale, évoquant des actes « répétitifs ». « Cette rue est le théâtre régulier d’opérations de ce type », estime l’entrepreneur venu apporter son soutien aux sinistrés.
Une insécurité chronique au point qu’en avril, le croisiériste américain Virgin Voyages avait annoncé la fin de ses escales dans la ville, trop décriée par ses clients. En mars, une commerçante y a été tuée lors d’un braquage. Puis des touristes en croisière ont été blessés à l’arme blanche par une femme atteinte de troubles psychiatriques.
Le maire (EELV) Harry Durimel, qui n’avait pas hésité à qualifier de « coupe-gorge » cette ville portuaire au riche patrimoine, ne peut que constater les dégâts. « Ce genre d’action, c’est délétère. Je n’ai aucun moyen d’entraver ça », se désespérait-t-il samedi matin en dressant le bilan des dégâts.
Samedi après-midi, l’électricité manquait encore à près de 70.000 clients, selon EDF.
Et dans la rue Frébault, le bourdonnement des groupes électrogènes installés à l’étage des boutiques flottait, persistant, quand d’autres magasins faisaient le choix d’ouvrir mais sans lumière.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.