ARTS & CULTURE

Guédelon : à la découverte des savoirs d’autrefois

juillet 17, 2015 12:06, Last Updated: septembre 3, 2018 12:40
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Dans l’imagerie populaire, on dépeint souvent le Moyen Âge ou l’époque médiévale comme une période reculée et peu évoluée. L’image sacro-sainte de la modernité venue avec l’ère industrielle y est pour beaucoup. C’est pourquoi il est nécessaire de sortir des idées reçues et de regarder d’un œil neuf cette époque passionnante de l’histoire française et européenne. On sera surpris d’y découvrir une richesse d’ingéniosité et de savoir. Comment construire un château à partir des ressources locales d’une région, comme travailler le bois, la pierre, la terre, comment construire des maisons, faire du pain, etc. aujourd’hui ces savoir-faire sont presque tombés dans l’oubli.

Mais pourtant un petit village dans l’Yonne en Bourgogne résiste à l’envahisseur, et fait renaître les techniques et les savoirs d’autrefois. À ciel ouvert, le château fort de Guedelon se construit en utilisant les techniques du XIIIe siècle en donnant la possibilité aux curieux de venir visiter les différentes parties du chantier en plein travail.

Dépasser les idées reçues

Quelque soit la période historique, il est toujours question du passage de l’ancien au nouveau monde. L’époque médiévale a précédé celle de la Renaissance – initiée par les découvertes archéologiques de la Grèce Antique amenant à un retour du classicisme, qui elle même a précédé l’époque de la révolution industrielle, jusqu’au monde moderne numérique d’aujourd’hui. De cette époque médiévale, on retient souvent des clichés venant de raccourcis des livres d’histoire ou de films comme « Les Visiteurs  » montrant une image rétrograde du monde féodal.

Le Moyen Âge au contraire était une période française très civilisée, avec un raffinement des arts et des mœurs que notre époque moderne ne peut plus égaler. Les savoir-faire techniques étaient aussi très avancés et demandaient aux constructeurs une ingéniosité sans cesse renouvelée. La société s’organisait autour de métiers interdépendants travaillant de concert autour du maître d’oeuvre et du seigneur.

Pour renouer avec ces traditions – mot presque tabou aujourd’hui, le château de Guédelon s’inspire des techniques du XIIIe siècle, à l’époque où Louis IX, dit Saint-Louis, était au pouvoir d’une France traversant une de ses périodes de paix et de création artistique et architecturale, les plus prospères.

Voyage au XIIIe siècle au pays de Guédelon

Situé à 2h de Paris, entre Saint-Sauveur-en-Puisaye et Saint-Amand-en-Puisaye, dans l’Yonne en région de Bourgogne, le château de Guédelon est né de l’initiative de passionnés d’histoire et de patrimoine. Michel Guyot, en achetant en 1979 le château de Saint-Fargeau, s’est aperçu grâce à une étude archéologique qu’il existait un autre château plus ancien et datant du XIIIe siècle sous la structure. De là est née l’idée de construire de A à Z un château pour comprendre « comment travaillaient les bâtisseurs du XIIIe siècle ». Michel Guyot en parle en 1995 à Maryline Martin, également passionnée d’histoire qui dit oui tout de suite et qui grâce à son association Émeraude met en place la structure de travail pour organiser le chantier sur le long terme.

Le chantier commence en 1997 pour durer environ 25 ans, on peut ainsi y voir des stades différents de construction d’une année sur l’autre. Il accueille aujourd’hui 300.000 visiteurs par an, entre le mois de mars et de novembre, et 70 salariés y travaillent à plein temps sur un chantier à ciel ouvert. Le familles, les scolaires, les visiteurs curieux peuvent y découvrir en direct, le travail des différents corps de métier.

Image de synthèse du château de Guédelon terminé(© Nicolas Gasseau)

« Guédelon est un chantier scientifique, historique, pédagogique, touristique et humain » peut-on lire sur le site du château fort, « il répond à bien des attentes de l’homme du XXIe siècle ».

Pour construire un tel château avec les outils et techniques du XIIIe siècle, il faut en effet mettre en place plusieurs synergies travaillant en interdépendance. D’abord, il faut trouver le bon terrain. Celui ci doit répondre à plusieurs critères que l’on qualifierait aujourd’hui venant du développement durable. Il faut en effet que toutes les matières premières soient à proximité. Les qualités et la proximité de la pierre (du grès ferrugineux), du bois (du chêne), de la terre (de l’argile, du sable) et de l’approvisionnement en l’eau sont déterminantes pour  construire l’édifice et organiser la vie autour du domaine.

Construire pour comprendre ou comment faire de l’archéologie expérimentale

Le plus difficile dans le travail de l’historien est la compréhension du contexte historique propre à une époque. Regarder le Moyen Âge, la Renaissance ou le Grand Siècle de Louis XIV avec les concepts de notre monde moderne est un biais empêchant de comprendre les raisons et les conditions de l’émergence des arts, des techniques, des idées, etc.

Derrière le château de Guédelon se trouve un projet d’archéologie expérimentale permettant de comprendre le fonctionnement d’une société de l’époque grâce à une immersion complète dans ses techniques et ses coutumes. De cette façon, « l’oeuvrier » (comme on peut le lire sur le site de Guédelon) est amené à comprendre en faisant comment les artisans de l’époque travaillaient.

Vue Sud-Ouest du château en construction de Guédelon (© Guedelon)

À partir de l’observation des châteaux forts de la région, de différents textes historiques et de la collaboration d’archéologues et d’ingénieurs, les bâtisseurs ont retrouvé au fur et à mesure les techniques utilisées à l’époque, leur permettant d’affiner leur travail et leur geste. L’ingéniosité propre à l’homme est revenue également naturellement sur le devant de la scène, pour résoudre et surmonter les différents défis d’une construction de pierre et de bois.

« En archéologie expérimentale, chaque problème donne des solutions » peut-on entendre de Maryline Martin interviewée dans un documentaire de Planet+.

Les bâtisseurs de château fort : des savoir-faire en interdépendance

C’est aussi une des leçons tirée de cette recherche en archéologie expérimentale: autour la construction du château fort, c’est toute une société et un ensemble de corps de métier qui s’organisent en interdépendance.

Au niveau la construction, le travail commence par le maître d’œuvre, qui est responsable du plan global de la construction. Il maîtrise le niveau des savoir-faire, le vocabulaire technique, le temps imparti par ouvrage et les temps de livraison des matériaux. Il fait le lien également entre les différents corps de métier, apporte ces propres savoir-faire et s’assure de la bonne finition des travaux.

Au tout début de la chaîne des métiers de construction du château fort, on retrouve le carrier, qui comme son nom l’indique se trouve dans la carrière, à découper les premiers blocs de pierre qui vont servir à la construction.

Le carrier. Perçage de lumières dans un bloc de grès (© Clément Guerard)

Les blocs sont ensuite envoyés au tailleur de pierre, qui va les travailler au centimètre près (pour le gros bâti) ou au millimètre près (pour les voûtes d’une alcôve de l’église) selon les besoins du chantier.

Le charretier s’occupe du transport des pierres les plus lourdes. Tracté par la force d’un cheval de traie pouvant tirer jusqu’à 6 tonnes, le travail se fait avec l’animal sur des distances et des poids impossibles à parcourir pour l’homme – un transport à 100% écologique.

La charretière attelée au tombereau et tirée par un percheron (© Guedelon)

L’architecte est nécessaire pour construire les engins de levage (tel que la « cage à écureuil ») permettant la pose des pierres sur les tours et les courtines. Il participe également à la réalisation des plans de construction comme celui du moulin à eau pour moudre le blé, mis en fonction depuis cette année.

Pour construire ces engins en bois, il faut le travail du bûcheron qui va choisir les différents  bois et faire des tailles plus ou moins grossières, grâce à ses différents outils, et selon les besoin d’usages: charpentes, planches, petits bois, pièces de machineries, etc. Il travaille également avec le charretier pour transporter les pièces les plus lourdes.

L’atelier de charpente (© Guedelon)

Le charpentier donner la forme finale au bois selon les besoins du maître d’oeuvre, du maçon ou de l’architecte. Il va également réaliser les meubles pour le château et ses dépendances, la charrette pour la charretier, les pièces pour le moulin à blé ou les engins de levage, le bois pour les outils, etc.

Le forgeron (Clément Guérard)

Le forgeron crée les outils des différents corps de métier. Il est sollicité toute la journée pour les réparer, les aiguiser et grâce à son savoir-faire il peut reproduire quasiment toutes les formes de ferronneries décoratives.

Le maçon en train de vérifier l’horizontalité avec l’archipendule (© Guedelon)

Le maçon au XIIIe siècle est un personnage central de la construction, il est également géomètre. C’est lui qui en fin de chaîne pose les pierres les unes après les autres, et garanti la solidité, la stabilité et le bon agencement de l’édifice.

S’y ajoutent encore le potier, le tuilier, le meunier, le vannier, le cordier, etc.

Le travail du vannier pour réaliser les œuvres de bois pour la maison (© Clément Guérard)

Dans chacun de ses métiers, on retrouve une connaissance de la matière et un savoir-faire technique retrouvés par le principe de comprendre en faisant. Chacune de ces connaissances montrent un respect des hommes et de la nature, ce que les visiteurs peuvent découvrir en allant directement observer les travaux en cours sur le site. Et si la curiosité les pique vraiment, ils pourront faire un voyage historique à une époque médiévale où l’ingéniosité et le savoir étaient à portée de main, ce dont les « oeuvriers » de Guédelon prennent plaisir à transmettre.

R 39 © Denis Gliksman – Des enfants participant à un atelier d’initiation à la taille de pierre (© Denis Gliksman)

Plus d’informations :

Visiter Guédelon

Les ateliers pour les enfants

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