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La guerre de l’ombre : les dissidents chinois dans le collimateur des opérations du PCC à l’étranger

Le FBI passe à l'offensive contre les opérations mondiales de Pékin
juin 12, 2023 7:53, Last Updated: juin 12, 2023 7:53
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C’était une soirée fraîche et sombre, aussi douce qu’un hiver peut l’être en Afrique du Sud. Neuf personnes venaient de franchir les portes de l’aéroport international de Johannesburg. Elles ont loué deux voitures et se sont mises en route pour Pretoria, la capitale voisine. Elles sont venues avec une mission : porter plainte contre deux fonctionnaires chinois en visite pour leur rôle dans l’orchestration d’une gigantesque campagne de persécution contre les pratiquants de la méditation Falun Gong en Chine. C’est tout naturellement que David Liang, chauffeur de taxi vivant alors en Australie, a été chargé de conduire l’un des véhicules de location.

Au bout d’une trentaine de kilomètres, Dav Liang a remarqué qu’une voiture de couleur claire arrivait par derrière. Alors qu’elle arrivait à sa hauteur, il a entendu un bruit. Soudain, il a ressenti une douleur fulgurante au niveau des pieds. Au même moment, les pneus de la voiture ont explosé. Il s’est rendu compte qu’ils étaient pris pour cibles. On lui avait tiré dessus. Deux balles ont traversé ses deux pieds et ont brisé les os de son pied droit, laissant un trou de la taille d’une balle de golf. La douleur écrasante a failli lui faire perdre conscience. La douleur était trop forte pour qu’il puisse freiner. La voiture incontrôlable dévalait la route à une vitesse d’environ 80 km/h, se rapprochant de plus en plus des véhicules de l’autre côté. Par miracle, la voiture n’a pas fait de tonneaux ni ne s’est écrasée. Elle a progressivement ralenti jusqu’à s’arrêter sur le bas-côté. David ne pouvait pas ouvrir la portière. Les sens brouillés, il se souvient que quelqu’un l’a aidé à se rendre à l’hôpital le plus proche.

Impacts de balles dans la voiture que conduisait David Liang sur la route de Pretoria, en Afrique du Sud.

La nouvelle de la fusillade de juin 2004 a fait le tour du monde, mais ce n’était ni la première ni la dernière fois que des dissidents chinois étaient attaqués à l’étranger. Des incidents ont été signalés dans le monde entier, notamment en Asie, en Europe et, à plusieurs reprises, en Amérique.

En 2001, trois hommes asiatiques sont sortis d’un SUV noir devant le consulat de Chine à Chicago. Ils ont commencé à faire des commentaires et des gestes désobligeants à l’égard d’un groupe de pratiquants du Falun Gong qui protestaient contre les persécutions du PCC de l’autre côté de la rue du consulat. L’un des manifestants, Fang Lin, a sorti un caméscope et a commencé à enregistrer les hommes. Ceux-ci se sont immédiatement précipités sur lui.

Fang Lin s’est levé d’un bond et a commencé à courir, les deux hommes le poursuivant. Ils l’ont rattrapé à un pâté de maisons de là. Ils l’ont poussé contre une clôture à mailles losangées, ont arraché le caméscope et l’ont fait tomber violemment sur le trottoir. Ils l’ont ensuite assailli de coups de poing à la tête. L’assaut a finalement été interrompu par trois passants venus à son secours. Les deux agresseurs ont couru jusqu’à leur voiture et ont pris la fuite.

En 2006, plusieurs hommes d’origine asiatique ont pénétré de force dans l’appartement d’Atlanta de Peter Yuan Li, un pratiquant du Falun Gong et ingénieur informatique qui était à l’époque le directeur technique d’Epoch Times. Les hommes, armés d’un couteau et d’une arme de poing, l’ont brutalement battu, lui ont attaché les bras et les jambes, lui ont couvert la bouche, les oreilles et les yeux avec du ruban adhésif et ont saccagé son domicile, s’emparant de deux ordinateurs mais laissant d’autres objets de valeur derrière eux.

Peter Yuan Li avec 15 points de suture sur son visage après avoir été battu par des hommes armés dans sa propre maison à Atlanta, Georgie, le 8 février 2006. (Minghui.org)

Des incidents similaires, y compris des cambriolages et des passages à tabac, se sont également produits à New York et à San Francisco.

Parfois, les attaques peuvent être rattachées explicitement au Parti communiste chinois (PCC), d’autres fois, le lien est plus opaque. Dans l’ensemble, cependant, le schéma est clair.

« Cela fait partie de la manipulation et du contrôle des Américains d’origine chinoise par le PCC », explique Casey Fleming, PDG de BlackOps Partners et expert en contre-espionnage.

« Il s’agit de les contrôler sur le sol américain en exerçant une pression psychologique, ainsi que des mesures énergiques ».

Lui et d’autres experts ont affirmé à Epoch Times que ce n’était qu’un élément parmi d’autres dans l’arsenal d’opérations secrètes du PCC à l’étranger, notamment l’espionnage, le vol de secrets de recherche et de commerce, ainsi que de vastes opérations d’influence et de propagande.

Les attaques contre les dissidents, qui sont généralement des citoyens américains, font partie des plus flagrantes, démontrant la capacité du PCC à s’en prendre à n’importe qui, n’importe où.

« Le PCC fait tout ce qu’il peut pour saper notre souveraineté et réduire au silence toute dissidence, même dans notre pays », a assuré le député Dan Newhouse (Parti républicain – Washington), membre de la commission spéciale de la Chambre des représentants sur la concurrence stratégique entre les États-Unis et le Parti communiste chinois, qui a été créée au début de l’année.

« Les États-Unis devraient être un refuge contre les persécutions. Pas ce qu’ils essaient d’en faire : un terrain de chasse pour un gouvernement autoritaire », a-t-il récemment exprimé à l’émission « Crossroads » d’EpochTV.

Parmi les nouvelles les plus révoltantes de cette année, on a appris que le PCC exploitait même un poste de police sous couverture à New York dans le but précis de s’en prendre aux dissidents et à d’autres cibles du PCC. Mais plus qu’une nouveauté, il s’agit simplement d’une confirmation d’un problème connu depuis longtemps dans les cercles de contre-espionnage.

« Une grande partie de ce type d’activités secrètes, d’activités d’influence secrètes est menée par Pékin depuis des décennies », selon Nicholas Eftimiades, un vétéran de la CIA, du département d’État des États-Unis, de la Defense Intelligence Agency, ainsi qu’un expert des tactiques et stratégies des opérations du PCC à l’étranger.

Ils se sont toujours attaqués aux dissidents, à ce qu’ils appellent les « cinq poisons » », a-t-il expliqué, faisant référence au jargon du PCC pour désigner les questions que le régime considère comme les plus sensibles pour son contrôle totalitaire : Taïwan, le mouvement démocratique, le Tibet, les musulmans ouïghours et le Falun Gong.

Les opérations d’espionnage du PCC sur le sol américain ont été si peu scrupuleuses que les dissidents chinois en sont venus à les considérer comme omniprésentes. « Ils partent du principe que tout ce qu’ils disent, font ou planifient est appris par Pékin et rapporté. »

Ce qui a changé ces dernières années, c’est que le gouvernement américain semble enfin réagir.

Changement de priorités

Le mois dernier, le FBI et le département de la Justice ont annoncé l’inculpation de deux expatriés chinois, John Chen et Lin Feng, à New York, pour avoir tenté de corrompre l’IRS afin qu’il enquête sur une entité gérée et entretenue par des pratiquants du Falun Gong et lui retire son statut d’organisation à but non lucratif.

L’acte d’accusation indique que le bureau a consacré d’importantes ressources à cette affaire, notamment en faisant appel à un agent infiltré qui s’est fait passer pour un employé de l’IRS. Cela semble important.

« Une affaire d’infiltration est le type d’affaire qui nécessite le plus de ressources », selon Marc Ruskin, ancien agent infiltré du FBI.

Le communiqué de presse du département de la Justice annonçant les inculpations comprenait des commentaires de tous les hauts responsables de l’application des lois fédérales : le procureur général Merrick Garland, son adjointe Lisa Monaco, le directeur du FBI Christopher Wray, ainsi que son adjoint Paul Abbate.

Christopher Wray a souligné à plusieurs reprises l’importance accordée par le FBI aux activités malveillantes du PCC aux États-Unis. En juillet 2020, il a déclaré que le bureau ouvrait une nouvelle affaire de contre-espionnage toutes les dix heures en moyenne, la majorité d’entre elles impliquant la Chine.

« Le FBI a opéré un changement clair dans les domaines sur lesquels il enquête », a noté Nicholas Eftimiades.

Le procureur général des États-Unis Merrick Garland (au centre), le directeur du FBI Christopher Wray (à droite) et la procureure générale adjointe Lisa Monaco tiennent une conférence de presse au département de la Justice des États-Unis à Washington, le 24 octobre 2022. (Kevin Dietsch/Getty Images)

La cause de ce changement est toutefois moins claire, car le FBI semble être au courant depuis longtemps des activités de la CCP. « Le gouvernement américain n’a rien fait à ce sujet jusqu’à récemment », a reconnu Nicholas Eftimiades.

Fang Lin a indiqué qu’après son agression, il avait eu de nombreuses conversations avec des agents du FBI, leur fournissant des informations sur l’incident et les personnes impliquées.

« Ils comprenaient clairement ce qu’ils [le PCC] faisaient, mais c’était comme si leurs mains étaient liées », a-t-il déclaré. « Ils recueillaient librement les informations, ils rédigeaient librement leurs rapports, ils savaient qui était derrière tout ce qui s’était passé, mais ils ont choisi de ne rien faire.

John Chen, par exemple, était probablement connu du FBI bien avant son arrestation. En fait, ses activités étaient bien connues des cercles dissidents de Los Angeles, selon le commentateur politique chinois Heng He, qui vivait en Californie et se rendait à Los Angeles pour des événements de défense des droits de l’homme.

Capture d’écran vidéo de Chen Jun, également connu sous le nom de John Chen, lors d’une confrontation avec des militants chinois, le 15 septembre 2019. (Avec l’aimable autorisation de Chen Weiming)

« Chaque fois que nous organisions une activité, une manifestation, cet homme se présentait et interférait avec notre activité, se disputait avec nous ou nous harcelait », a-t-il déclaré à Philipp.

L’acte d’accusation semble confirmer le rôle joué de longue date par John Chen. Dans un appel enregistré, John Chen a exhorté l’agent infiltré à « faire confiance à ces amis » qu’il avait au sein de la direction du régime chinois.

« Ils sont comme des frères de sang. Nous avons commencé à lutter contre [le fondateur du Falun Gong] il y a vingt ou trente ans. Ils sont toujours avec nous », a déclaré John Chen, selon l’acte d’accusation.

Modus Operandi

L’acte d’accusation offre une fenêtre sur le livre de recettes du PCC en matière d’ingérence étrangère. Il explique comment John Chen a proposé l’idée de corrompre l’IRS et aurait ensuite demandé l’approbation d’un responsable du PCC en Chine. Le FBI affirme également que John Chen a apporté de Chine l’argent nécessaire à la corruption en espèces – 5000 dollars comme acompte et 45.000 dollars supplémentaires promis une fois le stratagème mené à bien.

« Les dirigeants sont très généreux », a précisé John Chen à une autre personne lors d’un appel téléphonique enregistré.

« Une fois que cette chose aura été faite… une récompense pour le travail accompli sera certainement donnée à ce moment-là », a-t-il ajouté lors d’un autre appel enregistré.

Les opérations de ce type sont généralement menées par le bureau 610 du PCC, ou par le ministère de la Sécurité publique (MPS), le ministère de la Sécurité d’État (MSS) et le département du Travail du Front uni, a expliqué Nicholas Eftimiades.

Le Bureau 610, créé le 10 juin 1999, est l’agence du PCC où « les efforts pour réprimer le Falun Gong sont centralisés », selon l’acte d’accusation. Selon le FBI, John Chen appelait ses supérieurs du PCC « Tianjin », la ville chinoise où l’on savait que le Bureau 610 était basé.

Tianjin revêt en effet une importance particulière dans les opérations du PCC à l’étranger, notamment celles qui visent le Falun Gong, a précédemment fait savoir Epoch Times.

Il arrive que des agents du PCC s’impliquent personnellement et il est arrivé que des officiers du PCC soient pris en flagrant délit d’opération sur le sol américain.

« Il y a une implication très, très active – c’est le cas chez nous. Nous avons des cas d’officiers du MSS, d’officiers du MSS à la retraite, de membres actifs du consulat, tous recrutant et travaillant avec des sources », selon Nicholas Eftimiades.

La police chinoise patrouille alors que les touristes se promènent dans une zone commerciale animée pendant le dernier jour des vacances de la Semaine d’or à Pékin, en Chine, le 8 octobre 2020. (Kevin Frayer/Getty Images)

Souvent, cependant, les opérations sont menées par des tiers sur une base qui ressemble à un contrat ou à une relation de freelance. « Ils en font vraiment une entreprise capitaliste, ce qui est probablement l’une des plus grandes ironies de l’histoire », a-t-il souligné.

Il existe une différence entre le mode de fonctionnement des services de renseignements occidentaux et celui des services de renseignements du PCC. « Les services occidentaux emploient traditionnellement des espions et s’attaquent généralement aux services de renseignement étrangers, estimant qu’ils peuvent en tirer le maximum d’enseignements », selon Nicholas Eftimiades.

Le PCC fait de même, « mais il fait bien plus », a-t-il ajouté.

« Ils s’en prennent aux entreprises, aux organisations dissidentes et aux hommes politiques. Et pour ce faire, il utilise une approche globale de la société ». Cela signifie « tous les segments de la société chinoise, qu’il s’agisse des universitaires ou de l’infiltration des organisations dissidentes ».

« Ils utilisent tous les mécanismes possibles pour mener des activités d’espionnage et des actions secrètes contre des gouvernements et des sociétés étrangers. Et ce que vous voyez ici n’est qu’une manifestation de cela. »

Le chef du PCC, Xi Jinping, a récemment appelé tous les expatriés chinois à prêter serment de fidélité à la « mère patrie », a noté Casey Fleming.

« Ils veulent les traiter comme des cellules en veilleuse », a-t-il ajouté. « Ils considèrent les Américains, les Britanniques et les Canadiens d’origine chinoise comme une extension du parti communiste chinois, ou du moins comme un service et une obligation à l’égard du parti communiste chinois en Chine. »

Ces efforts ont été « amplifiés » récemment avec ce que Casey Fleming considère comme la préparation de l’invasion de Taïwan, bien qu’il ait précisé que de tels efforts font depuis longtemps partie des tactiques du PCC.

Selon lui, les efforts déployés pour faire taire les dissidents à l’étranger sont directement liés aux efforts déployés pour contrôler les communautés chinoises d’outre-mer de manière plus générale. « Il s’agit de manipuler et de contrôler, de cacher la vérité sur le parti communiste et d’empêcher les dissidents de dénoncer le parti communiste chinois. »

En fin de compte, ceux qui sont prêts à faire le sale boulot du PCC sont eux-mêmes exploités, accumulant des responsabilités pour une récompense souvent relativement maigre, selon Nicholas Eftimiades.

« Je n’aurais pas accepté ce travail si j’avais eu des ressources. … Vous demandez à l’homme de prendre un risque énorme et vous vous retrouvez avec une somme dérisoire », a-t-il déploré.

« L’intelligence ne paie pas toujours aussi bien, surtout si elle ne produit pas de résultats, si les résultats ne sont pas visibles. »

Une approche plus générale

Si Nicholas Eftimiades voit d’un bon œil les efforts du FBI pour contrer les activités du PCC, il espère que les États-Unis s’opposeront aux activités du PCC de manière beaucoup plus globale. Le gouvernement doit « faire appel à tous les mécanismes du pouvoir national ou même du pouvoir au sein de la société […] pour tenter de mettre fin à ce type de comportement. »

Le gouvernement devrait formuler ce à quoi il souhaite que les relations avec la Chine ressemblent dans dix ans, comment atteindre cet objectif et comment mesurer les progrès accomplis. Le plan devrait impliquer toutes les agences fédérales et même les agences d’État et ne devrait pas se limiter aux agences chargées de l’application de la loi. Il devrait inclure des domaines tels que l’accès de la Chine à la bourse américaine, les investissements américains en Chine et les coentreprises entre les entreprises américaines et chinoises.

Malgré les efforts déployés par les administrations de Donald Trump et de Joe Biden pour limiter les relations sensibles avec la Chine, il reste encore beaucoup à faire, selon lui.

De nombreuses entreprises, institutions de recherche et personnes chinoises qui soutiennent les programmes militaires du PCC sont toujours autorisées à faire des affaires avec les États-Unis et les Américains sont autorisés à investir dans ces entreprises. Le gouvernement américain interdit à ces entités d’acheter des technologies américaines sensibles, mais elles peuvent toujours s’associer à des chercheurs américains pour développer ces technologies, selon Nicholas Eftimiades.

« Dites-moi en quoi est-il logique de dire qu’on ne peut pas exporter de technologie à telle ou telle entreprise, parce qu’elle travaille avec les militaires, mais qu’on peut faire un projet de recherche conjoint pour développer des technologies de pointe. »

« Il y a beaucoup de problèmes importants. Ils nécessitent de s’asseoir et de ne pas se contenter d’une réponse immédiate, d’une réponse opérationnelle, mais de réfléchir à toutes ces catégories. Ainsi, la réponse des États-Unis n’est pas typiquement ce qu’elle a été : si quelque chose se passe dans le domaine de l’application de la loi, c’est la communauté de l’application de la loi qui réagit ; si quelque chose se passe dans le domaine financier, c’est la [Securities and Exchange Commission] ou la communauté financière qui réagit. La Chine ne fonctionne pas de cette manière. La Chine travaille de manière stratégique, en actionnant des leviers dans le cadre d’une approche unifiée, d’une approche de l’ensemble de la société. Les États-Unis doivent être un peu plus réactifs de ce point de vue. »

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