Des officiers des forces spéciales guinéennes ont affirmé dimanche avoir capturé le chef de l’Etat Alpha Condé, pris le contrôle de Conakry et « dissoudre » les institutions, lors d’un coup d’Etat qui pourrait sonner la retraite d’un vétéran de la politique africaine, de plus en plus isolé.
?? #Guinee Le colonel Mamady #Doumbouya, commandant des forces spéciales de l’armée guinéenne, a annoncé dimanche 5 septembre à la radio-télévision nationale la RTG, avoir arrêté le président #AlphaCondé et suspendu la Constitution. #RFImatin ?(images ©AP) pic.twitter.com/DuoqjgS9En
— RFI (@RFI) September 6, 2021
Aucun mort n’avait été rapporté dimanche durant ce coup de force, malgré les crépitements intenses d’armes automatiques entendus dans la matinée dans la capitale de ce pays coutumier des confrontations politiques brutales. La fin apparente de plus de dix années de régime Condé a donné lieu à des scènes de liesse dans différents quartiers de la capitale.
Le Groupement des forces spéciales guinéennes affirme avoir capturé le président Alpha Condé. De nombreux tirs ont été entendus près du palais présidentiel ce matin. Les putschistes menés par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya ont diffusé des images du président encerclé. pic.twitter.com/nhCXuBR623
— AJ+ français (@ajplusfrancais) September 5, 2021
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a cependant « fermement » condamné dans un tweet « toute prise de pouvoir » en Guinée « par la force du fusil », appelant « à la libération immédiate du président Alpha Condé », 83 ans.
Fermeture des frontières terrestres et aériennes
« Nous avons décidé après avoir pris le président, qui est actuellement avec nous (…) de dissoudre la Constitution en vigueur, de dissoudre les institutions », dont le gouvernement, a dit, dans une vidéo, le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, au nom d’un « Comité national du rassemblement et du développement », au côté de putschistes en uniforme et en armes.
Il a également annoncé la fermeture des frontières terrestres et aériennes de ce pays d’Afrique de l’Ouest plongé depuis des mois dans une grave crise économique et politique.
African leaders should learn that power is ephemeral, transient, temporary. Incredible video of Alpha Condé following the military coup #Guineeconakry #Conakry pic.twitter.com/FxkDoiDnlY
— Ahmed Mohamed ((ASMALi)) (@Asmali77) September 5, 2021
Dénonçant la « gabegie », le lieutenant-colonel Doumbouya, enveloppé dans un drapeau guinéen, a ensuite promis d’« engager une concertation nationale pour ouvrir une transition inclusive et apaisée », dans une déclaration à la télévision nationale qui a interrompu ses programmes.
Les putschistes ont également diffusé une vidéo du président Condé entre leurs mains. Ils lui demandent s’il a été maltraité et Alpha Condé, en jeans et chemise froissée dans un canapé, refuse de leur répondre.
« On tient tout Conakry et on est avec toutes les forces de défense et de sécurité pour enfin mettre fin au mal guinéen », a déclaré à la télévision France 24 le lieutenant-colonel Doumbouya, personnalité très peu connue jusqu’alors.
Guinée Conakry : Le lieutenant col Mamady Doumbouya, nouvel homme fort du Guinée
Ancien légionnaire de l’armée française, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya commande le Groupement des forces spéciales (GPS), une unité d’élite de l’armée extrêmement entraînée et équipée. pic.twitter.com/PlcP2BTsXs
— Satellite Congolais (@Satellite_Cgl) September 5, 2021
Acclamer les militaires des forces spéciales
Le ministère de la Défense a affirmé dans un communiqué que la garde présidentielle avaient repoussé les « insurgés » quand ils ont tenté de prendre le palais présidentiel. Mais les autorités en place jusqu’alors ont ensuite sombré dans le silence.
Des centaines d’habitants de Conakry, notamment dans les banlieues réputées favorables à l’opposition, sont descendus dans la rue pour acclamer les militaires des forces spéciales, ont constaté des correspondants de l’AFP.
« Nous sommes fiers des forces spéciales, honte à la police, honte à la milice de l’ancien président Alpha Condé, mort aux tortionnaires et aux assassins de notre jeunesse », s’exclamait un manifestant sous le couvert de l’anonymat.
?#Guinée: Mamady Doumbouya, Malinké originaire de la région de Kankan, est bel et bien le nouvel homme fort du pays. Ce lieutenant-colonel et ses hommes du Groupement des forces spéciales, ont investi le siège de la télévision publique et s’apprêteraient à faire une déclaration. pic.twitter.com/VpAFENRPi0
— LSI AFRICA (@lsiafrica) September 5, 2021
« Nous n’avons plus besoin de violer la Guinée »
« Je ne pouvais pas imaginer qu’Alpha Condé allait quitter le pouvoir de mon vivant, tellement il m’a fait du tort », a confié Madiaou Sow, un chauffeur. « Il a tué dans les manifestations ma sœur Mariama, mon neveu Bissiriou, mon cousin Alphadio et personne d’entre eux n’a bénéficié de la compassion du pouvoir », a-t-il affirmé.
Il faisait référence à la répression sanglante des manifestations de l’opposition et de la mobilisation contre l’adoption par referendum en 2020 d’une nouvelle Constitution, dont M. Condé a tiré argument pour briguer et obtenir un troisième mandat.
« Nous allons réécrire une Constitution ensemble, cette fois-ci, toute la Guinée », a assuré le chef des putschistes, déplorant qu’il y ait eu « beaucoup de morts pour rien, beaucoup de blessés, beaucoup de larmes ».
« Nous n’avons pas besoin de violer la Guinée, nous devons lui faire l’amour. » Le lieutenant colonel Mamady Doumbouya chef des putschistes qui viennent de capturé @alphacondepresi #kibaro #Kaloum ??✍ pic.twitter.com/w4lNbLDShw
— Abdoulaye Oumou Sow ??? ?? (@ao_sowGn) September 5, 2021
« Nous n’avons plus besoin de violer la Guinée, on a juste besoin de lui faire l’amour, tout simplement », a-t-il conclu.
Les principaux dirigeants de l’opposition, sollicités par l’AFP, n’ont pas souhaité s’exprimer .
Contestation contre un troisième mandat d’Alpha Condé
Mais le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de mouvements politiques et de la société civile qui a mené la contestation contre un troisième mandat d’Alpha Condé, a pris acte de « l’arrestation du dictateur » et des déclarations des militaires sur la Constitution.
Tôt dans la matinée, des tirs nourris d’armes automatiques avaient retenti sur la presqu’île de Kaloum, centre névralgique de Conakry, où siègent la présidence, les institutions et les bureaux d’affaires.
« J’ai vu une colonne de véhicules militaires à bord desquels des soldats surexcités tiraient en l’air et entonnaient des slogans militaires », a déclaré à l’AFP une habitante du quartier de Tombo, proche du centre de la capitale.
Jubilations in #Conakry as President #AlphaConde is ousted in #Guineeconakry pic.twitter.com/FfPXlmogF8
— I’m Javix ?? (@Jssebwami1) September 5, 2021
Depuis des mois, le pays, parmi les plus pauvres du monde malgré des ressources minières et hydrologiques considérables, est en proie à une profonde crise politique et économique, aggravée par la pandémie de Covid-19.
M. Condé, ancien opposant historique, est devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu en Guinée après des décennies de régimes autoritaires.
Des défenseurs des droits humains fustigent sa dérive autoritaire remettant en cause les acquis du début.
M. Condé se targue d’avoir fait avancer les droits humains et d’avoir redressé un pays qu’il dit avoir trouvé en ruines.
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