Une mission ouest-africaine de haut rang se rend vendredi en Guinée avec l’exigence de la tenue d’élections dans les six mois, un délai a priori peu compatible avec les vues des militaires qui ont pris le pouvoir par la force.
Le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara a quitté Abidjan pour Conakry « où il prendra part à une mission de haut niveau conduite par le président du Ghana », Nana Akufo-Addo, en sa qualité de président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), a indiqué la présidence ivoirienne.
Le président de la Commission de la Cédéao, Jean-Claude Kassi Brou, devrait prendre part au déplacement, a indiqué une source diplomatique proche de l’organisation.
« Que la transition soit très courte »
Les dirigeants des 15 pays de la Cédéao, réunis en sommet extraordinaire au Ghana, ont « décidé » jeudi « la tenue, dans un délai de six mois, des élections présidentielle et législatives pour la restauration de l’ordre constitutionnel » en Guinée.
Ils « ont insisté pour que la transition soit très courte », a souligné M. Brou.
Ils ont aussi décidé de geler les avoirs financiers des membres de la junte et de leur famille et de les interdire de voyage.
Ils ont aussi maintenu la première mesure prise après le putsch du 5 septembre, la suspension de la Guinée des organes de décision de la Cédéao et ont demandé à la présidence ghanéenne de se rendre « dès que possible » en Guinée pour notifier leurs décisions aux nouveaux maîtres de Conakry.
Le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya et ses hommes, qui ont renversé le président Alpha Condé, n’avaient pas réagi publiquement vendredi aux décisions de la Cédéao.
« Le seul calendrier qui vaille est celui du peuple guinéen «
Le lieutenant-colonel devait initialement poursuivre vendredi, avec les banques et les syndicats, les concertations ouvertes mardi pour commencer à définir le contenu d’une transition censée ramener les civils au pouvoir.
En donnant six mois au chef de la junte, les dirigeants de la Cédéao paraissent aller frontalement à l’encontre de ses desseins.
« Le seul calendrier qui vaille est celui du peuple guinéen qui a tant souffert », a-t-il déclaré mardi lors de la première journée de consultations.
Il n’a rien dit jusqu’à présent sur le possible contenu de cette transition, sa durée, quel rôle les militaires y joueraient, ni comment seraient organisées des élections. Les analystes se demandent si l’opération militaire, qu’ils ont jugée maîtrisée de la part des forces spéciales, avait pour versant un plan politique.
Volonté de « refondation » de l’Etat
Cependant, le lieutenant-colonel Doumbouya a signifié à ses interlocuteurs sa volonté de « refondation » de l’Etat, entreprise difficilement conciliable avec un délai de six mois. Il a exprimé sa volonté d’associer le plus grand nombre pour ne pas, a-t-il dit, renouveler « les erreurs du passé ». La plupart des participants aux concertations de cette semaine s’attendent à un processus étendu.
Aucune précision n’est sortie du sommet de la Cédéao quant aux mesures possibles si les militaires ne respectaient pas l’échéance.
Les dirigeants ouest-africains ont voulu faire preuve de fermeté Ils se sont dits « fortement préoccupés de la résurgence des coups d’Etat » dans la région, après les deux putschs en août 2020 et mai 2021 au Mali voisin. Le dernier fait accompli en date en Guinée a suscité la crainte d’une contagion à d’autres pays où l’autorité de l’Etat est passablement affaiblie.
Les analystes mettent en garde contre les parallèles entre les situations politiques malienne et guinéenne. La Cédéao s’était employée à faire en sorte que la transition au Mali soit la plus courte possible après le putsch de 2020 et avait transigé sur une durée de 18 mois. La tenue d’élections en février 2022, comme prévu, y est de plus en plus douteuse et la pression monte pour une prolongation.
Un large soutien de la population
La Cédéao a signifié ne pas vouloir en entendre parler, se disant « très préoccupée par la lenteur » de la préparation des élections, dont la tenue en février 2022 est « non négociable ».
Elle réclame de la junte d’ici à la fin du mois d’octobre un échéancier des étapes essentielles avant les élections et « décide de sanctions ciblées contre tous ceux dont les actions impactent négativement sur le calendrier de la transition ».
Par ailleurs, elle « dénonce fermement » la volonté de la junte malienne d’y engager des compagnies de sécurité privées, claire référence aux discussions en cours avec la société paramilitaire russe Wagner.
Comme au lendemain du putsch au Mali, les militaires guinéens peuvent pour le moment se prévaloir d’un large soutien de la population, excédée par la pauvreté, la corruption et la répression.
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