ENTRETIEN – Arnaud Dassier, entrepreneur et délégué général de l’Union des Droites pour la République (UDR) revient pour Epoch Times sur le déficit de la France et les politiques qui doivent être menées pour le réduire et alléger la bureaucratie. Il décrypte également le programme économique de Donald Trump, élu le 5 novembre 47e président des États-Unis.
Epoch Times : Selon le Projet de loi de finances (PLF) de fin de gestion présenté ce mercredi 6 novembre en Conseil des ministres, le déficit atteindra bien 6,1 % du PIB en 2024. Quelle est votre réaction ?
Arnaud Dassier : Malheureusement, c’est la conséquence d’une dérive et d’un manque total de maîtrise des dépenses publiques. C’est aussi l’aboutissement logique et tragique du « quoi qu’il en coûte ».
Par ailleurs, notre déficit pose un véritable problème de crédibilité de notre processus budgétaire. Le budget représente un acte politique majeur en démocratie. Et quand les ministres annoncent des chiffres peu fiables, pour ne pas dire malhonnêtes pour alimenter le débat public au préalable du débat parlementaire de la rentrée, on est sur un vrai problème de transparence et de bon fonctionnement de la démocratie.
Comment voulez-vous que les partis politiques et les parlementaires puissent correctement effectuer leur travail quand on leur annonce à la dernière minute des chiffres très différents de ce qui avait été annoncé de manière docte par le ministre de l’Économie et des Finances, quelques mois auparavant. C’est la raison pour laquelle l’UDR a eu l’initiative de créer une commission parlementaire d’enquête sur les causes de ce scandale budgétaire et démocratique.
Il faut aller chercher les raisons pour que cela ne se reproduise plus. Si nous ne disposons pas de bonnes informations, et que, par conséquent, nous ne pouvons pas tenir un discours de vérité, il sera impossible d’avoir un débat politique valable et de qualité permettant d’éclairer la décision publique. À partir du moment où les administrations ou le gouvernement mentent par omission au pays, au peuple, aux médias et aux forces politiques, nous sommes face à un enjeu démocratique et de qualité du débat public et de la décision publique.
En réalité, je crois que nous sommes à la fin d’un système et d’un cycle politique. Depuis 50 ans, la France a pris l’habitude de régler ses problèmes par l’augmentation des dépenses publiques et des impôts. Et à force d’accumuler les couches d’administration et de dépenses les unes par-dessus les autres, on se retrouve avec un déficit qui ne cesse de se creuser et une dette abyssale.
Dans le cas où vous auriez un budget bien maîtrisé, il peut y avoir quelques erreurs d’évaluation, mais s’il s’agit là d’un dérapage de 2 % du PIB ! C’est énorme !
Le gouvernement contrôle l’utilisation de 50 % de la richesse produite par les Français. De ce fait, les erreurs de stratégie de l’État ont des conséquences colossales comme on le voit avec la dérive budgétaire, la dette, ou la politique énergétique. Est-il raisonnable de confier 50 % de nos moyens à une seule entité ? Je ne le crois pas.
Les députés ont voté lors de l’examen de la partie « recettes » du PLF 2025 des hausses d’impôts supplémentaires. Le texte présenté par Michel Barnier annonçait déjà 19 milliards d’euros de hausses de prélèvements. Quel impact pourraient avoir ces augmentations d’impôts sur les acteurs économiques ?
L’impact est à deux niveaux : d’abord financier. Nous parlons de sommes très importantes. C’est un choc fiscal qui est équivalent à celui de François Hollande en 2013 qui avait entraîné une récession.
En effet, c’est de l’argent pris dans la poche des Français et des entreprises, qui ne sera pas investi et utilisé par le secteur privé. On va provoquer une asphyxie de la croissance économique pour combler des dépenses qui ont déjà eu lieu, financer des dépenses de fonctionnement qui ne produisent pas de richesses ou encore payer des intérêts de la dette.
Ces augmentations d’impôts ne vont conduire qu’à de la destruction de valeur et être profondément nuisibles pour la croissance, déjà anémique. C’est regrettable quand on sait que le meilleur moyen de réduire le déficit et la dette, c’est d’avoir de la croissance et de créer de la richesse. Les hausses d’impôts sont totalement contre-productives.
Il faut à tout prix sortir de la logique qui consiste à toujours vouloir taxer et dépenser plus. Elle ne fonctionne pas et aboutit à la situation dramatique que nous connaissons aujourd’hui. On ne soigne pas une dérive par plus de dérive !
À l’UDR, nous nous opposons à toute augmentation d’impôt, quelle qu’elle soit et prônons une réduction des dépenses publiques. Il y a d’énormes gaspillages. L’État intervient dans beaucoup trop de domaines par démagogie ou facilité, avec une efficacité rarement démontrée. Malheureusement, il y a cette logique politico-administrative qui fait que les dépenses qui ont été votées l’année précédente sont automatiquement reconduites pour le budget suivant. Avec Éric Ciotti, nous sommes favorables au fait que le budget soit réétudié tous les ans à partir de zéro, comme cela se fait dans beaucoup de pays.
Il faut avoir le sérieux et le courage de faire des études d’impact, de regarder l’efficacité de la dépense publique ligne par ligne et remettre en cause des dépenses qui, par accumulation et juxtaposition font qu’aujourd’hui, nous consacrons 58 % de notre production annuelle à des dépenses publiques – un record mondial – et que le déficit représente 6 % du PIB – ce qui est une folie dans un pays où la dette représente déjà plus de 3200 milliards et 110 % du PIB.
Quelles politiques préconisez-vous pour les entreprises et la croissance ?
Il y a plusieurs manières d’étouffer l’activité économique : les impôts, mais aussi la sur-réglementation qui est une autre forme d’imposition puisque finalement vous prélevez du temps et des dépenses sur les entreprises. Je suis bien placé pour le savoir étant moi-même chef d’entreprise.
Je constate depuis des années cette accumulation de règles qui fait peser sur les entreprises, notamment de taille moyenne et grande, des contraintes bureaucratiques et administratives qui se traduisent par des équipes que vous devez embaucher, des consultants que vous devez rémunérer, du temps en tant que chef d’entreprise que vous devez passer pour gérer toutes ces obligations pour une efficacité et une utilité très contestables.
À mon sens, ces normes ont avant tout des justifications politiques et idéologiques.
Mais est-ce le rôle des entreprises de poursuivre des objectifs politiques, idéologiques et sociétaux ? Peut-être, mais de manière libre et spontanée, pas de manière obligatoire, au détriment de leur succès.
L’État et nos dirigeants ont trop tendance à considérer les entreprises comme des « vaches à lait » et des extensions des services de l’État, à qui l’on peut imposer des taxes et des normes, sans limite, pour se défausser sur elles d’objectifs politiques. Ce n’est pas le rôle des entreprises de régler tous les problèmes de la société. Elles doivent d’abord et avant tout créer des services et produits de qualité à un prix compétitif.
À la fin, la sphère politico-administrative finit par tuer la poule aux œufs d’or en faisant peser sur elle trop de contraintes. Une entreprise n’a pas des capacités illimitées.
La situation actuelle me rappelle une célèbre image de la Révolution française montrant un clerc et un aristocrate montés sur le dos d’un travailleur du Tiers-État. Vous avez une France productive et contributive, par ailleurs trop peu nombreuse, à qui on fait peser la totalité de l’effort en faveur d’une France improductive bénéficiaire des contributions qui ne cesse de grandir. Progressivement, ce déséquilibre grandissant plombe l’économie, avec un rythme de croissance qui ne cesse de diminuer, comme nous le constatons depuis des décennies. Il est impératif de briser ce cercle vicieux, en commençant enfin à réduire les dépenses publiques.
Il faut aller dans le sens de la simplification administrative, de la réduction des réglementations et vers une recodification pour justement simplifier les normes et les rendre plus compréhensibles. Cela serait un progrès démocratique parce que les gens et les entreprises n’y comprennent plus rien. Quand plus personne ne comprend la réglementation, on ouvre la voie à des phénomènes nuisibles pour le contrat social (insécurité juridique, gaspillages, corruption, arbitraire, etc.).
La sphère interventionniste et collectiviste a pris beaucoup trop d’importance par rapport à la liberté des individus et des entreprises.
Donald Trump a été élu le 5 novembre président des États-Unis. La politique économique qu’il prône peut-elle être, selon vous, une source d’inspiration pour la France ?
Le nouveau président américain propose des choses intéressantes ! Donald Trump a une philosophie pro-business, favorable au secteur privé, qui est bienvenue. Je pense notamment à l’idée de baisser les impôts sur les entreprises pour les rendre plus compétitives. Une mesure qui relève du bon sens. De son côté, la candidate démocrate Kamala Harris avait un programme radicalement opposé d’augmentation des impôts.
Par ailleurs, dans l’entourage du président élu, Elon Musk incarne la partie du programme consacrée à l’efficacité gouvernementale, à la simplification radicale de la réglementation et la baisse massive du nombre d’agences et d’administrations publiques, pour réaliser entre 1000 et 2000 milliards de dollars d’économies. Quand nous peinons à trouver 60 milliards pour combler la dérive budgétaire… Nous sommes dans une démarche cosmétique, où nous ne remettons pas en cause le système, comme osent le faire les Américains.
Comme en France, les agences publiques sont devenues trop importantes et trop interventionnistes aux États-Unis, comme l’a montré l’affaire de l’écureuil Peanut. Au-delà de l’émotion, il y a une dimension politique qui est claire : une agence administrative, sur dénonciation à distance, a fait irruption dans une propriété privée accompagnée de forces de police et de justice, expulsé les propriétaires, et perquisitionné les lieux pour capturer et tuer un écureuil et un raton laveur.
C’est un exemple caricatural d’abus de pouvoir, révélateur du fait que l’État a donné trop de compétences à des agences, qui peuvent intervenir au détriment des libertés fondamentales des citoyens. C’est une dérive inquiétante.
Dans une entreprise, on évalue régulièrement la pertinence des dépenses, des processus, des produits et services, et des collaborateurs, quitte à les remettre en cause. C’est de la bonne gestion. Il est temps de faire la même chose au niveau de l’État.
Il y a une partie du programme de Donald Trump qui est plus contestable : le protectionnisme économique. Je le comprends néanmoins quand il s’agit de bloquer les importations chinoises. En effet, le libre-échange est une excellente chose, qui alimente la croissance, mais pour qu’il fonctionne correctement, il faut de la réciprocité de confiance et de la bonne foi. Les Occidentaux ont été très naïfs avec Pékin. Ils ont cru que son intégration dans l’économie de marché provoquerait une ouverture du pays sur les pratiques capitalistes et démocratiques. Malheureusement, cela ne s’est fait que de manière très partielle et uniquement au profit de l’Empire du Milieu.
La Chine est restée une dictature qui a profité de la crédulité de l’Occident pour voler nos technologies et renforcer ses positions, mais qui, au final, ne joue pas le jeu. Elle demeure un marché fermé où les Européens et les Américains ont beaucoup de mal à faire des affaires.
Ce déséquilibre doit cesser. Il faut faire comprendre aux Chinois qu’ils doivent respecter les règles du jeu de l’économie de marché et du libre-échange, ou en être exclus. C’est ce que l’administration Trump a l’intention de faire avec des droits de douane universels de 60 à 100 % sur la totalité des biens chinois.
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