Histoires inédites du massacre de Tiananmen

Nous ne saurons jamais combien de personnes ont été massacrées dans la nuit du 3 au 4 juin 1989

Par Lettres des lecteurs
17 décembre 2024 00:56 Mis à jour: 17 décembre 2024 09:58

Je félicite Epoch Times d’avoir récemment publié deux bons articles sur le massacre de Tiananmen en 1989, notamment celui d’Eva Fu intitulé Des militants pleurent les victimes du massacre de Tiananmen et rappellent au monde l’héritage « brutal » du PCC . Toutefois, ces articles omettent de préciser que la plupart des morts ne se sont pas produites sur la place Tiananmen, au centre de Pékin. Je vais vous expliquer comment je sais que c’est véridique.

J’ai vécu avec ma femme et mes trois jeunes enfants à Hong Kong de 1986 à 1989. Sous les auspices d’une organisation éducative que je n’ai pas la liberté de nommer, je me rendais régulièrement en Chine pour superviser des professeurs américains qui enseignaient l’anglais dans des écoles et des universités chinoises. Il se trouve donc que j’étais sur la place Tiananmen dix jours avant le massacre. Alors que notre petit bus roulait lentement sur la place, j’ai pris des photos de ce que je voyais : des centaines d’étudiants défilant, portant des banderoles réclamant la démocratie ; de nombreux autres étudiants assis tranquillement devant leurs petites tentes ; la déesse de la Liberté, haute de 10 mètres, faisant écho à notre statue de la Liberté et servant de point focal aux manifestations ; et, le plus surprenant pour moi, des groupes de non-étudiants, défilant tout en portant des banderoles identifiant leurs lieux de travail et scandant bruyamment leur soutien au mouvement prodémocratique des étudiants.

Le dimanche 4 juin 1989, j’étais de retour à Hong Kong. Cet après-midi-là, j’ai rejoint les 200.000 personnes, silencieuses et au visage impassible, qui s’étaient rassemblées à l’hippodrome de Happy Valley pour protester après l’annonce du massacre. La colère de la foule debout était palpable. L’hippodrome ne pouvait accueillir que la moitié des personnes, mais chacun était discipliné.

Le lendemain matin, dans le centre de Hong Kong, j’ai rejoint une procession lente et spontanée qui passait tranquillement devant l’agence de presse Chine nouvelle. Ce bâtiment abritait le gouvernement fantôme du parti communiste chinois (à l’époque, Hong Kong était gouverné par les Britanniques). La police de Hong Kong m’a poliment fait signe, ainsi qu’à des milliers d’autres personnes, d’avancer. Nous avons formé un sinistre flot humain large d’une douzaine de personnes. En passant, nous avons regardé avec colère la façade fermée de l’Agence. Dès 11 heures, ce deuxième matin après la nouvelle, les trottoirs des deux côtés de la rue étaient jonchés de couronnes de fleurs en papier blanc. Ces symboles de deuil s’étendaient le long d’un pâté de maisons dans les deux sens. (J’ai appris plus tard qu’environ un million de personnes étaient passées devant l’agence de presse Chine nouvelle au cours du premier mois qui a suivi le massacre. Il s’agissait de la plus grande manifestation politique de l’histoire de Hong Kong, et de loin).

En tant qu’ancien professeur d’université (doctorat en histoire, université Duke), j’ai recherché des témoins clés. J’en ai trouvé deux qui étaient particulièrement précieux. L’une était une étudiante plus âgée qui venait de s’enfuir à Hong Kong. Elle avait récemment obtenu une maîtrise d’histoire dans une université de Pékin. Le dimanche matin du massacre, au péril de sa vie, elle avait commencé à dénombrer les corps sur la place, puis avait continué à compter en marchant vers l’ouest le long de l’avenue Chang An. Elle avait compté plus d’un millier de corps. L’autre source était un professeur britannique qui venait également d’être évacué de Chine. Il n’était pas un témoin oculaire, mais il m’a raconté ce que son collègue de Pékin avait personnellement vu depuis son appartement donnant sur un grand carrefour du quadrant nord-ouest de Pékin : un massacre inimaginable de milliers de personnes.

Mais je dois revenir un peu en arrière. Environ deux semaines avant le massacre, le dirigeant chinois, Deng Xiaoping, avait ordonné aux troupes d’entrer dans Pékin et de libérer la place Tiananmen. Mais ces troupes avaient été recrutées localement. Ainsi, lorsqu’elles avaient approché Pékin par l’ouest et le nord-ouest, elles avaient été confrontées à une énorme mobilisation de résistance passive. Les habitants de Pékin, sympathisant avec les étudiants, s’étaient massés sur les principaux carrefours de la ville, en particulier dans le quadrant nord-ouest, où se trouvaient les universités. Ces carrefours étaient formés par des avenues partant de la place Tiananmen et passant par les périphériques intérieurs et extérieurs qui encerclaient la ville. Confrontés à des intersections encombrées de personnes, dont certaines étaient peut-être des parents, les soldats s’étaient arrêtés et avaient refusé d’avancer.

Il avait fallu deux semaines au secrétaire d’État Deng Xiaoping pour faire venir des unités militaires d’une province voisine. Ces soldats venaient de la campagne et éprouvaient du ressentiment contre les citadins pour leur vie plus facile. Le soir du 3 juin, face à la population pékinoise qui bloquait à nouveau les carrefours, ces soldats paysans ont fait rouler leurs chars et autres véhicules blindés sur les gens, usant abondamment des mitrailleuses. Ce massacre sanglant a eu lieu à plusieurs carrefours, a raconté le professeur chinois à son collègue britannique. Après que les premières unités ont avancé pour évacuer la place Tiananmen, d’autres unités militaires sont arrivées. Elles ont chargé les corps mutilés dans des camions et sont retournées à l’extérieur de la ville. Bientôt, on pouvait apercevoir au loin la lumière d’immenses bûchers. Les preuves brûlaient. En outre, les carrefours ensanglantés ont été nettoyés, tout comme la place.

Nous ne saurons jamais combien de personnes ont été massacrées dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, mais probablement entre 10.000 et 20.000. La plupart n’étaient pas des étudiants, mais des habitants ordinaires de Pékin, qui se joignaient aux étudiants dans l’espoir d’une vie meilleure grâce à la démocratie.

Sincères salutations,
Howard R. Killion, Ph.D.
Californie

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