Hong Kong: Denise Ho, une voix dans un mouvement sans visage

Par Epoch Times avec AFP
2 septembre 2019 05:52 Mis à jour: 2 septembre 2019 06:57

Star de la pop cantonaise aujourd’hui honnie par Pékin, Denise Ho refuse l’étiquette d’égérie de la mobilisation hongkongaise. Mais dans un mouvement sans leader où la prudence commande de masquer son visage, le sien hypnotise tous les regards.

Ici, c’est Hong Kong. Une ville dont les habitants sont bien élevés, même quand ils manifestent.  Alors les apparitions de l’artiste ne déclenchent pas d’émeutes chez son fan-club de contestataires, mais une admiration pleine de respect pour cette chanteuse de 42 ans qui a sacrifié sa carrière en Chine par engagement politique et mis sa voix au service du mouvement pro-démocratie.

« Je me vois comme une militante parmi les autres », confie-t-elle sans fausse modestie à l’AFP. « Mais bien sûr, comme je suis une célébrité, les gens me reconnaissent. » Voilà trois mois que l’ex-colonie britannique vit au rythme d’actions quasi quotidiennes pour dénoncer l’emprise de Pékin sur les affaires hongkongaises.

Ce mercredi, au pied du siège local de HSBC, le rassemblement de la soirée a pour thème les violences sexuelles. Tout le monde porte du noir, couleur de la contestation, et presque tout le monde un masque pour déjouer les poursuites judiciaires.  Alors le regard est naturellement capté par Denise Ho, chemise blanche et jean gris clair. Surtout quand son tour vient de prendre le micro pour haranguer en cantonais la foule accroupie.

« Sur le terrain, j’espère galvaniser, soutenir tous ces jeunes, leur dire qu’ils ne sont pas seuls », explique la quadragénaire au visage étudiant, qui ne cautionne pas la dérive violente des plus radicaux – souvent beaucoup plus jeunes qu’elle – mais la comprend.  « Je veux aussi pouvoir faire entendre leur voix, notamment à l’étranger », dit-elle.

-une icône LGBT-

Dans sa vie d’avant, HoCC – son nom de scène – était une star internationale de la cantopop (la pop cantonaise), une chanteuse adulée jusqu’en Chine à qui tout semblait réussir, et même une actrice qui avait tourné pour le réalisateur hongkongais Johnnie To (« La vie sans principe », 2011). Elle était aussi une icône LGBT pour avoir été, fin 2012, l’une des premières grandes chanteuses hongkongaises à faire son coming out.

C’est en septembre 2014, un mois après son dernier séjour en Chine, que son existence bascule, quand la police arrose de lacrymogènes des manifestants. C’est le début du « Mouvement des parapluies » dans laquelle Denise Ho plonge jusqu’à être arrêtée. En juin 2016, Lancôme suscite un tollé à Hong Kong en déprogrammant « pour des raisons de sécurité » un événement promotionnel auquel elle devait participer.

-Coopérer avec « un poison hongkongais » et « un poison tibétain »-

Peu auparavant, le quotidien étatique chinois Global Times avait accusé la marque du groupe français L’Oréal de coopérer avec « un poison hongkongais » et « un poison tibétain », en référence au soutien de la chanteuse au dalaï lama. Pour beaucoup, ce scandale est une illustration de plus du recul des libertés dans la région semi-autonome, thème au cœur de la mobilisation actuelle.

Cible récurrente du harcèlement sur les réseaux sociaux, Denise Ho, dont les disques sont interdits en Chine, sait mieux que quiconque la puissance de « la machine de propagande » chinoise.

« Denise est tellement cool », confie avec un sourire de groupie une manifestante sous couvert de l’anonymat. « Elle a tout sacrifié. » La chanteuse s’en défend d’une pirouette, en évoquant le silence de l’immense majorité des artistes hongkongais.

-Elle troque l’anglais pour un français un peu usé-

« Les sacrifices sont faits par ceux qui ont choisi de se taire et de renoncer à leur liberté de parole », lance-t-elle en déplorant « la crainte de représailles politiques et l’autocensure ». « C’est un sacrifice plus grand que le fait de perdre des contrats en Chine. »

Cinq années d’engagement ont rodé un discours qu’elle assène avec charisme et fermeté. Son visage ne semble s’adoucir que quand elle troque l’anglais pour un français qu’elle reconnaît « un peu usé », avec l’accent qui chante le souvenir d’une jeunesse à Montréal, de 1988 à 1997.

Début juillet, lors d’un discours à la tribune du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, à Genève, elle a été interrompue deux fois par le représentant de Pékin.  Elle est actuellement en Australie pour « porter la parole » et se rendra très bientôt aux Etats-Unis. Pour elle, Hong Kong n’est qu’un théâtre d’une problématique mondiale.

« La Chine est en train de museler par l’intimidation de nombreux gouvernements », accuse-t-elle. « Au moment où les valeurs humanistes progressent dans le monde, va-t-on accepter que ce pays viole les droits de l’Homme et les promesses faites dans des traités internationaux? »

Aux termes de la Déclaration sino-britannique de 1984, qui avait été enregistrée à l’ONU, Pékin s’est engagé en contrepartie de la rétrocession à maintenir à Hong Kong les libertés uniques héritées de la Couronne, et ce jusqu’en 2047.

 

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