Provenant de toutes les couches de la société hongkongaise, une mer de manifestants vêtus de blanc a bravé dimanche la chaleur dans une longue procession au cœur de l’ex-colonie britannique avec un mot d’ordre : défendre l’identité unique de leur territoire face aux ingérences de Pékin.
Il y avait des familles avec des bambins agitant des drapeaux, des personnes âgées en fauteuil roulant, des expatriés, des musiciens, des artistes, des cadres supérieurs, des militants associatifs.
La plupart avaient opté pour le blanc censé représenter la justice. Tous étaient là pour dire leur rejet d’un projet du gouvernement local pro-Pékin d’autoriser des extraditions vers la Chine continentale.
« Le projet de loi, s’il est voté, brouillera totalement la frontière entre Hong Kong et la Chine continentale », estimait dans la foule Ryan Leung.
« Cela détruirait totalement les libertés que nous avons toujours eues, et l’État de droit dont nous sommes si fiers. »
Au terme de l’accord de 1984 entre Londres et Pékin qui a présidé à sa rétrocession en 1997, Hong Kong jouit d’une semi-autonomie et de libertés qui n’existent pas en Chine continentale, et ce en théorie jusque 2047.
L’ex-colonie britannique est cependant depuis une dizaine d’années le théâtre d’une forte agitation politique en raison de l’inquiétude que génère l’ingérence grandissante de Pékin dans ses affaires intérieures, et le sentiment que l’accord de rétrocession n’est plus respecté.
Mais si la ville a l’habitude des manifestations spectaculaires dans l’impressionnant décor de sa forêt de gratte-ciel, la mobilisation de dimanche était historique, du fait du nombre de personnes présentes.
Les organisateurs ont revendiqué un million de manifestants, la police a décompté 240.000 personnes, ce qui en ferait la deuxième manifestation la plus importante depuis la rétrocession.
Si elle s’est achevée par des heurts entre des jeunes gens masqués et les forces de la police antiémeute, la manifestation s’est déroulée toute la journée dans le calme, déversant une marée blanche sur des kilomètres de bitume, dans la moiteur subtropicale étouffante.
« Même avant ce projet de loi, il y a eu l’affaire des libraires », a déclaré Fiona Lau, 15 ans, en évoquant la disparition de libraires travaillant pour une maison d’édition critique de Pékin, et qui étaient pour certains réapparus ensuite en Chine.
« Une fois que le projet de loi aura été voté, notre situation deviendra encore plus critique. Nous ne pouvons laisser faire. »
« Les gouvernements hongkongais et chinois ne sont pas sur un pied d’égalité », dénonce de son côté Chan Sze-chai, membre d’un syndicat étudiant.
Pour lui, si Pékin demande l’extradition d’un dissident ou veut utiliser des poursuites judiciaires pour museler l’opposition, « il n’y a rien que l’exécutif hongkongais pourra faire ».
« Il est impossible pour les Hongkongais de faire confiance aux gouvernements chinois et hongkongais. »
Shaun Martin, un Britannique qui vit depuis cinq ans à Hong Kong, dit être descendu manifester en raison de l’arrestation en Chine de deux Canadiens juste après celle à Vancouver d’une dirigeante de la société chinoise Huawei.
Selon lui, si la loi sur l’extradition passe, rien n’empêchera que Hong Kong soit également le théâtre d’arrestations à caractère politique, dans le contexte de la dégradation des relations entre Pékin et certaines puissances occidentales.
« Des gens comme moi, des expatriés, nous sommes vraiment inquiets de ce que la Chine puisse procéder à des arrestations en représailles », explique-t-il.
Même une fois la nuit tombée, l’ambiance est longtemps demeurée festive dans une foule qui a accueilli dans une impressionnante clameur l’annonce du chiffre des participants.
« Hong Kong écrit l’histoire », a lancé Jimmy Shum, un des organisateurs.
Mais en soirée, le climat s’est dégradé avec des affrontements entre de jeunes militants au visage dissimulé par des masques et la police qui a eu recours au gaz au poivre.
L’échec du « Mouvement des Parapluies », cette énorme mobilisation prodémocratie qui avait paralysé le centre de Hong Kong pendant des semaines fin 2014, a eu pour conséquence de radicaliser une partie de la jeunesse qui ne croit plus aux manifestations pacifiques.
Certains militent même désormais pour l’indépendance, ce qui est une ligne rouge absolue pour Pékin.
« Si le gouvernement continue d’ignorer l’opinion de plus d’un million de personnes, comment peut on dire que Hong Kong est un territoire libre », interrogeait dans la soirée Philip Leung, 23 ans, devant le spectacle des affrontements avec la police.
Avec AFP
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