Huaweigate : l’Europe se prémunit contre les stratagèmes chinois d’achat d’influence

Par Anders Corr
21 mars 2025 02:05 Mis à jour: 22 mars 2025 10:06

Les autorités européennes enquêtent sur des allégations de stratagème d’ « influence contre l’argent » dans le cadre duquel une quinzaine de membres actuels et anciens du Parlement européen auraient reçu des pots-de-vin de Huawei, le géant chinois des télécommunications.

L’affaire montre qu’une plus grande vigilance est nécessaire en Europe et ailleurs contre les opérations d’influence étrangères malveillantes.

Le 13 mars, plus de 100 policiers auraient perquisitionné 21 bureaux en Belgique, en France et au Portugal, y compris des bureaux de lobbyistes travaillant pour Huawei à Bruxelles, siège de la plupart des institutions de l’Union européenne (UE). La police belge a arrêté plusieurs personnes pour les interroger. Une arrestation a eu lieu en France. Deux assistants parlementaires européens sont soupçonnés et leurs bureaux ont été mis sous scellés par décision de justice. Un bureau au Portugal a été perquisitionné, soupçonné d’avoir reçu des virements destinés à des députés européens.

Le 14 mars, le Parlement européen a interdit l’accès à ses locaux aux lobbyistes de Huawei.

Le 18 mars, le parquet belge a annoncé qu’il avait inculpé cinq personnes dans le cadre de l’enquête sur la corruption liée à Huawei au sein du Parlement européen.

Les enquêtes portent sur les cas de corruption, de falsification et d’organisation criminelle, ainsi que sur un éventuel blanchiment d’argent. Des cadeaux illégaux auraient été reçus dès 2021 à Bruxelles en échange de prise de positions politiques. Ces cadeaux incluraient des voyages, des frais de conférences, des repas et même des billets pour un match de football d’une valeur supérieure à 150 euros par eurodéputé – limite à partir de laquelle ces cadeaux doivent être déclarés. Il paraît qu’acheter un eurodéputé ne coûte pas grand-chose.

Huawei est soupçonnée de collaborer étroitement avec les services de renseignement chinois, ainsi qu’avec l’Iran, la Corée du Nord et Cuba. De toute manière, depuis que le régime chinois a adopté la loi sur le renseignement national en 2017, tous les citoyens et entreprises chinois sont légalement tenus de coopérer avec les autorités dans leurs activités de renseignement, notamment en leur transmettant toute information ou données collectées à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Huawei dispose des moyens technologiques nécessaires pour causer des dommages considérables par espionnage et sabotage dans les 170 pays où cette société opère. Alors qu’il est interdit à Huawei d’accéder aux infrastructures de télécommunications américaines, son implication au Mexique a été qualifiée de « cheval de Troie à la frontière ». En Europe, Huawei reste profondément ancrée dans les télécommunications nationales, à peu près au même niveau qu’en 2022, malgré les avertissements de l’Union européenne et des États-Unis.

La portée et les ressources de ce géant des télécommunications sont énormes, avec une capitalisation boursière de 178 milliards de dollars. Huawei utilise une partie de cet argent pour établir des réseaux au niveau supérieur de la politique européenne, par exemple avec l’ancien président du Conseil européen Charles Michel.

Huawei cherche apparemment à user de son influence pour s’intégrer et développer tous les niveaux de l’intelligence artificielle (IA) et de l’infrastructure cloud de l’Europe, y compris pour des clients gouvernementaux et universitaires. L’entreprise prône un « équilibre » entre sécurité et compétitivité.

Mais est-ce que les Européens veulent vraiment sacrifier leur sécurité pour des télécommunications relativement moins chères ?

La grande majorité des activités de Huawei en Europe sont légales, mais restent bien problématiques en raison de leurs liens avec les services du renseignement du Parti communiste chinois (PCC). En novembre dernier, Huawei a organisé à Paris la Journée européenne de l’innovation 2024. Parmi les participants figureraient Nicola Caputo, membre italien du Comité européen des régions, Ximo Puig, représentant permanent de l’Espagne auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques, Ana Paula Nishio de Sousa, directrice de la transformation numérique et de l’IA à l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel et Rebeca de Sancho Mayoral, conseillère principale pour le financement de l’innovation et des startups dans l’UE.

Lors d’un autre événement tenu à Davos en janvier, une journaliste d’Euronews a posé des questions faciles à Kenneth Fredriksen, PDG de Huawei Europe. Ce dernier a déclaré que Huawei aimerait être « une alternative à l’Europe » à plusieurs égards. La société poursuivra « ce que nous avons fait au cours des deux dernières décennies, en contribuant à la numérisation de l’Europe et, je pense, en aidant l’Europe à se préparer à l’IA, à devenir prête pour l’IA ».

M. Fredriksen a souligné que l’IA est beaucoup plus que ce qu’on voit au niveau d’application, en précisant : « Il faut disposer d’une infrastructure de bout en bout pour pouvoir réaliser tout le potentiel de l’IA. »

L’événement de Davos, une « table ronde exécutive pour les dirigeants », aurait vu la participation de Kenneth Fredriksen, de Charles Michel, de l’ancienne vice-présidente du Conseil européen, Silvana Koch-Mehrin, et du ministre roumain de l’Économie, Ivan Bogdan.

Charles Michel a fait des commentaires à un journaliste, qui seraient bien accueillis à Pékin, y compris ses remarques en soutien à l’Organisation mondiale du commerce et au « multilatéralisme ». Le régime chinois a utilisé l’idéologie du commerce libéral et son accès facile aux formes multilatérales de gouvernance pour accroître de manière rapide et continue son influence mondiale depuis « l’ouverture » de l’Occident à la Chine au début des années 1970.

À l’époque, les États-Unis et leurs alliés ont essayé de détacher la Chine de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et d’affaiblir ainsi la puissance du camp socialiste. Dans le même temps, ils espéraient que, grâce au développement de l’économie de marché, la Chine adhérerait de plus en plus à l’esprit d’entreprise et aux valeurs universelles, qu’elle achèverait la transformation de son système totalitaire et deviendrait un pays libre et démocratique.

La Chine, qui avait à l’époque des problèmes économiques, a bien profité des investissements massifs occidentaux et de l’accès à la technologie moderne, en se transformant rapidement en une superpuissance industrielle et militaire. Toutefois, le pays a préservé son régime totalitaire qui, au fil du temps, a commencé à devenir de plus en plus dictatorial. De plus, le renforcement de la Chine a été suivi d’une amélioration progressive de ses relations avec la Russie – l’héritière de l’Union soviétique – qui ont finalement évolué vers le « partenariat sans limites » proclamé en 2022.

Il semble qu’aujourd’hui la Russie, en tant que membre cette fois économiquement moins fort de ce partenariat, pourrait, à son tour, bien profiter si l’Occident essaye de la « détacher » de la même manière de l’alliance stratégique des régimes totalitaires de Moscou et Pékin.

Entretemps, le régime chinois continuait toujours de profiter de la liberté et de la tolérance des systèmes démocratiques des pays occidentaux pour s’y infiltrer et voler ce qu’il pouvait dans les domaines politique, économique, scientifique, technologique et culturel, y compris par le biais des liens établis par les sociétés chinoises à tous les niveaux de notre société – du nivaux national au niveau « sous-national ».

Par exemple, en mars dernier, Huawei a conclu un partenariat avec le conseil municipal de Barcelone, en Espagne. « Le conseil municipal de Barcelone s’est associé à Huawei pour stimuler l’innovation et la formation en matière de TIC [technologies de l’information et de la communication] », a annoncé Huawei Europe sur X. Cette collaboration « stimulera les projets de ville intelligente et le développement des compétences numériques via l’Académie Huawei Espagne et l’Académie IT de Barcelona Activa ».

Du niveau sous-national au niveau national, des sociétés et d’autres organismes liés au PCC influencent énergiquement la politique européenne et, plus largement, la politique internationale. Il convient de consacrer au moins autant d’énergie à la résistance aux formes légales et illégales d’infiltration de différents agents de l’État-parti chinois. Les perquisitions menées en Europe contre les lobbyistes de Huawei constituent un bon début. Mais il reste encore beaucoup à faire.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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