Le musée du Louvre consacre une exposition à Hubert Robert, maître de la perspective, l’un des principaux artistes du XVIIIe siècle.
Fragonard, Watteau, Boucher, les génies du XVIIIe siècle ont tous eu leur place d’honneur dans les musées et la consécration des critiques, plusieurs expositions et rétrospectives ont été faites à leur honneur alors que d’autres peintres intéressants ont sombré dans un semi-sommeil de la mémoire.
L’année des peintres délaissés
2015-2016 est l’année des académiques délaissés ou sous-estimés longtemps par les critiques d’art et le public : le musée de Cognacq-Jay présente une exposition humble mais très belle de Jean-Baptiste Huet et le musée Anne-de-Beaujeu présente Jean-Geoffroi, le peintre des enfants de la IIIe République.
Mais l’année 2016 est surtout l’année de gloire des deux amis peintres consacrés par leur contemporains, Elisabeth Vigée-Le Brun qui a été présentée au Grand Palais et de Hubert Robert exposé actuellement au musée du Louvre.
Les deux amis qui ont survécu à la Révolution française ont charmé leur époque. Vigée-Le Brun n’a reçu son premier hommage qu’en 1982, et pas en France mais… au Texas, alors que la dernière exposition de Hubert Robert remonte à 1933.
D’ailleurs, l’un des plus beaux portraits de ce peintre est signé par Elisabeth Vigée-Le Brun qu’elle considérait comme son chef-d’œuvre par excellence (voir ci-contre).
Un homme des Lumières
En effet, Vigée-Le Brun a bien su saisir à la fois la vivacité et la spiritualité de ce peintre qui incarne l’esprit d’un XVIIIe siècle à la veille du Romantisme.
Tout comme la rétrospective de Vigée-Le brun, l’exposition du Louvre continuera sa route vers les États-Unis. Architecte, paysagiste, historien et poète, artisan et artiste, Hubert Robert est souvent sous-estimé et réduit à sa réputation de « peintre de ruines ». Le musée du Louvre nous montre un aspect moins connu de cet homme créatif de l’époque des Lumières, à qui Diderot rendra hommage pour sa « poétique des ruines ».
140 œuvres – dessins, peintures, esquisses peintes, gravures, peintures monumentales, ensembles décoratifs, mobilier – sont réunis pour témoigner de l’imagination du peintre et de la diversité de son œuvre. Hubert Robert embrassa les genres distincts du paysage poétique, des vues urbaines à la topographie inventive souvent proche du caprice architectural, des études archéologiques, des réalisations, remarquables et novatrices, dans le domaine des jardins paysagers entre autres à Versailles ou à Méréville, ainsi que des décors palatiaux à Bagatelle, à Rambouillet et jusqu’en Russie.
Le succès à Rome
Hubert Robert est né le 22 mai 1733 d’un père qui est intendant de la famille de Stainville. Il meurt le 15 avril 1808 d’une apoplexie.
Hubert Robert apprend le latin, le grec, les mœurs et les manières du grand monde, ce qui lui permettra de s’y sentir à l’aise et de s’y intégrer.
En 1754, le puissant comte de Stainville nommé ambassadeur du roi de France auprès du pape, l’invite à voyager en sa compagnie.
Hubert Robert restera à Rome jusqu’en 1765. Il apprendra chez les grands maîtres Giovanni Paolo Pannini (1691-1765) et le graveur Giovanni Battista Piranesi (1720-1778). Il étudie avec acharnement les collections d’art les plus prestigieuses. Il passe des heures à peindre et à dessiner les ruines, les jardins, les colonnades, l’arc de Titus, le colisée, la basilique Saint-Pierre ou encore la place du Capitole. Rapidement il expose et gagne une réputation auprès des romains qui retrouvent dans ses œuvres la beauté des monuments qui les entourent. Ce succès déterminera ses choix de carrière.
Son ami Fragonard
À Rome, il rencontre Fragonard et le graveur l’abbé de Saint-Non avec lesquels il parcourt le sud de l’Italie. Les trois visitent Naples, Sorrente et Capri. Ils apprennent l’un de l’autre. Fragonard apprend le sens de la précision du trait géométrique, Robert apprend à libérer le contour dans les tableaux de paysage.
En 1765, il rentre à Paris. Un an plus tard, il est admis à l’Académie Royale de peinture grâce à son œuvre Le Port de Ripetta à Rome, orné de différents monuments d’architecture antique et moderne.
En 1767, il participe au Salon au Palais du Louvre avec une vingtaine de peintures, entre autres celle de son admission qui lui octroie une renommée d’un « peintre d’architecture » mais il présente également son talent en tant que paysagiste avec son œuvre Un Pont, sous lequel on voit les campagnes de Sabine.
Dans Paris qui vit une période d’ « antico-manie », une fascination pour l’antiquité classique, Hubert Robert est acclamé. Diderot, philosophe et critique d’art, l’admire et ne lui épargne pas ses louanges sur ses couleurs, sa poétique et la mélancolie qu’il confère à ses ruines, le sens d’un monde en déclin et du cycle de la vie. Une amitié s’instaure entre les deux hommes.
« Ô les belles, les sublimes ruines ! […] les idées que les ruines réveillent en moi sont grandes. Tout s’anéantit, tout périt, tout passe. »
Autres styles et talents
Hubert Robert est également l’auteur de petites scènes de genre, peintes ou dessinées, qui trahissent sans doute des aspects plus intimes de sa personnalité. On y rencontre notamment des polichinelles de la commedia dell’arte. Il peint également sa femme et ses enfants.
Hubert Robert fut sans conteste le décorateur le plus en vogue au cours du dernier tiers du XVIIIe siècle. Ses panneaux peints étaient présents dans un grand nombre d’hôtels particuliers parisiens mais aussi en dehors de la capitale.
Voltaire lui commande une décoration pour son Théatre à Fernay et Catherine de Russie enviait ses compatriotes pour lesquels Hubert Robert avait exécuté des peintures.
Louis XVI le nomme « garde des tableaux du roi » – le futur musée du Louvre – et lui confie la conceptualisation de ses jardins. Après avoir dessiné l’aménagement du bosquet des Bains d’Apollon au château de Versailles, il devient alors le « dessinateur des jardins du roi », succédant alors à André Le Nôtre.
Mais le plus beau et le plus impressionnant de ces jardins est sans doute celui de Méréville qu’il peint également dans un de ces tableaux : Le Château et le parc de Méréville. C’est un jardin à l’anglaise, qui donne un effet « nature », contrairement au jardin à la française. Pour cela, il déplace des rochers, aménage de petites collines, des falaises, détourne la rivière et construit une grotte. Le résultat est spectaculaire.
La Révolution
À Paris, il peint un monde en mutation : la destruction de vieilles maisons comme celles du Pont-au-Change ou la démolition de la Bastille mais aussi la construction de nouveaux bâtiments comme l’École de chirurgie.
Quand la révolution éclate, Hubert Robert est arrêté. Il se retrouve en présence d’autres artistes peintres et poètes condamnés pour « incivisme et liaison avec l’aristocratie ». Dans la prison, il peint sur des assiettes, sur des tables, des chaises, sur tout ce qui lui tombe sous la main. De cette période il nous a laissé un témoignage de la vie quotidienne en prison. Hubert Robert est délivré le 4 août 1794, après la chute de Robespierre. En 1795, il est nommé conservateur du Muséum national des arts, le futur musée du Louvre. C’est de cette période féconde que datent les nombreuses vues du Louvre, réelles ou imaginaires. C’est en 1796 qu’il peint les deux œuvres spectaculaires qui font partie de ses projets d’aménagement du musée pour accueillir le patrimoine européen après les ravages de la Révolution : Projet pour la transformation de la Grande Galerie et Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruine.
Une promenade féerique
Robert Hubert est le maître de la perspective. Les tableaux de grande taille de Rome comme de Paris accueillent le public avec charme et l’invite à rentrer dans la peinture et à s’y promener pour découvrir les petits détails du site ou des monuments. Sites et monuments le plus souvent tout à fait faux et visionnaires pour mieux séduire le spectateur.
Pour en savoir plus :
Exposition Hubert Robert, 1733-1808
Un peintre visionnaire
Du 9 mars au 30 mai 2016
Lieu : Hall Napoléon, sous la pyramide
Tarifs sur place : Billet unique (collections permanentes et expositions) : 15€.
Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 9 h à 18 h. Nocturnes les mercredi et vendredi jusqu’à 21h45.
Renseignements : 01 40 20 53 17
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