Mardi 18 avril, le Parlement européen a adopté définitivement l’essentiel du controversé plan climat de l’Union. Un paquet de mesures qui comprend une réforme du marché carbone, une « taxe carbone » aux frontières de l’Union, mais aussi la mise en place d’un « second marché du carbone », portant cette fois sur le chauffage et les carburants routiers. De quoi susciter une levée de boucliers en France, alors que le pouvoir d’achat des ménages poursuit son érosion sous le poids de la pression fiscale et d’une inflation galopante. Pour discuter des tenants et aboutissants de ce dispositif législatif, The Epoch Times s’est entretenu avec Virginie Joron, députée européenne du Rassemblement national au sein du groupe Identité et Démocratie et membre de la Commission spéciale du Parlement européen sur le Covid-19 (COVI).
Etienne Fauchaire : Le Parlement européen a adopté une « taxe carbone » qui visera à l’importation les secteurs jugés polluants comme le fer, l’acier, le ciment ou encore l’aluminium. En revanche, importer un produit fini fabriqué à partir d’un de ces matériaux ne demandera pas de s’acquitter de cette taxe. Alors que l’idée était d’éviter des délocalisations, cette mesure ne risque-t-elle pas paradoxalement de les causer ?
Virginie Joron : Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) doit compenser les conséquences sur les industries de l’importation de produits provenant de pays tiers n’ayant pas de tarification équivalente sur le carbone pour éviter une concurrence déloyale. On pourrait considérer qu’il s’agit d’un premier pas vers un retour au protectionnisme mais la crainte de mesures de rétorsion de la part de l’OMC et des partenaires de l’UE en a limité la portée. Il va s’accompagner de la suppression progressive des quotas gratuits dans le cadre du SEQE 1 dont bénéficient les industries européennes. De plus, il ne concernera dans un premier temps que les matières premières importées dont les coûts vont se renchérir, alors que les produits finis ou semi-finis importés ne seront pas concernés. En effet, le calcul des émissions de GES pour chaque produit fini est trop complexe à estimer à ce stade. La délégation du RN a décidé de s’abstenir comme elle l’a fait sur les votes précédents concernant ce texte, car il donne lieu à la création d’une nouvelle ressource propre qui sera reversée aux pays les moins avancées. Par ailleurs, son impact sur l’industrie française est estimé à une perte de 40.000 emplois dans sa configuration actuelle.
Comme à chaque fois avec ce type de mesure contraignante pour l’industrie, on déplace la production au plus près des gisements de matières premières. C’est comme cela que l’Asie a gardé son leadership sur toute la filière électronique mettant en difficulté l’industrie automobile en Europe et notamment en France avec la pénurie de semiconducteurs. Le risque avec cette taxe est donc que les pays européens perdent des parts de marché dans de nombreux secteurs concurrentiels dépendant de ces pays fournisseurs de matières premières. En parallèle, l’UE est à l’origine de Traités de libre échange, ce qui, par définition, génère de la pollution à travers le monde.
Quel est votre avis sur le système d’échange de quotas d’émission et de l’abolition des « droits gratuits à polluer » ?
En réalité, en pleine crise et alors que les prix de l’énergie flambent en Europe, l’Union européenne veut contribuer à la hausse du prix du carbone sur le marché EU-ETS et alourdir considérablement la facture des entreprises et des ménages européens. Ce système va aggraver la précarité et les fractures entre pays européens. A contrario, nous souhaitons une baisse du prix du carbone en injectant, si besoin, des quotas d’émission dans le marché. La réserve de stabilité a été créée pour encaisser les chocs et les défaillances, c’est l’occasion de l’utiliser correctement.
En 2027, les ménages européens devront régler une taxe carbone sur le chauffage et le carburant, qui pourra monter jusqu’à 45 euros par tonne de carbone émise par particulier. Sur fond de crise sociale marquée par une hausse galopante de l’inflation et une baisse constante du pouvoir d’achat en France, son instauration ne risque-t-elle pas de déclencher un nouveau mouvement des Gilets jaunes ?
La création d’un nouveau marché du carbone couvrant les émissions du chauffage des bâtiments et du transport routier (SEQE 2) applicable en 2027 ou en 2028 selon le prix moyen du gaz est contestée car elle consiste à créer une taxe supplémentaire sur le carbone qui touchera principalement les ménages : le surcoût est estimé à 10 centimes par litre d’essence et à 12 pour le diesel. La délégation du RN national s’est toujours opposée au principe d’un marché spéculatif du carbone et refuse la création d’une nouvelle taxe européenne qui va renchérir le coût du le chauffage et des déplacements des Français.
La France est l’un des pays qui polluent le moins, avec moins de 1% des émissions de CO2 dans le monde, et les Français auront donc à subir une nouvelle mesure d’écologie punitive qui viendra réduire leur pouvoir d’achat et alourdir la charge des ménages. La taxe carbone sur le carburant est totalement injuste et hypocrite, elle vise à inciter les Européens à acheter des voitures électriques alors que celles-ci sont bien moins écologiques de leur procédé de fabrication à leur recyclage (exploitation de mines, terres rares…). Les Français les plus modestes n’auront pas les moyens de s’équiper avec ce type de véhicule non fiable pour les longues distances et dans les régions au climat froid. Enfin, avec la taxe carbone sur le chauffage, il est fort à parier que de nombreux Français renonceront à se chauffer alors que c’est déjà le cas en raison de l’inflation. Il est donc fort possible qu’un mouvement similaire aux Gilets jaunes voie le jour.
Que répondez-vous à ceux qui mettent en avant ce Fonds social pour le climat (FSC) destiné à aider les microentreprises et les ménages vulnérables face à l’augmentation des prix du transport routier et du chauffage ?
L’objectif affiché de ce fonds serait « d’aider les Européens les plus vulnérables » sans nous dire de quelle manière, et puis d’intervenir dans les investissements dans l’efficacité énergétique, la décarbonation et les transports durables qui constituent aujourd’hui une transition à marche forcée qui ne réglera pas la question climatique efficacement. La pollution générée dans le monde n’est pas due aux voitures individuelles diesel ou au chauffage au fioul mais à la mondialisation, aux supertankers qui parcourent le monde. La solution de bon sens consisterait plutôt à fabriquer, vendre et recycler dans un périmètre plus restreint grâce à une réindustrialisation massive couplée à des mesures protectionnistes.
La délégation du RN rejette la logique fédéraliste consistant à créer une nouvelle ressource propre en ponctionnant l’argent directement sur nos entreprises pour que la Commission le redistribue selon ses propres critères. De plus, il s’agit d’une mise sous pilotage européen des politiques publiques menées au sein de chaque État. La délégation RN rejette intégralement la logique de ce fonds puisqu’il s’agit une fois de plus de compenser des politiques européennes nocives par la création d’un fonds de compensation. Le système est toujours le même, plutôt que de donner des marges de manœuvre aux États, l’UE leur ponctionne de l’argent, qui ne leur sera que partiellement retourné et qui plus est, sous conditions.
Dimanche dernier, le chef du parti conservateur polonais PiS, Jarosław Kaczyński, a fustigé la volonté de la « majorité libérale de gauche » au Parlement européen de vouloir imposer un agenda guidé par le « communisme vert ». Faites-vous la même analyse ?
Ce qui est sûr c’est que l’UE déploie tout un arsenal de mesures qui vont systématiquement dans le sens de l’écologie punitive guidée par l’agenda des Verts allemands qui imposent leur modèle. Les mesures dites écologiques, supposées freiner le changement climatique, sont en réalité purement idéologiques, injustes, incohérentes et inefficaces.
Tout au long de la crise du Covid-19, vous vous êtes investie dans la lutte contre les mesures sanitaires en soulignant notamment leur caractère autoritariste et disproportionné par rapport à leur efficacité. Dans le même ordre, peut-on craindre le déploiement progressif d’un arsenal de mesures attentatoires aux libertés au nom de la lutte contre le réchauffement climatique ?
Tout est possible. Des mesures de plus en plus contraignantes sont mises en place, comme la taxe carbone sur le chauffage et les carburants, comme les zones à faible émission qui relèguent les Français les plus modestes en dehors de nos centres villes. On veut nous imposer de manger moins de viande, qu’on remplacerait par des criquets, comme la Commission l’a autorisé. On veut fermer les aéroports régionaux, obliger les populations à rouler en voiture électrique, alors que les plus modestes n’en ont pas les moyens. Malheureusement, plus on avance, plus les mesures démagogiques fleurissent. Il est également fort à craindre que le futur passeport européen d’identité numérique devienne un outil de contrôle des émissions de CO2 et intègre un « permis carbone » particulier si on suit la logique actuelle.
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