« Il n’y aura pas de majorité si nous ne parvenons pas à élargir du centre gauche social-démocrate jusqu’à la droite républicaine », estime Martin Garagnon, porte-parole d’Ensemble pour la République

Par Julian Herrero
18 juillet 2024 12:44 Mis à jour: 18 juillet 2024 12:44

ENTRETIEN – Après les élections législatives, le camp présidentiel n’a pas remporté le nombre de sièges suffisant pour être en mesure de gouverner seul et se retrouve contraint de travailler avec les autres partis. À défaut de proposer un pacte de gouvernement, les Républicains ont mis sur la table un pacte législatif prônant la « revalorisation du travail » et la « restauration de l’autorité ». Le Nouveau Front populaire, quant à lui, continue de se diviser sur le nom d’un candidat à Matignon à proposer à Emmanuel Macron. Pour le porte-parole d’Ensemble pour la République, Martin Garagnon, il est temps pour son parti de « revenir aux fondamentaux d’En Marche et de travailler avec d’autres formations politiques républicaines ».

Epoch Times – Martin Garagnon, la nouvelle configuration de l’Assemblée nationale ne permet à aucun bloc, y compris le bloc central de revendiquer seul le pouvoir. Lundi, à l’occasion d’une réunion avec les leaders des partis le soutenant, Emmanuel Macron a appelé à bâtir une « coalition républicaine avec les autres forces ». Où en sont aujourd’hui les discussions au sein de votre parti ? Quel scénario d’alliance est privilégié ?

Martin Garagnon – Rappelons dans un premier temps que c’est l’essence même du macronisme d’être dans une démarche d’élargissement et de pouvoir travailler avec d’autres formations politiques républicaines. Nous allons donc revenir aux fondamentaux du mouvement En Marche créé en 2016 et répondre au message que nous ont envoyé les Français le soir du second tour des élections législatives en ne donnant pas de majorité claire au Parlement.

Concernant les négociations, nous en sommes pour le moment, jusqu’au 18 juillet à l’étape de l’affiliation des députés aux différents groupes. Nous verrons en fonction des rapports de force dans la nouvelle assemblée.

Je constate que les Républicains nous offre la possibilité de travailler ensemble sur des sujets précis et pour une durée délimitée dans le cadre d’un pacte législatif, ce qui est une option à prendre en considération.

Les Républicains ont dévoilé un « pacte législatif » reposant sur plusieurs axes : « Restauration de l’autorité, favoriser la production industrielle et agricole locale et renforcer les services publics de proximité, lutter contre la bureaucratie et promouvoir les libertés locales ». Il contient également des lignes rouges : « Aucune augmentation d’impôts, ni de baisse des pensions ». Votre parti est-il prêt à travailler avec la droite autour de ce pacte ?

C’est assez surprenant de constater que le contenu de ce pacte correspond précisément à la politique que nous menons depuis plusieurs années. Sous l’égide d’Emmanuel Macron, les gouvernements successifs n’ont pas augmenté les impôts. Gabriel Attal en a même fait une règle d’or pendant la campagne des législatives.

Nous avons également été au rendez-vous du retour de l’autorité prôné par LR. Gabriel Attal l’a prouvé lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale en faisant interdire le port de l’abaya dans les établissements scolaires, mais aussi Gérald Darmanin en expulsant des imams prêcheurs de haine en un temps record.

Je ne comprends pas pourquoi les LR n’ont pas acté que nous étions sur la même longueur d’ondes sur ces sujets et qu’ils ne nous ont pas rejoints plus tôt.

Une alliance législative avec LR ne risquerait-elle pas de déchirer le bloc central à cause des divergences sur le thème de l’immigration ? Les LR souhaitent remplacer l’Aide Médicale d’État (AME) par une aide médicale d’urgence.

 Toute la classe politique sait très bien qu’il n’y aura pas de majorité si nous ne parvenons pas à élargir du centre gauche social-démocrate jusqu’à la droite républicaine. Il va donc falloir s’entendre.

La question de l’AME avait déjà été abordée à l’occasion des débats sur la loi immigration, et finalement, Élisabeth Borne avait décidé qu’elle ferait l’objet d’un texte à part puisqu’elle constituait un cavalier législatif dans le cadre de la loi immigration.

Une réforme de l’AME est nécessaire, elle ne doit pas servir de pompe aspirante à l’immigration, mais en même temps, c’est une question de santé publique. Et ceux qui affirment qu’elle coûte cher à l’État se trompent. Elle représente un budget d’1,4 milliards d’euros. Pas de quoi dégager des marges de manœuvre budgétaire considérables. Je ne pense donc pas que sa suppression soit un souhait global de la droite républicaine.

Comment vont être répartis les postes à l’Assemblée nationale ?

Plusieurs personnalités ont montré leur intérêt pour la présidence de l’Assemblée nationale, notamment la présidente sortante Yaël Braun-Pivet et la députée Horizons Naïma Moutchou qui était jusqu’à alors vice-présidente. Toutes ces candidatures sont parfaitement légitimes.

Maintenant, pour avoir une répartition optimale des postes, des compromis devront être trouvés. Comme vous le savez, il y a un certain nombre de postes qui vont être répartis à travers des nominations, des désignations et des votes à partir du 18 juillet. Nous allons donc devoir nous entendre avec nos partenaires, pour que personne ne se sente lésé.

Se pose ensuite la question de la représentation de l’ensemble des forces politiques. Elle fait encore l’objet de discussions dans notre camp. Certains disent que les partis qui ne sont pas dans l’arc républicain ne doivent pas occuper des postes clés, d’autres estiment à l’instar du président du MoDem François Bayrou que l’ensemble des forces politiques doivent être représentées.

À titre personnel, je pense que toutes les formations politiques doivent pouvoir occuper des postes clés si l’on ne veut pas s’exposer à des critiques.

La tension monte actuellement au sein du Nouveau Front populaire. Les différents partis de gauche ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le nom d’un Premier ministre à proposer à Emmanuel Macron. Les Insoumis ont annoncé suspendre les négociations avec le reste du NFP, s’insurgeant contre le « blocage » provoqué par le PS. Que traduisent, selon vous, ces divisions au sein du bloc de gauche ?

Nous disions déjà, lors de la campagne des législatives, que le NFP ne tiendrait pas longtemps et qu’il volerait en éclats au lendemain du second tour. Cela se confirme aujourd’hui. Ils ne sont d’accord sur rien. Les partis de gauche prouvent que leur alliance était purement électoraliste, sans fondement programmatique ni incarnation. Le NFP crie victoire depuis plus d’une semaine et reproche au président de la République de nier le résultat des élections parce qu’il n’a toujours pas nommé à Matignon quelqu’un issu de ses rangs, et il n’est même pas capable de proposer un nom.

La gauche démocrate et républicaine a fait le choix de cette alliance baroque alors même qu’elle avait fait le constat à l’époque de la Nupes que ça ne fonctionnait pas et qu’ils n’étaient d’accord sur rien. C’est aussi la responsabilité du Parti socialiste d’acter que cette alliance n’a pas d’avenir politique et qu’il est temps de la quitter.

Nous, nous avons été très clairs. Nous voterons une motion de censure pour tout gouvernement comportant un ministre LFI. Mais si la gauche républicaine parvient à s’émanciper du repoussoir que constituent Jean-Luc Mélenchon et LFI, alors nous pourrons discuter avec elle, notamment sur la base de propositions émanant du programme du Nouveau Front populaire, au même titre que nous pouvons discuter et travailler avec les Républicains.

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