Après les États-Unis, le Canada et le Parlement européen, c’est au tour de la France de se questionner sur le média social chinois Tik Tok et de réfléchir à son interdiction auprès des fonctionnaires.
Une commission d’enquête a été lancée à ce sujet le 1er mars par le sénateur Claude Malhuret. Le réseau social chinois est suspecté de transférer les données personnelles de ses utilisateurs étrangers à des fins politiques et d’avoir une influence néfaste sur les jeunes générations occidentales.
La commission prévoit d’entendre différents intervenants pour déterminer le danger potentiel de l’application en France. Elle étudiera les thématiques de la protection des données, la mauvaise influence sur le jeune public et les soupçons qui pèsent sur l’algorithme de l’application. Les 19 membres de la commission auront six mois pour remettre leur rapport.
Pour en savoir plus sur cette première enquête du genre, Claude Malhuret a répondu aux questions de notre correspondant NTD David Vives.
Epoch Times: Pour commencer, qu’est ce qui distingue Tiktok des autres médias sociaux en France ?
Claude Malhuret : D’abord, il y a sa nouveauté. C’est la plateforme la plus récente, celle qui se développe le plus rapidement. La deuxième particularité, c’est qu’elle s’adresse beaucoup plus que les autres plateformes à un public d’adolescents, voire même d’enfants, c’est-à-dire un public particulièrement fragile. La troisième particularité, c’est que son algorithme est plus addictif, beaucoup plus addictif que ceux des autres plateformes. C’est quelque chose qu’il faut évidemment vérifier. La quatrième particularité, c’est que beaucoup d’enquêtes de journalistes ou de régulateurs ont mis en lumière le fait que Tik Tok ne jouait pas le jeu des RGPD sur les transferts de données. C’est la raison pour laquelle la CNIL lui a infligé une amende de 5 millions d’euros. Mais ce n’est pas rien pour eux. Et puis la dernière particularité, c’est qu’à la différence des autres plateformes, Tik Tok est une société chinoise. La loi chinoise doit obéir à toutes injonctions du gouvernement central et notamment aux sollicitations des services de renseignement chinois.
La Commission européenne a récemment interdit l’utilisation de Tik Tok par ses employés. Sur quels éléments s’appuie-t-elle pour envisager une telle décision ?
C’est justement ce que j’aimerais savoir et c’est justement une des raisons de la commission d’enquête. La Commission européenne a ouvert une boîte de Pandore parce qu’en disant ne pas vouloir que nos fonctionnaires utilisent l’application, cela veut dire qu’il y a derrière des soupçons graves et peut être même des soupçons de transfert et d’examen de données par une puissance étrangère. La Commission européenne ne le fait pas pour rien, mais elle ne dit pas pourquoi.
Quand je dis qu’elle ouvre une boîte de Pandore, c’est une question que je souhaite poser à la Commission européenne. Parce que si elle nous présente effectivement ces éléments, à partir de là, cela ne concerne pas que la Commission européenne, cela concerne tous les gouvernements européens, ça concerne également les employés et les dirigeants d’entreprises stratégiques. Par conséquent, c’est une question fondamentale. Je vais demander à la Commission européenne de nous dire pourquoi elle s’est contentée de l’interdire aux fonctionnaires européens sans donner d’explication.
Dans l’exposé des motifs pour la création de la Commission sénatoriale, on trouve ce passage : « La nature des contenus mis en avant, mais aussi les durées maximales d’utilisation pour les jeunes utilisateurs ne sont pas les mêmes selon que l’utilisateur se trouve en Chine ou dans le reste du monde. Cherchant à accroître le caractère addictif de son application par la propagation de contenus tapageurs à l’étranger, l’application partagerait au contraire des contenus pédagogiques en Chine ». Peut-on envisager en ces termes que Tik Tok est un outil de subversion du Parti communiste chinois?
D’abord, il faut établir ce que l’on dit. Est-il vrai que la façon de s’adresser au public est différenciée en Chine et dans d’autres pays? Une fois que cela est établi – si c’est le cas, il faut encore faire attention parce que toutes les plateformes de médias sociaux sont obligées, dans les pays totalitaires comme la Chine ou comme la Russie, de se conformer aux lois. Par conséquent, si ces plateformes veulent être diffusées, elles sont obligées d’accepter la loi chinoise et ce n’est pas à l’initiative des plateformes.
En revanche, en ce qui concerne Tik Tok, il semble que ce soit bien à l’initiative de l’entreprise de différencier le contenu. Alors, est-ce qu’à partir de cela on peut dire que c’est une stratégie délibérée pour organiser la subversion dans les pays démocratiques, cela fait partie des choses qu’on aimerait savoir.
Aux États Unis, le sénateur Josh Rowley a proposé une loi de bannissement du réseau social qui met en avant la protection de la vie privée et le bien être des enfants…
Ce problème pour moi existe sur toutes les plateformes avec l’absence de modération ou au contraire avec une modération qui veut faire le maximum de buzz. C’est ce qui produit les discours de haine en ligne, les discours de promotion du terrorisme, etc.
Le problème de l’algorithme de TikTok est particulier pour deux raisons. La première, c’est qu’il s’agit essentiellement d’un public d’enfants et d’adolescents, beaucoup plus que les autres plateformes. La deuxième raison, c’est qu’apparemment la modération sur Tik Tok est infiniment moins développée que sur les autres plateformes. Ce sont deux problèmes majeurs.
Je comprends que les parlementaires américains soient en train, dans le but de la protection de la jeunesse américaine, de se pencher sur le problème. Un certain nombre de psychologues qui sont soient pédopsychiatres, soient psychologues dans d’autres domaines, attirent l’attention sur les problèmes de construction cognitives des enfants et des adolescents. Ce sont des choses sur lesquelles nous allons évidemment nous pencher. Nous allons faire venir ces psychologues. Nous allons faire venir aussi des psychologues qui ont d’autres avis et on va confronter leurs opinions.
Quelles suites peut-on envisager suite à la confirmation des allégations de nuisance de Tik Tok ou de captation des données des usagers ?
La commission d’enquête parlementaire va comporter 19 sénateurs et des administrateurs, cela veut dire que ce sera un travail sérieux. Cette commission est là pour avoir des suites et des conclusions. Ces suites peuvent être, par exemple, des recommandations au gouvernement français pour la prise d’un certain nombre de décisions. Elles peuvent être la préparation de propositions de loi, puisque dans ce domaine, il est vrai que ça va tellement vite qu’il faut, au fur et à mesure, légiférer. C’est la deuxième possibilité de la commission d’enquête. La troisième possibilité, au cas où il y aurait des délits sur le plan pénal que la commission met à jour, c’est évidemment d’en tirer les conclusions judiciaires. Mais on n’en est pas là aujourd’hui, et je ne peux pas prévoir ce que la commission va découvrir au cours de son enquête.
Propos recueillis par David Vives, NTD
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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