« Le jour où ils ont tué ma fille, tout le monde était à la fenêtre. Les deux voyous étaient sur une moto, casqués, avec les kalachnikovs » : aujourd’hui, dans cette cité marseillaise jusque là épargnée par le narcobanditisme, « personne ne sait rien », une loi du silence que dénonce la mère de Socayna.
Le 10 septembre vers 23h00, la jeune femme de 24 ans, était touchée au visage par une balle qui venait de traverser le contre-plaqué sous sa fenêtre. L’appartement se trouve au 3e étage d’un petit immeuble de la cité Saint-Thys. Un choc pour ce quartier défraîchi mais arboré, situé dans le sud-est de la ville.
« Ma fille a pris une balle dans la tête dans sa chambre, en pyjama, elle était en train de travailler sur son ordi. Qui peut expliquer ça ? », poursuit Layla. Socayna venait de se servir un café pour travailler une partie de la nuit. Elle étudiait le droit, rêvait de devenir avocate. Sa vie était à la fac et dans ses livres.
Dehors, un point de deal s’était installé avec l’été. Est-ce une bande rivale venue tirer à l’aveugle ? Était-ce une de ces démonstrations de force avec arme de guerre qui s’exhibent sur les réseaux sociaux ? Une rafale est-elle partie toute seule ?
« C’est compliqué d’avoir des gens qui parlent »
Le procureur de Marseille, Nicolas Bessone, pourrait apporter des réponses jeudi à 17h00 lors de sa conférence de presse consacrée au funeste record 2023 d’une cinquantaine de « narchomicides » dans la 2e ville de France. L’enquête est en tous cas sur le haut de la pile de la police judiciaire. Sur place, les enquêteurs ont trouvé 23 douilles de kalachnikov. Mais pour l’heure personne n’aurait encore été interpellé. « C’est compliqué d’avoir des gens qui parlent sur le dossier », confirme à l’AFP une source proche de l’enquête.
Philippe De Villiers sur la mort de Socayna
« J’en veux beaucoup a nos politiciens.
Quand je faisais de la politique on me disait <tiens hop ! un tel il snif>
Nos élites ont protégé la drogue et je pèse mes mots » pic.twitter.com/3q5TDRFzV5— Réalité Actuelle (@ReaActuelle) September 15, 2023
Ce drame s’est reproduit, fin novembre à Dijon, où un père de famille est mort dans son lit, lui aussi victime d’une balle perdue.
Trois mois après la mort de Socayna, l’AFP a retrouvé sa mère Layla, au milieu des cartons, dans son nouvel appartement. Elle a emménagé dans une résidence presque neuve et sécurisée. Le bailleur social Unicil a accédé à sa demande de déménagement, adaptant le loyer à sa capacité financière. Sabrina, sa plus jeune fille, tente elle de reprendre le fil de sa scolarité au collège.
Layla s’inquiète pour elle, tout en avouant combien il est difficile de partager leurs douleurs respectives. Mère célibataire, elle joignait les deux bouts avec un petit salaire de 800 euros d’accompagnatrice d’élèves en situation de handicap. Elle n’est pas en état de reprendre pour l’instant.
L’argent roi et la loi du silence
Elle dénonce l’argent roi dans la société – « y’a que ça qui compte » – mais aussi le silence de ses anciens voisins : « moi j’ai perdu ma fille et toi, tu as peur de parler, mais pourquoi ? Je n’arrive pas à trouver de réponse ».
Elle se souvient aussi avec tristesse du peu de personnes (une centaine) qui avaient fait le déplacement pour la marche blanche en octobre.
À Saint-Thys, habitants comme commerçants sont fuyants. « On est tranquille, il y a la BAC (NDLR: brigade anticriminalité) qui passe », dit l’un. « Des dealers ? Je peux pas dire, je suis dans le magasin », dit un autre.
« Quand un délinquant ou un criminel se fait tuer par la police, les zones de non France brûlent tout.
Mais quand Fayed (10 ans) ou Socayna (24 ans), se font buter par des racailles, RIEN !
Curieuse solidarité ethnique, raciale et religieuse de ces zones avec les racailles ! »… pic.twitter.com/9D4aQsuXtO
— Jean MESSIHA (@JeanMessiha) September 13, 2023
Depuis le drame, le passage sous un immeuble que les trafiquants occupaient a été muré. Un équipement de sport extérieur vient d’être inauguré, à côté du club de boxe. Des travaux de rénovation sont planifiés pour 2024.
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