Plus de 3000 soignants, dont la Prix Nobel de médecine (2008) Françoise Barré-Sinoussi et le président du Comité consultatif national d’éthique Jean-François Delfraissy, demandent « le maintien » de l’Aide médicale d’État (AME) pour les étrangers sans-papiers, dans une tribune publiée jeudi dans le journal Le Monde.
« Nous, soignants de toutes spécialités et de toutes origines, souhaitons nous opposer fermement et de manière unie au projet de suppression de l’AME au profit d’un dispositif dégradé », écrivent les signataires.
Ils appellent « le gouvernement et nos élus à renoncer à tout projet (y) portant atteinte ou venant restreindre son périmètre » comme le prévoit le projet de loi immigration, examinée à partir de lundi au Sénat. Dans le texte de loi, il est remplacé par une aide médicale d’urgence au périmètre de soins plus restreint. L’AME permet une couverture intégrale des frais de santé accordée aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois et selon la dernière étude nationale menée par l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé), publiée fin 2019, un immigré en situation irrégulière sur deux en bénéficiait.
Éloigner les sans-papiers du système de santé
C’est « un outil de lutte contre les exclusions qui n’est accessible que pour les personnes dont les ressources sont inférieures à 810 euros par mois et qui font preuve d’une résidence stable en France », soulignent-ils. Ces patients ne sont pas « dans leur grande majorité, des personnes qui ont migré vers la France pour se faire soigner, mais des personnes qui ont fui la misère, l’insécurité ou qui l’ont fait pour des raisons familiales ».
Or, « leurs conditions de vie difficiles en France les exposent à des risques importants », jugent ces soignants, pour lesquels « l’éloignement du système de santé aboutit in fine à des retards de diagnostic, au déséquilibre et à l’aggravation des maladies chroniques, ainsi qu’à la survenue de complications ».
Augmentation de maladies infectieuses
Toute suppression de l’AME, qui viendrait de fait « limiter leur accès aux soins », pourrait entraîner « une dégradation de leur état de santé », s’inquiètent les signataires, qui rappellent qu’en Espagne, la mise en œuvre d’une politique similaire en 2012 avant abrogation en 2018 avait entraîné « une augmentation de l’incidence des maladies infectieuses ainsi qu’une surmortalité ».
« Nous (…) soignons les personnes sans papiers comme n’importe quels autres patients. Par humanité, et conformément au code de déontologie médicale auquel nous nous référons et au serment d’Hippocrate que nous avons prêté à la fin de nos études. C’est l’honneur de notre profession », ajoutent-ils.
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