Christy Albinson fait encore des cauchemars. Les cauchemars d’enfants sont les pires, dit-elle, près d’un mois après le tragique incendie de Lahaina à Hawaï.
« J’ai été traumatisée. Mes rêves sont assez fous. Ils sont horribles : des enfants enterrés dans le sable. J’ai peur« , a déclaré Mme Albinson.
Et lorsque les crises de panique surviennent sans préavis, elle fait tout ce qu’elle peut pour rester calme.
Parfois, une question lui traverse l’esprit : pourquoi a-t-elle survécu, alors que tant d’autres sont morts ?
Ce n’est pas tant la culpabilité du survivant qu’une colère qui l’anime, le sentiment que la tournure des événements aurait pu être toute autre, si les responsables des mesures d’urgence avaient réagi différemment.
Tout ce que Mme Albinson, 47 ans, sait, c’est que les personnes qui sont restées dans leur véhicule au milieu de la circulation ont péri dans la fumée et les flammes.
« Ils conduisaient vers leur mort, en fait. J’ai compris que j’étais maître de mes choix et que je ne devais pas écouter la police », explique Mme Albinson à Epoch Times.
« J’ai compris que je devais contourner les barrières et faire ce qu’il fallait, parce qu’il s’agissait de ma vie. J’ai des petits-enfants. Je devais rejoindre ma famille. »
Plusieurs autres résidents et travailleurs de Lahaina ont déclaré à Epoch Times qu’ils n’avaient survécu qu’en contournant ou en franchissant les barrages de police, reconnaissant que les policiers ne faisaient qu' »obéir aux ordres ».
« Le bon sens », a déclaré Grale, un habitant de Maui-Ouest qui travaillait dans un quartier résidentiel fermé à Lahaina le jour de l’incendie.
« Moi ? J’étais en mode panique. Je me suis dit, je me tire d’ici. J’étais en mode survie. Honnêtement, je n’arrivais pas à croire le nombre de voitures brûlées sur la rue principale (Front Street). »
L’incendie de Lahaina a brûlé 878 hectares et plus de 2000 maisons et bâtiments dans cette communauté côtière historique de 13.120 habitants.
La pittoresque Front Street, qui longe l’océan, est la rue principale de la ville et le lien avec l’autoroute de contournement de Lahaina qui mène à la communauté.
Plusieurs incendies
Selon les autorités, le premier incendie s’est déclaré dans les broussailles près de Lahaina après minuit le 8 août, provoquant des coupures d’électricité sporadiques et deux autres grands incendies à l’intérieur des terres.
À 10 heures du matin, les autorités ont annoncé que l’incendie de Lahaina était complètement circonscrit, malgré une capacité limitée de pompage de l’eau. Toutefois, l’incendie s’est rapidement ravivé dans les hautes terres surplombant la ville en début d’après-midi, poussé par des vents de 130 kilomètres à l’heure qui ont projeté des braises chaudes dans les zones les plus densément peuplées de Lahaina.
La police locale a réagi en installant des barrages routiers le long de l’autoroute en direction du nord, ce qui, selon les habitants, a créé d’énormes goulots d’étranglement pour les personnes qui tentaient de s’enfuir.
Selon les autorités, une centaine de personnes au moins se sont précipitées dans l’océan alors que l’air se chargeait de fumée noire et de cendres tourbillonnantes. Plusieurs sont demeurés dans l’eau pendant des heures, jusqu’à l’arrivée des secours.
Le 24 août, les autorités du comté de Maui ont intenté une action en justice accusant la compagnie d’électricité, Hawaiian Electric, de « négligence grave » en ne mettant pas hors tension les lignes électriques, ce qui aurait permis d’éviter l’incendie de forêt. Le comté réclame 5,5 milliards de dollars en dommages matériels et en pertes humaines catastrophiques.
La compagnie d’électricité a réfuté l’accusation, affirmant qu’elle avait coupé l’électricité des lignes pendant environ six heures lorsque le deuxième incendie s’est déclaré à Lahaina.
Prémonition « inquiétante »
Mme Albinson a déclaré qu’elle s’était réveillée le matin du 8 août avec le sentiment étrange que quelque chose n’allait pas ce jour-là. Mais de quoi s’agissait-il ? Elle ne le savait pas exactement.
« J’ai eu le sentiment étrange que quelque chose n’allait pas avant d’aller travailler », relate-t-elle. « J’ai fait le plein d’essence et j’ai acheté des provisions. J’étais incertaine. »
Mme Albinson occupe le même emploi depuis dix ans, nettoyant des copropriétés et des chambres d’hôtes dans l’ancien quartier de surfeurs de Puamana, à Lahaina.
Elle a appelé son patron à 7h30, qui lui a dit que l’électricité était coupée et que se rendre au travail en voiture prendrait plus de temps que d’habitude en raison du risque d’incendie et de la circulation sur Front Street, l’axe principal de la ville.
Environ 90 minutes plus tard, Mme Albinson est arrivée au travail, après avoir traversé une « file de voitures immense ».
Elle se souvient que le vent semblait descendre en cascade le long du flanc de la montagne depuis le nord, alors que l’ouragan Dora passait à des centaines de kilomètres de la côte méridionale.
« C’était presque un vent tourbillonnant. C’était complètement fou, je n’avais jamais rien vu de tel », a déclaré Mme Albinson.
« Ce vent était vraiment dingue. Il fallait se protéger la tête si on sortait de la voiture. Les choses nous volaient dans les yeux. »
Vers 15 h 30, la situation s’est aggravée. Mme Albinson et un collègue ont quitté le travail ensemble et se sont suivis l’un l’autre jusqu’à leur domicile dans des véhicules distincts.
« Nous espérions atteindre l’autoroute et nous rendre à la prochaine rocade », explique-t-elle. « Au lieu de cela, nous avons été bloqués par la police et les cônes de signalisation. »
Mme Albinson se souvient d’avoir dit à un ami au téléphone, alors qu’elle était prise dans la circulation dense de Front Street : « Je pense que je suis dans l’apocalypse. »
Elle se demandait pourquoi la police bloquait les sorties, arrêtait les voitures et les faisait faire demi-tour, tout en autorisant davantage de véhicules à entrer dans la ville, alors que la situation était « tellement chaotique ».
Mme Albinson raconte qu’elle s’est alors arrêtée à l’angle de la rue Lahainaluna et de Front Street et qu’elle a commencé à faire signe à un policier assis dans sa voiture de patrouille pour lui demander des instructions.
« Il ne me regardait pas. Il ne tournait pas la tête. Il restait juste face à son ordinateur et ne répondait pas à ma demande d’aide », a-t-elle déclaré.
« Je ne comprenais pas pourquoi les policiers bloquaient la route, à moins que ce ne soit pour notre sécurité. »
Tout autour d’elle, les débris ont volé devant sa voiture sous l’effet des vents violents. Une grosse branche d’arbre a heurté son pare-brise, mais heureusement, la vitre ne s’est pas brisée.
« Il ne faisait aucun doute dans mon esprit que les gens seraient bloqués [dans les embouteillages] », relate Mme Albinson. « Je ne savais pas ce que cela signifiait à l’époque. »
Mme Albinson se souvient avoir vu son ami tourner à gauche pour se diriger vers le sud, alors qu’elle avait tourné à droite pour trouver la sortie bloquée par la police. Rapidement, elle a fait un « virage à 180 degrés » et est retournée à Puamana.
En chemin, elle a vu sa patronne assise dans sa voiture près d’un vieux banian.
Elle lui a dit : « Je rentre chez moi ».
Mme Albinson raconte qu’elle a commencé à supplier sa patronne de ne pas retourner à la maison, estimant que ce n’était pas sécuritaire.
« Elle est quand même repartie », dit-elle. « Je n’ai pas eu de nouvelles d’elle pendant 24 heures. Elle a passé la nuit [à essayer de se mettre en sécurité] dans l’océan. »
Avec les vents puissants qui secouaient son véhicule, elle savait qu’elle devait quitter Lahaina « à tout prix ».
« Je franchirai la barrière [de la police] s’il le faut », a déclaré Mme Albinson, qui a réussi à trouver une sortie sans surveillance sur la route 30, loin de Lahaina – et à rentrer chez elle.
Ce soir-là, elle a dit à sa fille Shelby Thomson, 27 ans : « Il va y avoir des milliers de morts ».
Shelby lui a répondu : « Maman, ne dis pas ça ».
Mais Mme Albinson savait que trop de personnes étaient encore piégées dans la ville pour qu’il en soit autrement.
À la fin du mois d’août, les autorités du comté de Maui ont annoncé que la totalité de la ville avait été fouillée, à la recherche de restes humains. Le bilan s’élève à 115 morts et des centaines de personnes sont toujours portées disparues.
« On peut parler d’intervention divine. », a déclaré Shelby, réalisant à quel point sa mère avait failli « ne pas s’en sortir » vivante.
« Une demi-heure de plus et elle aurait été bloquée. »
Beaucoup de confusion
« Nous sommes simplement reconnaissants d’être en vie », a déclaré Michelle, dont le mari, Ed, a perdu tous le matériel de son entreprise dans l’incendie de Lahaina.
Bien que la maison du couple ait brûlé dans l’incendie, ils ont pu sauver leurs chiens et 30 poulets.
Michelle attribue l’incendie meurtrier à de mauvaises décisions prises par les autorités locales et à « beaucoup d’erreurs de communication. Beaucoup de confusion ».
Son mari se souvient de la gravité de la situation sur Front Street, alors que des automobilistes paniqués bloquaient la chaussée.
« Tout d’un coup, des flammes et de grosses braises ont envahi les bâtiments situés juste à côté de nous », a déclaré Ed à Epoch Times. « Il pleuvait des braises. C’était assez épais. Elles atterrissaient sur l’herbe, allumaient de petits feux et s’éteignaient. Tout le monde était terrifié. »
Ed s’est dit étonné de voir qu’une voie de circulation en direction du nord sur Front Street s’est rapidement transformée en six voies de circulation infernales, toutes allant dans la même direction.
« Des voitures étaient sur les trottoirs, elles étaient partout. On ne pouvait même pas sortir de son véhicule », dit-il. « Elles étaient côte-à-côte, si proche l’une de l’autre. Vous ne pouviez même pas ouvrir la portière. »
« [Au téléphone], ma femme n’arrêtait pas de me dire : ‘Il faut que tu sortes de là, même si tu dois t’éloigner du véhicule. Sors' ».
Ed a alors remarqué deux amis se trouvant dans les véhicules derrière lui. Plus tard, ils ont sauté dans l’océan pour sauver leur vie. »
Sa chance de s’échapper s’est présentée lorsqu’un véhicule a laissé une place à sa droite sur Front Street.
« J’ai simplement appuyé sur l’accélérateur et j’ai pris sa place », raconte Ed, qui a renoncé à toute prudence en roulant sur le trottoir et l’herbe devant les maisons, afin de se décaler à droite pour échapper à la circulation.
Il a continué à avancer jusqu’à ce qu’il atteigne une rue secondaire bloquée et qu’il contourne la barricade de la police.
Un agent lui a crié : « Vous ne pouvez pas aller par là! »
Ed a répondu : « Eh bien, j’y vais quand même ».
Il a déclaré qu’il était « tout à fait possible » de s’engager sur l’autoroute et estime, rétrospectivement, que le fait d’avoir défié les autorités lui a probablement sauvé la vie.
Le chef de la police du comté de Maui, John Pelletier, et le maire Richard Bissen n’ont pas répondu aux demandes de commentaires d’Epoch Times.
Epoch Times n’a pas pu joindre le gestionnaire par intérim des mesures d’urgence du comté de Maui (MEMA), Darryl Oliveira, pour commentaire, à l’heure de publication.
Le 28 août, M. Oliveira a remplacé le gestionnaire précédent de la MEMA, Herman Andaya, qui avait démissionné le 17 août pour « raisons de santé ».
M. Andaya avait été confronté à des questions de plus en plus insistantes concernant sa décision de ne pas déclencher les sirènes d’alerte du comté de Maui, qui auraient permis d’alerter les habitants des incendies de forêt.
Alors que la MEMA teste régulièrement les sirènes le premier jour de chaque mois, l’agence a déclaré qu’elle avait annulé l’essai du 1er septembre par sympathie et par respect pour les victimes des incendies.
En « mode survie »
Mme Grale a déclaré qu’elle se préparait à aller travailler à Lahaina lorsque son petit-fils l’a téléphonée à 5 h 30 le 8 août, lui demandant si elle allait bien à cause du premier incendie.
Elle lui a répondu que tout allait bien.
« Mais lorsque je suis descendue à Lahaina, dès que je suis arrivée à la bretelle d’accès à Puamana, tout était bloqué », relate-t-elle.
Mme Grale a trouvé un autre itinéraire, mais entre-temps, le feu s’était propagé à sur la rue Lahainaluna. Son téléphone portable avait également cessé de fonctionner.
Elle a fini par se rendre à son travail en revenant sur Front Street, naviguant entre les vents violents et les arbres tombés.
« La situation n’a cessé de s’aggraver tout au long de la journée », décrit Mme Grale à Epoch Times.
Vers 15 h 30, une collègue et elle ont décidé de partir pour leur sécurité personnelle.
« Dieu merci, nous ne sommes pas restés dans l’appartement du patron, a déclaré Mme Grale.
« Il a fini par brûler. »
En continuant à rouler, elles se sont heurtées à de nombreux barrages de police aux sorties de l’autoroute principale de Lahaina.
« Nous avons fini par faire demi-tour. J’ai suivi mon amie, elle était devant moi. Nous sommes retournés sur Front Street. Dans toutes les rues, on ne pouvait pas passer », a déclaré Mme Grale.
Les rues où les lignes électriques avaient été coupées étaient les plus effrayantes.
« On ne veut pas être électrocuté. Nous n’étions pas encore très nerveuses, mais nous nous demandions pourquoi [il y avait tant de voitures] et pourquoi personne n’essayait de sortir [de son véhicule]. Nous avons réalisé que c’était une chose impossible. »
« Nous n’aurions jamais pensé que tout s’écroulerait aussi vite. [La police] a bloqué certaines routes parce que les lignes électriques étaient tombées. »
Mme Grale se souvient d’avoir vu une fumée si épaisse qu’elle était « incroyable ».
Lorsqu’elle et sa collègue ont été séparées dans la circulation, elle a commencé à penser : « Oh, mon Dieu, comment allons-nous tous sortir d’ici ? Tant de gens essayaient de se suivre ».
« Je me suis donc retournée », a expliqué Mme Grale. « Un homme dans un camion devant moi a traversé les cônes de signalisation et les a renversés. Je l’ai suivi. C’est ainsi que nous avons fini par sortir. »
« Nous étions en mode survie. Nous étions les deux seuls sur l’autoroute. Je me suis dit : ‘où est passé tout le monde ?' »
Pas de « paix dans mon cœur »
« Nous avions des procédures », a indiqué Mme Albinson. « Personne n’a jamais pensé que cela [se produirait] sous leur contrôle. Je ne sais pas ce qui a déclenché ces incendies. Je sais qu’il y a eu une négligence massive » et que des personnes devraient être tenues pour responsables.
« Ce n’est pas comme si nous avions eu un incendie tout d’un coup. Pendant des années, les gens ont participé à des réunions du conseil municipal au sujet d’incendies et des mesures à prendre. »
Elle est continuellement hantée par des cauchemars d’enfants victimes de l’incendie de Lahaina et affirme : je n’ai pas encore fait « la paix dans mon cœur », sachant que tant de jeunes vies ont été perdues.
Mme Albinson n’arrive pas à accepter que des centaines, voire des milliers d’enfants sont décédés.
« C’est tout simplement impensable », a-t-elle affirmé.
Mme Albinson doute pouvoir remettre les pieds à Lahaina après tant de victimes et de dévastation.
Hier soir, je suis allée à un cercle de prière et les gens m’ont dit : « avez-vous perdu quelque chose ? Avez-vous perdu des amis ? Est-ce que j’ai perdu mon travail ? », a t-elle déclaré.
Mme Albinson a répondu « oui » à toutes ces questions, mais elle s’est sentie bénie et encore plus chanceuse d’être en vie.
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