Partout en Italie, les pompiers ont lutté ces derniers jours contre les flammes. Le pays est touché par des centaines d’incendies, attisés par la chaleur et la sécheresse. En France, ce sont les environs de Nice qui ont été récemment victimes du feu : 120 hectares de forêt sont ainsi partis en fumée à Castagniers, ce qui en fait l’incendie le plus grave pour les Alpes-Maritimes depuis 2003.
Ces événements ne sont que les derniers en date d’une longue série pour les pays méditerranéens. Au mois de juin, 64 personnes avaient trouvé la mort dans des feux de forêt à Pedrógão Grande, dans le district de Leiria, au Portugal. Dans la foulée, ce sont les forêts espagnoles qui ont été touchées, entraînant l’évacuation de plus de 1 800 personnes de leur maison ou de leur lieu de vacances.
Les incendies sont certes monnaie courante en période estivale, mais les dégâts sont plus lourds cette année que d’habitude. Ces incidents nous appellent en tout cas à repenser l’aménagement de ces territoires afin qu’ils puissent protéger la population et les écosystèmes dans un contexte de changement climatique.
Reforestation
Aujourd’hui, même dans les régions qui ont déjà une longue histoire commune avec le feu (Méditerranée, sud de l’Australie, Ouest américain), les risques d’incendie sont de plus en plus élevés. Un changement qui tient à la fois au réchauffement climatique et à l’augmentation de la population vivant à proximité de zones fortement boisées.
Non pas que les habitants du sud de l’Europe partent vivre dans la forêt, bien au contraire. Les changements économiques et sociaux de ces dernières décennies ont plutôt poussé la population rurale à s’installer dans les grandes villes.
En 1950, près de la moitié des Espagnols vivaient en zone rurale. En 1990, ce chiffre avait déjà diminué de plus de 25 %.
Conséquence : des paysages qui, autrefois, mêlaient terres agricoles, pâturages et forêts relativement clairsemées, sont aujourd’hui dominés par des forêts bien plus denses. Ces images d’un même paysage espagnol dans les années 1900 et en 2016 peuvent en témoigner.
Plantées à la fois pour produire du bois et protéger les sols de l’érosion, ces forêts peuvent pourtant, dans un environnement sec, augmenter le risque d’incendie.
Comment dès lors éviter les effets néfastes des feux dans des paysages méditerranéens de plus en plus riches en matières combustibles ?
Adopter le brûlage dirigé
Des solutions destinées à la fois aux territoires ruraux et urbains sont possibles, à travers des stratégies intégrées qui prennent en compte les causes écologiques comme sociales et économiques des incendies.
Dans les écosystèmes méditerranéens, l’extinction des incendies à l’aide de véhicules spécifiques prévus pour étouffer le feu juste après leur départ est le procédé le plus courant.
Cette technique est primordiale pour la sécurité des hommes et des habitations, mais son succès a un revers : l’extinction rapide du feu a pour conséquence une accumulation de la végétation. De vastes étendues de territoire se retrouvent ainsi à la merci de futurs départs de feu.
Une meilleure gestion de la végétation et des feuilles mortes peut passer par le brûlage dirigé, de plus en plus courant dans le sud de l’Europe. Cette technique vise à réduire, voire à briser, la connexion entre les éléments combustibles.
Son efficacité diffère toutefois selon les régions. Car les incendies dépendent de nombreux facteurs, outre ces combustibles : le climat, la topographie et les spécificités locales jouent leur rôle.
De récents travaux montrent, par exemple, que le brûlage dirigé s’avère plus efficace au Portugal qu’en Espagne. L’influence plus importante, dans le premier pays, des combustibles par rapport au climat ou à la météo pourrait expliquer cette différence.
La gestion du combustible est particulièrement efficace quand elle s’applique à des points stratégiques précisément définis ainsi que dans les zones urbaines et rurales exposées, notamment celles se trouvant à proximité des habitations.
Dans les zones rurales, associer les efforts pour contrôler les matières combustibles à des pratiques de sylviculture et d’agriculture vertueuses pour les économies locales (on parle ici de « bioéconomie ») permet une gestion plus efficace de ce problème. Ces activités sont également pourvoyeuses d’emplois.
Un exemple parmi d’autres : une pratique durable en sylviculture consiste à créer de zones moins densément boisées, où les arbres se trouvent plus espacés les uns des autres, ce qui permet de réduire la propagation du feu.
Les pâturages constituent un autre moyen de réduire la charge de combustible dans les zones rurales. En France, cette pratique traditionnelle fait aujourd’hui partie intégrante des programmes de prévention des incendies ; en Espagne, cette technique est aujourd’hui testée en Catalogne (Espagne).
L’agriculture peut également contribuer à empêcher les liens entre les combustibles forestiers pour réduire le risque d’incendie. Le développement de nouvelles cultures spécifiques (comme celles de la truffe ou de la vigne sur des terres abandonnées) peut agir tel un coupe-feu végétal, même si les scientifiques et les gestionnaires des terres n’en sont qu’au tout début de leurs expérimentations dans ce domaine.
Impliquer les communautés locales
L’éducation du grand public constitue un autre aspect de la prévention, venant compléter les différentes tactiques évoquées plus haut pour éviter qu’un incendie ne devienne une tragédie.
Cette information doit porter sur la sécurité domestique, sur quand évacuer sa maison et où se mettre à l’abri ; elle est essentielle pour réduire les effets des incendies très dangereux qui embrasent en été le bassin méditerranéen.
L’efficacité de cette prise de conscience passe par l’implication des communautés locales à toutes les étapes des actions de prévention, et pas seulement avant ou après un événement. Il convient également d’associer une grande diversité de groupes aux intérêts spécifiques et différents, des agriculteurs aux associations de défense de l’environnement en passant par les entrepreneurs locaux.
Cette implication sera tout particulièrement nécessaire pour l’aménagement des zones rurales et urbaines en Méditerranée. Dans le choix de l’emplacement et des méthodes et matériau de construction pour les nouvelles habitations, il doit y avoir une prise en compte du risque incendie et une bonne compréhension des enjeux par toutes les parties prenantes.
Les bienfaits du feu
Le feu n’a pas que des effets néfastes. Bien des plantes et des animaux en dépendent pour leur survie et certains types de feu servent la biodiversité. Dans les écosystèmes méditerranéens, certaines plantes en ont besoin pour achever leur cycle de vie et d’autres s’y sont adaptées grâce à une écorce épaisse ou la capacité à repousser par exemple.
Certains animaux peuvent également bénéficier des espaces découverts créés par les incendies : c’est le cas du bruant ortolan, petit oiseau dont les populations ont décliné en Europe, qui colonise ce type d’endroits.
Mais la flore et la faune ne s’adaptent pas à n’importe quel type de feu ; une préservation réussie de la biodiversité dépend donc d’une authentique connaissance de l’influence spatiale et temporelle du feu sur les différentes espèces.
Une même compréhension approfondie de la manière dont les plantes, les animaux et les incendies ainsi que d’autres processus interagissent est également essentielle pour être capable d’identifier où et quand les prochains feux risquent de se produire. Aujourd’hui, des données et des modèles portant sur la propagation du feu et son occurrence peuvent ainsi être utilisés pour évaluer les dangers d’un incendie et son impact potentiel sur les populations.
Luke Kelly, Research Fellow, University of Melbourne; Eduard Plana Bach, Head of Unit of Forest Policy and Environmental Governance, Forest Sciences Centre of Catalonia et Marc Font Bernet, Researcher in the Forest Sciences Centre of Catalonia
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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